Thor
Mariage de raison
Thor était particulièrement attendu pour deux raisons : c'était le premier film consacré au super héros nordique de la Marvel et peut-être surtout parce qu'il est réalisé par un cinéaste rompu à la tragédie shakespearienne, Kenneth Brannagh.
Le résultat dépasse réellement la plupart des espérances, le cinéaste anglais livrant un film sincère, prenant, visuellement impressionnant et mené de tout son long à un rythme effréné.
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C'est l'australien Chris Hemsworth, plus habitué aux rôles sur le petit écran qu'aux devants de la scène, qui revêt l'armure seyante du fils d'Odin, père de toute chose, équivalent dans la mythologie nordique de Zeus chez les Grecs. Thor, Dieu du Tonnerre, muni de son fameux marteau Mjolnir va se retrouver banni sur la Terre (ou Midgard) suite à une trahison tragique que n'aurait pas renié le dramaturge anglais. C'est à ce moment que l'intérêt pour le film est à son comble, passée la demi-heure de présentation d'Asgard, le Royaume des Dieux, et de ceux qui y vivent.
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La facture du film est bien au-dessus de la moyenne des blockbusters tant l'univers d'Asgard est dense et cohérent. La musique de Patrick Doyle et les décadrages systématiques de Kenneth Brannagh propulsent rapidement le film parmi les meilleurs issus de l'univers Marvel (avec X-Men 2 de Bryan Singer, Iron Man de Jon Favreau et Kick-Ass de Matthew Vaughn). Le cinéaste semble avoir apporté un sérieux dramaturgique qui n'empêche pas le film d'être parfois drôle sans jamais verser dans les deux tares usuelles que sont la mièvrerie et le ridicule. Cette crédibilité de bout en bout est aussi supportée par le rythme effarant du film, véritable chevauchée dans un monde inconnu mais familier par les règles du comic original et simplifié par des références habiles (la présence du S.H.I.E.L.D et l'allusion à Tony Stark, aka Iron Man).
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Mine de rien, les studios Marvel (filiale de Disney, à la marge de manœuvre similaire à celle de Pixar) se construisent un univers de cinéma de plus en plus vaste, préparant pas moins d'une vingtaine de blockbusters tirés de ses comics dans les trois prochaines années (plusieurs reboots – Spider-Man et Les 4 Fantastiques – mais surtout le film collectif The Avengers, réalisé par Joss Whedon, annoncé en 2012).
Thor est également l'exemple parfait du phagocytage américain de l'imaginaire universel tant la mythologie viking se fond idéalement dans les codes archétypaux du super-héros. Fort, courageux, Thor est un Dieu humain qui passe la plupart du film proche de ceux-ci plutôt que de ceux-là . Le casting judicieux (mentions spéciales à Anthony Hopkins et à Natalie Portman) ne fait qu'entériner le fonctionnement original du comic, base solide de scénario s'il en est.
La fusion de Kenneth Brannagh dans la profusion de superproductions Marvel montre d'une part la versatilité du cinéaste mais surtout la versatilité d'un sujet et d'un traitement narratif efficace car immémorial. Bien avant la Marvel, avant Shakespeare, il y avait les religions polythéistes antiques, puits sans fond de métaphores concrètes et essentielles.
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THOR
Réalisation : Kenneth Brannagh
Scénario : Ashley Miller, Zack Stentz & Don Payne d'après les personnages créés par Stan Lee, Larry Lieber & Jack Kirby
Produit par : Kevin Feige, Craig Kyle et Victoria Alonso
Photographie : Haris Zambarloukos
Montage : Paul Rubell
Bande originale : Patrick Doyle
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h54
Sortie Française : 27 avril 2011