[Rec] 2

...parce que tout n'avait pas été dit

Affiche [REC] 2

La sortie de [Rec] 2 au moment des fêtes de fin d’année est-elle une habile manœuvre pour éviter la nomination aux Esquimaux Euhouards ou seulement le fait de l’incompétence de distributeurs oblitérant le potentiel de ce film ?


Dire que faire une séquelle réussie est un art délicat relève de l’euphémisme. D’autant plus lorsque l’original est un franc succès artistique et public et n’appelait pas forcément de suite. Il n’y a qu’à voir The Descent 2…

Que pouvait-on filmer de plus sur la contagion zombiesque ayant dévasté cet immeuble barcelonnais et entraîné la jeune et jolie journaliste Angela dans le repaire d’une créature décharnée, crasseuse et passablement énervée ? Au vu du tétanisant plan final, on peut légitimement s’interroger. Evacuons d’emblée l’argument du "c’est pour la thune, baby. La thune  !" que l’on peut apposer à tous ces numéros deux. Ce qu’il faut prendre en considération, c’est la volonté de s’écarter de la tentation de refaire le premier en versant dans la surenchère d’effets et de proposer un regard neuf sur l’univers fictionnel créé. De ce point de vue là, on peut d'ores et déjà affirmer que [Rec] 2 a réussi son pari même s’il n’est pas emprunt de défauts.

Le duo de réalisateurs Balaguero et Plaza l’affirme ouvertement, leur référence principale pour ce film était Aliens de James Cameron. Si les premières images et même la première demi-heure sont plutôt explicites (un commando de quatre hommes du SWAT espagnol s’apprête à pénétrer dans l’immeuble maudit accompagné d’un médecin du ministère de la santé pour trouver d’éventuels survivants), le but n’était pas seulement d’adapter les motifs propres au film de Iron Jim dans un nouveau contexte  mais bien d’épouser son désir de bouleverser la narration de son modèle et nos certitudes. Reprenant le principe du film tourné entièrement en vue subjective, les deux cinéastes vont doter chaque membre du commando d’une petite caméra embarquée fixée au casque et proposer ainsi une intéressante démultiplication des points de vue. Dans ces conditions alléchantes, il est dommage de constater l’utilisation limitée de ces caméras supplémentaires, les militaires restant le plus souvent groupés. Petite déception car la séquence où un des hommes se trouve isolé dans un appartement, cerné par des infectés arrivant de toute part avec un nombre de balles limité  parvenait à générer une tension digne d’une séquence de FPS. Ce que les deux auteurs ne manquent pas d’appuyer avec une vue subjective spécifique. C’est d’autant plus étonnant qu’ils n’aient pas insisté sur cette nouvelle filiation au monde vidéoludique vu que le premier [Rec] était une adaptation non-officielle du hit de Capcom Resident Evil. Cependant, l’adjonction de ces nouveaux personnages reste diablement efficace car malgré leur attirail et leur entraînement, ils n’ont pas la même connaissance que le spectateur sur la nature de la menace et restent donc dans l’expectative.

[REC] 2
 

Certains reprochent au film d’être illisible lorsque les zombies attaquent mais cette confusion reste d’une extrême cohérence : ce sont des images prises sur le vif et dans ces conditions, m’étonnerait que beaucoup s’inquiètent de rendre l’action compréhensible en recadrant la scène.
Par contre, on peut regretter la propension actuelle à vouloir tout expliquer et trop en montrer et à laquelle n’échappe pas [Rec] 2. Notamment dans son plan final qui est un prolongement direct du plan final de [Rec].
Malgré les défauts relevés ou les réserves émises, le film tient plutôt bien ses promesses et parvient vraiment à renouveller l’intérêt pour une histoire que l’on connaît. Et cela tient principalement au rôle de cet émissaire du ministère de la santé.

Attention, chérie, ça va spoiler (jusqu’à la fin de la critique)…

Celui qu’on nous présentait comme un scientifique s’avère être un prêtre (au charisme de dingue, qui plus est) ! Il est ici pour s’assurer que rien ne sorte et surtout trouver un échantillon du sang de la petite fille possédée responsable de la contagion (celle séquestrée et qui s’est muée en grand-mère décharnée) afin de trouver un antidote. Surtout le père Owen permet de révéler la véritable nature du mal jusqu’ici à l’œuvre, nous sommes définitivement en présence d’un cas de possession maléfique et il semble bien connaître l’entité occupant les corps.

Toujours dans le souci d’apporter de nouveaux points de vue, Balaguero et Plaza introduisent les personnages de trois ados assez insupportables en VF qui ont réussi à pénétrer depuis l’extérieur. Cela permet une respiration en proposant des plans aux abords du lieu de confinement mais provoque également une rupture dans le rythme. Bien que leur caractérisation soit succincte, ils ne sont pas uniquement destinés à servir de chair à zombie. Car si l’un d’entre-eux va effectivement se faire mordre et donc se transformer rapidement, ces trois personnages juvéniles sont avant tout présents pour souligner le maltraitement dont il peuvent faire l’objet que se soit des mains du prêtre réfugié dans les combles de l’immeuble pour « étudier » le cas de la jeune Medeiros (à l’origine de l’infection) ou maintenant de la part des autorités sanitaires qui n’hésitent pas à les sacrifier en condamnant derrière eux toute sortie et de la part du reste du commando qui enfermera les deux non-infectés et s’occupera du cas du troisième ? Ou plutôt qui laissera le docteur Owen s’en occuper.

Si le film ne propose pas d’autre recoins non explorés (ou très peu), cela est parfaitement cohérent avec le projet de mise en scène sous-tendant cette suite : revisiter les lieux du massacre originel avec un autre point de vue (et même plusieurs). Surtout, cette volonté de redéfinir le premier récit est renforcée par le fait de donner au mal viral une origine ésotérique, la fiction contemporaine de [Rec] où était envisagé un virus transformant ses porteurs en zombies est devenue un cas de possessions multiples ancrant [Rec] 2 dans un récit au fantastique plus classique. Même le Malin s’est adapté et se transmet par contamination successive. Certes, les surprises du premier sont éventées mais l’objectif du duo espagnol n’était pas là. Encore une fois, la manière de revisiter leur propre histoire (le premier film comme certaines séquences au sein même de la séquelle) est plutôt bien vu.
Les deux réalisateurs en profitant également pour revisiter certains classique de l’horreur dont L’Exorciste bien sûr mais également The Thing en adaptant très personnellement la célèbre séquence du test sanguin pour en donner une interprétation en accord avec le thème développé ici.

[REC] 2
 

Et s’il fallait ne retenir qu’une image marquante, se serait ce plan voyant le retour d’Angela, la journaliste, entourée dune espèce de halo de lumière et portant sa caméra dans les bras et la tendant au prêtre comme une offrande… Connaissant la vraie nature de la journaliste, cela donne a posteriori une image génialement pervertie et subversive.
Soulignons également la brillante trouvaille de donner à la vision infra-rouge de la caméra d’Angela la capacité à révéler un monde invisible normalement. Une espèce de troisième œil, cette fois-ci technologique et non plus mystique, permettant de voir au-delà des apparences. Un procédé qui rappelle ce qu’expérimentait le héros de La Chambre Du Fils de leur compatriote Alex de la Iglesia (pour l’anthologie Pelliculas Para No Dormir).

Le film est une exploration de la peur universelle du noir, ce qu’il dissimule. Quel monstre surgira des ténèbres pour nous happer et nous y entraîner ? L’exploration de l’appartement du dernier étage par l’équipe d’intervention et du représentant du ministère de la santé se fait toutes lumières allumées. Les lieux apparaissent dès lors beaucoup moins menaçant. Mais une question taraude le spectateur du premier, où est passé cette satanée zombie longiligne qui avait finit par chopper la journaliste ? Mais plutôt qu’une horreur figurée par une hideuse créature, les quatre protagonistes vont mettre à jour une horreur cruellement tangible puisque la visite de l’appartement du prêtre va révéler les terribles expérimentations qu’il a mené sur la petite Medeiros et même d’autres enfants. De nombreuses photos et coupures de journaux punaisées au mur l’attestent. Comme pressenti à la fin du premier opus, nous sommes dans l’antre originel du Mal et pas seulement d’où est parti la contamination. Et si cet appartement saturé d’images, de signes, d’écrits, d’objets rappelle celui de John Doe dans Seven, il faut sans doute y voir là la volonté des deux réalisateurs d’établir une correspondance entre deux esprits torturés et dévolus à leur obsession et leur fanatisme. La lumière des lampes et des projecteurs révèle un obscurantisme barbare tandis que la terreur tapie dans l’ombre sera révélée par la lumière infra-rouge d’une caméra. Les deux réalisateurs revisitent ainsi le premier film et des lieux que l’on pensait connaître et mettent en évidence une dimension parallèle que chacun a pu expérimenter, les terreurs cachées dans l’obscurité, la fiction et la technologie leur donnant désormais une existence concrète.

Certes, on peut regretter que [REC] 2 mette en lumière ce que Dakness de Balaguero laissait dans l’ombre mais en l’état cela reste une suite loin d’être futile.

7/10
[REC]2
Réalisateurs : Jaume Balaguero & Paco Plaza
Scénario : Jaume Balaguero, Paco Plaza, Manu Diez
Producteurs : Carlos Fernandez, Julio Fernandez, Teresa Gefaell, Oriol Maymo…
Photo : Pablo Rosso
Montage : David Gallart
Origine : Espagne
Durée : 1h25
Sortie française : 23 décembre 2009




   

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