La Possibilité D'Une Ile

Guère de clone

Affiche La Possibilité d'une Ile

Trois semaines après Babylon A.D. (ou XxX 3, je ne sais plus trop), débarque en salles une nouvelle adaptation d'un célèbre roman de Science-Fiction français contemporain. A la différence que l'auteur tourne ici lui-même la manivelle, ce qui n'est pas plus garant du respect de l'œuvre originale.


Comme le firent ces dernières années Yann Moix (Podium), Virginie Despentes (Baise-Moi) ou encore Alexandre Jardin (La Philo Selon Philippe, Le Film), Michel Houellebecq intègre la caste des romanciers adaptant eux-mêmes leurs écrits sur grand écran avec cette Possibilité D'Une Ile sur laquelle repose l'immortalité de Daniel25 (Benoît Magimel), vingt-quatrième clone de Daniel1 (Benoît Magimel). Unique survivant d'un monde dévasté par les guerres de toutes sortes, Daniel25 (Benoît Magimel) se remémore sa première occurrence (Benoît Magimel) et le chemin personnel parcouru qui l'a amené à devenir le dernier humain de la planète.
Tout commence dans un hangar paumé d'une Z.I. belge à l'intérieur duquel le père de Daniel1, un "clone" de Raël joué par Patrick Bauchau (Le Caméléon), prêche la gloire des aliens Elohim à une bande de pauvres péquenots ne tenant même pas assis, tandis que son fils trompe son ennui en s'adonnant à son passe-temps de cruciverbiste. Cette première partie en plat pays, aux décors déshumanisés par trop d'interventions humaines, voit le grotesque (le gourou en caleçon dans sa loge-camionette, le discours métaphysique ponctué par des remarques sur le pinard) le disputer à la futilité (vouloir sauver le monde à coup de cinq péquins avec un rétroprojecteur). Vu que nous y retrouvons, comme trop souvent en pareil cas, le fameux combo "cadres larges fixes + plans étirés en longueur", nous ne pouvons nous empêcher de penser immédiatement à un autre esthète des "gens d'en bas du nord" : de par cette introduction nous sommes effectivement chez Bruno Dumont, avec ce même cynisme facile voire simplet entièrement dévoué à la guerre courageuse des grands auteurs contre les petites gens, cette même misanthropie qui ne parvient à s'exprimer qu'à travers la mise à sac de paysans ("Quelle vision sur le monde"), d'alcooliques ("Jamais on a été aussi loin dans le propos") et de SDF ("A l'Académie Française, vite !"), car oui, Zola est décidément loin les enfants (d'ailleurs vous remarquerez que les auteurs méprisants les couches populaires les filment toujours de loin en plans larges, fixes et écrasés par leur environnement, tandis que ceux qui cherchent à les mettre en avant, les Kechiche, les Dardenne et cie, les filment de près et en mouvement ; l'approche cinégénique est dans le genre assez révélatrice).

La Possibilité d'une Ile
- Là ?
- Non, encore un peu à droite.


Mais fort heureusement, et contrairement à Dumont et une large part de ses confrères, chez Houellebecq ce motif n'est pas le but final, mais uniquement un moyen de mettre en perspective décalée l'évolution de la secte, le parcours de Daniel1 et surtout la solitude de ce dernier lorsqu'il devra fouler un réel désert industriel comme une âme en peine à la recherche de ce contact humain qu'il refusait lorsqu'il lui était à portée de main. Dans le même ordre d'idée, le concours d'adolescentes en bikini, et les scènes au club de vacances en général, paraissant gratuites et hors de propos au premier abord (même si complètement houellebecquiennes) ne font que renforcer l'ambiance désenchantée de la dernière partie tant l'univers dans lequel survit le héros (un superbe et effrayant monde de rouille rappelant celui de Stalker) est à la fois éloigné et en même temps la conséquence directe de cette superficialité désincarnée qui gangrenait son passé.
Or voilà, si le film tient formellement la route (les décors sont impressionnants, la mise en scène, à quelques erreurs d'axe près, est acceptable), la structure et la recherche de l'épure de l'auteur rend l'objet si ce n'est incompréhensible du moins bien vide et frustrant par rapport au livre pour celui qui ne l'a pas lu. A vouloir jouer le trip mystérieux façon Cicatrice Intérieure dans le désert, Houellebecq oublie de développer ses thématiques et de présenter clairement les enjeux du personnage à ses différentes époques ; un oubli sûrement volontaire tant la tâche de l'adaptation fidèle lui paraissait peut-être difficile voire improbable. Ainsi doit-on se contenter de quelques miettes ironiques comme Magimel, futur dernier homme sur terre, croquant  nonchalamment une pomme pendant que son père clame à ses ouailles : "Quelle merveille que l'homme !".

Tandis que Extension du Domaine de la Lutte et Les Particules Élémentaires étaient des tentations plus ou moins réussies de portage à l'écran de ses livres, La Possibilité d'une Ile n'est clairement pas une adaptation, et encore moins un prolongement. Houellebecq livre tout compte fait une très jolie illustration à mettre en fond d'ambiance pendant la lecture du roman, ni plus ni moins. Ceci pris en compte, difficile de donner une note un tant soit peu objective à cette bande ; tout au plus peut-on adhérer ou pas à la décision de l'auteur d'avoir si peu exploité le potentiel de son propre roman.

5/10
LA POSSIBILITÉ D'UNE ÎLE
Réalisateur : Michel Houellebecq
Scénario : Michel Houellebecq
Production : Eric & Nicolas Altmeyer, Jeremy Burdek…
Photo : Eric Guichard & Jeanne Lapoirie
Montage : Camille Cotte
Bande originale : Mathis Nitschke
Origine : France
Durée : 1h25
Sortie française : 10 septembre 2008













PS : Grâce à Alain Korkos, nous pouvons saluer la pertinence des balèzes de la com' qui sont allés jusqu'à cloné l'affiche ! Chapeau les gars.

La Possibilité d'un Honneur
 



   

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