Dragon Gate : La Légende Des Sabres Volants
- Détails
- Critique par Nicolas Zugasti le 16 août 2013
Gravity
Si Detective Dee l’amorçait, Dragon Gate : La Légende Des Sabres Volants consacre le retour des envolées en apesanteur de combattants aux extraordinaires capacités martiales.Â
Un grand film d’aventures même pas sorti en salles chez nous alors qu’il a été tourné en 3D.
Tsui Hark n’est pas un auteur suffisamment reconnu pour que cette sorte de suite à son New Dragon Gate Inn de 1992 (pas besoin d’avoir vu ce dernier pour tout saisir) bénéficie d’une distribution minimale. Un constat général en France lorsqu’il s’agit de cinématographies asiatiques. Il est vraiment dommageable de découvrir son dernier essai dans son salon (le film est disponible en DVD et Blu-ray édités par Seven Sept depuis le 26 juin 2013), car voir s’atteler le génial barbichu à une mise en scène "3déisée" était proprement excitant. D'autant que même "à plat" on devine que le rendu de certains plans et séquences est rehaussé en 3D (perspectives, profondeur de champ, contre-plongées accentuant des postures déjà diablement iconiques, la scène avec la toile de fils tranchants dorés…). En espérant que la suite, plutôt la préquelle, de Detective Dee Et Le Mystère De La Flamme Fantôme, Young Detective Dee : Rise Of The Sea Dragon, ne subisse pas le même sort car Hark y expérimente une 3D sous-marine que Cameron utilisera (et perfectionnera) pour les suites d’Avatar.
Pour l’heure, retour dans l’auberge frontalière de la porte du dragon, établissement apparu pour la première fois chez King Hu en 1967 avec Dragon Gate Inn et théâtre ici d’une nouvelle épopée.
Le cinéma de Hark s’inspire de celui de Hu et s’il n’hésite pas à lui rendre ouvertement hommage – comme c’était déjà le cas avec New Dragon Gate Inn, le générique initial emprunte la même musique que celui de Hu ainsi que son usage de l’art calligraphique ; le personnage féminin du duo de bretteurs arrivant dans l’auberge est, dans l’attitude et la posture, le même que celui de Dragon Gate Inn, Hark poussant cependant plus avant sa maîtrise martiale – il va ici composer un objet de plus grande ampleur tant narratif que graphique, tout en conservant la particularité primordiale du classique original, les joutes stratégiques à l’intérieur de l’auberge où les divers oppositions dialoguées ou armées permettent d’évaluer les capacités des adversaires et de tenter de jauger leurs intentions. Pièges à déjouer, jeu de regards à décrypter, autant d’épreuves nécessaires pour forger les alliances les plus adéquates.
Utilisant toujours avec autant de bonheur la moindre parcelle d’espace à sa disposition, Hark va de plus étendre son terrain de jeu puisque l’action ne sera pas confinée à l’auberge et transitera en outre de sa grande salle de repas à son sous-sol en passant par le lieu souterrain dont le passage secret mène discrètement à l’air libre. La haute voltige est constitutive du moindre mouvement et impliquera même les objets (tasses, troncs d’arbres, table…) lorsque les belligérants se les renverront. Du grand art scénique particulièrement réjouissant de par son inventivité, sa beauté, son découpage et sa diversité, chaque combat étant différent du précédent. Et pas seulement à cause des lieux se déroule l'action (port, bord de rivière, bateau, désert, etc.) mais parce que chacun arbore un style renvoyant à sa personnalité (par exemple, l’épée à la double lame détachable pour ce fourbe d’eunuque).
D’un film à l’autre, le point central de l’action est le même mais ici l’intrigue s’est développée presque démesurément. Le pouvoir de l’Empereur est noyauté, détourné par les eunuques constitués en deux chambres, celles de l’Est et de l’Ouest, semant la terreur parmi la population en exécutant la moindre étincelle d’opposition. Cependant, Zhao Huan (Jet Li) et ses deux acolytes forment un trio de justiciers errants et volants protégeant le peuple, les dignitaires ou les fonctionnaires respectables en passe d’être tués. Alors qu’une des concubines de l’Empereur, en état de grossesse, s’enfuit du palais afin d’échapper à l’exécution ordonnée par l’eunuque régissant la chambre de l’Ouest (véritable police politique secrète et impitoyable), Zhao et sa bande projette de l’intercepter et de la protéger mais sont devancés par un mystérieux chevalier solitaire qui se fait passer pour Zhao. C’est en fait l’aubergiste de New Dragon Gate Inn (elle ne se nomme plus Jade mais Ling Yanqiu) qui depuis les événements passés tente de retrouver Zhao en attirant son attention.
Dans sa fuite pour protéger la concubine enceinte, elle sera obligée de passer par son ancienne auberge reconstruite au même endroit dans le désert (et ayant conservé également la manière très spéciale de cuisiner la viande). Afin d’éliminer la fuyarde et tendre un piège au fauteur de trouble Zhao, l’eunuque dépêche toute une colonne de son armée avec à sa tête deux de ses plus redoutables lieutenants, lui-même se rendant à proximité des lieux avec le reste de ses hommes afin de prendre tout le monde en tenaille. Zhao emprunte la même voie et tout ce petit monde devra en plus batailler avec une bande de tartares déjà présents dans l’auberge et un duo mixte mystérieux dont l’homme, appelé Lame du Vent, ressemble étrangement comme deux gouttes d’eau à l’éminence de la chambre de l’Ouest. Ajouté à cela l’imminence d’une tempête extraordinaire, les objectifs divergents de chaque groupe et les quiproquos induits par le sosie de l’eunuque et vous aurez une petite idée de l’agitation qui va régner.
Pour autant, ce ne sera pas un grand bordel discursif car Hark prend soin de traiter et lier ces sous-intrigues méthodiquement afin que les divers points de tension et de pression puissent se libérer dans une dernière partie dantesque riche en renversements et renversants affrontements.
Les quelques réserves négatives portent essentiellement sur des CGI et incrustations pas folichonnes mais rien néanmoins qui atténue le plaisir pris à la réunion des deux artistes majeurs Tsui Hark et Jet Li, quasiment vingt après leur brouille sur Il Etait Une Fois En Chine 3. Le personnage interprété par Li est peut-être le héros principal, du moins celui sur lequel se focalise toutes les attentions, mais il ne vole pas la vedette au reste de l'impeccable casting, les autres acteurs étant remarquablement mis en valeur, définis avec justesse en un minimum de temps. Certes, Zhao disparaît de l’écran une bonne partie du développement central mais sa présence diffuse demeure imprescriptible puisque rappelée au détour de dialogues et, plus joliment, à travers les actes de Ling Yanqiu dont chaque geste et chaque moue sont motivés par lui. Et tout en développant une fois de plus une belle romance contrariée et impossible teintée d’honneur et de respect mutuels, garantissant ainsi des accents hautement tragiques à ce récit épique, Hark agrémente son histoire avec trois autres personnages féminins tout aussi marquants, volants presque la vedette à la kyrielle de caractères à forts tempéraments.
Dragon Gate : La Légende Des Sabres Volants est une nouvelle preuve de l’énergie et de la maîtrise toujours plus profonde de son art de Tsui Hark, un divertissement de haute tenue aussi excitant que poignant par endroits, dont on ne saurait passer à côté, fusse-t-il visionné sur un écran de télé...
LONG MEN FEI JIA
Réalisateur : Tsui Hark
Scénario : Tsui Hark
Production : Dong Yu, Nansun Shi, Tsui Hark, Xiaoli Han…
Photo : Sung Fai Choi
Montage : Chi Wai Yau
Bande Originale : Wai Lap Wu
Origine : Chine
Durée : 2h01
Sortie française : 26 juin 2013 en DVD et Blu-ray édité par Seven Sept
Â
Commentaires
S’abonner au flux RSS pour les commentaires de cet article.