Les Gérard du Cinéma 2009
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- Instant critique par Nicolas Bonci le 22 mai 2009
Les maçons du coeur
Le 12 mai dernier se déroulait au Club Marbeuf à Paris la quatrième cérémonie des Gérard du Cinéma, prix à visées satiriques récompensant le "pire du cinéma français". Vaste programme, retransmis en direct sur Paris Première, manière d'illustrer que le plus simple pour monopoliser l'attention d'un milieu est encore de lui dire ce qu'il désire entendre ?
Les initiateurs de ces Gérard se sont inspirés des très peu inspirés Golden Raspberries Awards, parodies US des Oscars qui, lorsqu'ils n'ont l'audace et le courage d'hurler avec les loups (car il en faut pour descendre les films avec Paris Hilton), aiment à railler les métrages les plus intéressants ou "autre" du cinéma d'outre-atlantique (Hudson Hawk, Freddy Got Fingered, The Postman, Showgirls, I Know Who Killed Me), ce qui a fait de cet ersatz de satire le marronnier cinéphile favori des médias désirant se parer quelques secondes dans l'année d'une once d'iconoclastie vaine et innocente.
Le jury des Gérards, composé de journalistes issus de Voici, Closer, Le Monde, Technikart ou encore M6, a adapté la chose aux réflexes de l'Hexagone, axant sa sélection principalement sur les films les plus aptes à être populaires chacun dans leur catégorie ; comédies, drames et films d'auteur ont tous leurs représentants phares nominés pour le plus mauvais film (de 2008 ? de 2009 ? on ne sait trop, l'important étant ici d'être dans le "buzz") : Fabien Onteniente, Etienne Chatilliez, Agnès Jaoui, Anne Fontaine, Christophe Barratier, Michel Houellebecq. Des cibles évidentes, faciles, qui ne requièrent aucun discours ou argumentaire particulier pour "allumer" du mastodonte sans déranger la profession et le public, rendant l'exercice aussi pertinent qu'une élection de Miss s'accordant pour proclamer à la face du monde que "la guerre c'est pas bien".
"Dans toute la sélection, nous n’avons vu que deux ou trois films. Nous nous fions à nos préjugés."
En avouant dans France Soir à la fois leur inintérêt absolu pour le cinéma et l'aspect gratuit et arbitraire de leur démarche pseudo-frondeuse, les auteurs (Arnaud Demanche, Stéphane Rose et Frédéric Royer) désamorcent volontairement toute velléité critique, toute ambition pamphlétaire, permettant à la profession de se gausser de cette farce sans aucune crédibilité. Et valident du même coup leur ticket d'entrée dans la valse médiatique, les rédactions raffolant toujours de tout ce qui peut continuer à fournir l'illusion que quelque part subsiste un léger esprit de rébellion, un quelconque contre-pouvoir aux discours obligés, formatés et répétés.
Las. Tandis que des auteurs bons à moyens reçoivent leurs nominations aux Gérard devant un parterre de naïfs satisfaits, des cinéastes abonnés aux éloges immérités se pâment dans l'aura de l'invulnérabilité discursive, construite, parpaing après parpaing, par les maçons journalistiques des préjugés.