The Amazing Spider-Man
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- Critique par Nicolas Zugasti le 16 juillet 2012
Non-sens d'araignée
Drôle de façon de fêter les dix ans du premier Spider-Man de Sam Raimi en rebootant la franchise. D’autant que ce n’est même pas pour reformuler singulièrement les origines du Tisseur mais pour l’intégrer dans le giron des actuelles adaptations pitoyables des héros Marvel (avec l’exception notable qu’est Captain America).
En effet, nous avons droit ici aussi à une séquence post-générique censée relancer l’intérêt des spectateurs et susciter l’attente insoutenable d’une éventuelle suite mais surtout, après Thor, Iron Man 2 et Avengers, démontre un incroyable acharnement à rabaisser la condition super-héroïque de ces êtres extraordinaires. Raimi développait une grande proximité entre le public et le friendly neighborhood Spider-Man mais n’en oubliait jamais la dimension mythologique de son personnage puisque Peter Parker devait constamment se dépasser pour se montrer digne de ses pouvoirs et de la confiance accordée par la population de New-York, les enjeux personnels étant toujours inextricablement liés à d’autres de plus grandes envergures.
Les nouvelles aventures de Spider-Man en prennent carrément le contre-pied puisque l’horizon de cet ado est passablement étriqué, uniquement circonscrit au batifolage avec sa petite amie Gwen Stacy. En somme, Marc Webb nous livre une version en spandex de Twilight.
Avec pour seule motivation la conservation des droits d’exploitation du personnage, un réalisateur sans envergure dont le seul film jusque-là (500 Jours Ensemble) est une comédie sentimentale faussement originale, le dévoilement de nombreuses images (près de 25 minutes) faisant poindre une immense consternation, impossible d’espérer être agréablement surpris. Par contre, on ne s’attendait pas à une telle débâcle, une aberration où la débilité le dispute au ridicule : Peter et Gwen horripilants de niaiserie, Tante May complètement à la ramasse façon poivrote, le Lézard si raté qu'on croirait voir une version énervée de Goomba de Mario Bros Le Film, et les parents de Peter, symbolisant l’untold story tant vantée, à peine introduits et déjà évacués de l’intrigue : on y fera référence parcimonieusement dans la première demi-heure puis plus rien jusqu’à la séquence post-générique, cette dernière puant la précipitation ("Faisons apparaître un mystérieux personnage dans la cellule où est emprisonné le docteur Connors pour seulement assurer qu’il n’a rien dit à Peter sur ses parents !?"), Spider-Man tissant une toile reliant tous les conduits d’égouts pour repérer à la vibration où se trouve le Lézard, ce dernier découvrant l’identité de Spider-Man en trouvant l'appareil photo où est inscrit son nom, les tests des lances-toile durant lesquelles Peter se précipite dans le vide après avoir effectué le poirier sur le rebord du toit (cela doit améliorer la pénétration dans l’air une fois dans le vide), les œufs bio de May… On pourrait continuer comme ça des pages et des pages mais l’énumération des détails incongrus et autres incohérences ne ferait que masquer des faiblesses structurelles bien plus regrettables.
Un reboot était censé faire repartir de zéro, se démarquer de l’original. Or, le film de Marc Webb est complètement assujetti à la trilogie de Raimi, y faisant constamment référence non pas pour en questionner la pertinence ou proposer un nouvel angle d’approche, mais par paresse. On ne peut décemment pas penser au vu du résultat final que l’intention était de faire mieux. Et cela commence dès le générique qui reprend celui de Raimi à quelques détails près (cette fois-ci, des araignées déambulent sur les fils). Une fois contaminé par son sérum, le docteur Connors est sujet, comme Norman Osborn, à une schizophrénie patente, entendant la voix monstrueuse de son alter-égo, Peter se fait mordre par une araignée génétiquement modifiée dans un labo où se trouve l’amour de sa vie (la lycéenne Gwen est carrément l’assistante du renommé professeur Connors !), l’humiliation de Flash Thompson, ou encore la noirceur de Pete. Ici, il est à la limite du vigilante lorsqu’il traque tous ceux ressemblant à l’assassin de son oncle mais cela reste affreusement édulcoré et peu développé lorsque les actes de vendetta de Peter dans Spider-Man 3 lui faisait à chaque fois franchir un palier supplémentaire vers la damnation.
The Amazing Spider-Man calque son récit sur celui de Raimi mais peine à lui donner le moindre rythme, n’en retrouve jamais la tension dramatique ou le spectaculaire des séquences de voltige même si certaines semblent tout droit sorties de celles imaginées par Raimi et son équipe. L’erreur monumentale de ce film est de s’être focalisé outre mesure sur l’environnement lycéen de Peter alors qu’il était magistralement réglé par Raimi en une séquence, celle où les pouvoirs de Peter se manifestent dans le réfectoire et se terminant par le K.O de Flash. Un épisode important de la vie de Peter certes, mais ce n’en est qu’une étape, l’essentiel résidant dans sa progression vers plus de maturité. Webb préfère s’intéresser aux conséquences des pouvoirs de Peter sur sa vie estudiantine et n’envisage aucune évolution du personnage autrement qu’à l’aune de ce microcosme. Une sacrée réduction des enjeux que les agissements du Lézard et la menace qu’il représente ne viendront jamais rehausser.
D’autant moins que son projet de transformer les new-yorkais en monstres similaires à lui se heurte à une évocation petit bras, se résumant à quatre policiers infectés que l’on ne nous montrera d’ailleurs jamais en train de semer la panique. Dommage, car ce programme de contamination ouvrait d’intéressantes perspectives cinégéniques et dramatiques, même carrément déviantes car on aurait pu alors voir se profiler des séquences dignes de Black Mask 2 : City Of Masks de Tsui Hark. Au moins, on aurait eu quelque chose d’excitant à se mettre sous la dent.
Dans leur ensemble les quelques scènes d’action sont plutôt pauvres en termes de péripéties. Il n’y a bien que le sauvetage d’un petit garçon alors que la voiture où il est prisonnier chute dans le vide qui fasse un tantinet d’effet. Pour le reste, et notamment le climax, on navigue entre l’ennui et l’hilarité. Car comment rester de marbre devant l’incroyable bêtise de la séquence des grues (sans elles, il ne peut plus accrocher sa toile ?) culminant avec ce flic arrêtant la circulation au sol pour laisser passer Spider-Man se balançant au ras du bitume. Dans le même genre d’idiotie, relevons le moment où Connors presque redevenu lui-même après absorption du sérum rattrape au vol Spider-Man en train de chuter. Ce n’est pas comme si ce dernier avait la faculté d’adhérer sur toutes les surfaces. Quant à son sixième sens arachnéen, il est porté disparu, jamais utilisé et encore moins matérialisé (difficile dans ce dernier cas de faire mieux que Raimi, ils ont alors sans doute bien fait de s’abstenir).
Quant à l’intelligence supposée de Parker, il faut voir de quelle manière elle est exposée. Ce petit génie a mis au point un gadget électronique qui lui permet de tirer le verrou de sa porte de chambre rien qu’en appuyant sur un bouton. Impressionnant. Heureusement, il est beaucoup plus crédible lorsqu’il écrit sur un calepin l’équation qui permettra de résoudre les années de recherche du professeur Connors (presque une réminiscence de The Social Network lorsque Eduardo Saverin dessine sur une vitre l’algorithme décisif au projet facemash de Zuckerberg).
Même la quête d’identité de Peter est complètement à l’ouest. Déjà , on le présente comme un ado rebelle parce qu’il écoute Coldplay en trimbalant son skate board sur son épaule, le summum de l’anti-conformisme. D'autant qu'il n’est pas à proprement parler rejeté par les autres, et Gwen en pince déjà pour lui. Parker n’est pas le plus populaire mais est loin d’être sujet de moqueries, et encore moins ostracisé. Jamais on ne décèle la nécessité pour lui d’être aimé, reconnu, accepté, enfin. C’est un solitaire qui semble se complaire dans cette voie. Okay, pourquoi pas.
Le problème est que cela n’a absolument aucune résonnance sur ses actions en tant que Spider-Man. Ou alors façonné à l’emporte pièce. Chez Raimi, tout dans le parcours de Peter prenait sens. Le Parker façon Webb passe son temps à enlever son masque et à révéler son identité, que ce soit à Gwen ou son père et par extension à tous les policiers présents à ce moment-là , désamorçant de fait la tragédie inhérente à la double identité. Dès lors, la reprise de la séquence des funérailles n’a plus aucun sens, plus aucune dramaturgie. D’autant que la manière d’écarter Gwen de sa vie n’est l’accomplissement de la promesse faite à son père avant qu’il ne décède. Promesse qui sera ouvertement bafouée cinq minutes plus tard. Un final qui illustre la note d’intention de Webb envers le personnage de Spider-Man, une trahison qui n’a que peu d’importance tant que cela plaît aux jeunes filles en fleur…
THE AMAZING SPIDER-MAN
Réalisateur : Marc Webb
Scénario : James Vanderbilt, Alvin Sargent, Steve Kloves, Stan Lee, Steve Ditko
Production : Avi Arad, Kevin Feige, Michael Grillo, Stan Lee, Laura Ziskin…
Photo : John Schwartzman
Montage : Allan Edward Bell, Michael McCusker, Pietro Scalia
Bande originale : James HornerOrigine : Etats-Unis
Durée : 2h17
Sortie française : 04 juillet 2012