Le Congrès
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- Critique par Guénaël Eveno le 7 juin 2013
Quand j'étais acteur
En ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, le réalisateur de Valse Avec Bachir se projette dans un futur de fantasmes et interroge Robin Wright sur sa condition d’actrice. Surprenant.
Le Congrès de Ari Folman arrive à point nommé dans une période où la SF et l'anticipation semblent connaître un regain de créativité au cinéma. Un genre auquel Le Congrès appartient totalement malgré sa nature hybride, film live sur l'évolution de l'industrie du rêve qui se mue subitement en film animé sorti tout droit des studios Fleisher, inventeurs de Popeye et de Betty Boop. La coupure est nette, mais loin d’être artificielle, l'animation constituant le recours le plus élégant pour exprimer le champ de tous les possibles dans un monde où l'imaginaire devient réel.
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Les studios Miramount, la firme du film, s'approprient l'image des stars afin de l'incorporer dans des projets qu'elles n'auraient pas voulu tourner. Mais cette appropriation n'est qu'un palier vers la finalité de leur stratégie : celle du libre choix, qui consiste à avaler une pilule, prendre l'apparence de la personne dont l'essence est contenue à l'intérieur et projeter son propre scénario à travers cette enveloppe. La seule garantie d'intégrité de l'image de l'acteur, les clauses incorporées dans le contrat par son avocat, ne sera qu'une piètre sauvegarde qui tombera avec le temps et la chute des barrières morales. Ari Folman conte ainsi progressivement la suppression des acteurs (et des agents par la même occasion), puis celle des animateurs et des scénaristes, ouvriers intermédiaires, qui mène à une appropriation totale de l'image par les spectateurs. Le libre choix, évidemment, ne s'accomplit qu'à la condition d'une appropriation totale de l'industrie du rêve par les seuls studios, transformés pour l'occasion en usines pharmaceutiques
Folman transpose le mythe de Faust au cinéma comme l'avait fait De Palma pour la musique avec Phantom Of The Paradise. Mais il n’y aura guère de compensation pour l’acteur, qui encore une fois n’a pas vraiment accès au libre arbitre dans le contexte proposé. Le patron du studio (Danny Huston) est un diable qui gagne du terrain jusqu'à contrôler totalement un univers (les incarnations de police du boss du studio rappellent l'Agent Smith de la Matrice), tirant les ficelles du temps qui passe à son avantage et organisant une dépendance progressive, les destinataires de ce monde étant piégés à leur insu.
Une des forces du film de Folman est que derrière cette critique cinglante des businessmen du cinéma, le cinéaste refuse une position dogmatique. Le point de vue de Robin Wright, actrice fragile et torturée, se heurte au monde en place. Question d'inadaptation au changement ? Au temps qui passe ? Ou bien dernière des Mohicans au sein d'un univers déshumanisé où le vernis derrière le rêve dissimule l'errance d'une société en décomposition ? Folman déclare que les maux de cette société ont toujours existé et que ce n'est que sur la manière de les traiter que la technique a évolué. Les anti-dépresseurs et autres psychotropes ont juste changé de forme, mais remplissent la même fonction. Au regard de ces mutations irrésistibles dues aux puissants, l'homme ne saurait faire un plus mauvais choix en se repliant sur la projection de ses rêves et en se réfugiant dans le meilleur des mondes.
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Au milieu de ces questionnements évoluent plusieurs Robin Wright, les éternelles créatures du présent captées dans une machine et la véritable Robin, héroïne du film, loin des icônes post-Princess Bride qu'elle aurait pu incarner. L'actrice est à ce point le film qu'il paraît évident que Folman l'avait en tête lorsqu'il a écrit le scénario. Du fait de sa carrière, elle personnifie l’acteur face à la machine Hollywoodienne, qui l’a rejetée en conséquence. Tous deux sur le point d’appartenir au passé au même titre que l’actrice, l’agent (Harvey Keitel) puis l’animateur (Jon Hamm) lui déclarent successivement leur amour, le temps d’une banale scène de scanning transformée en sommet d’émotion ou d’un envol à deux dans un univers animé. Mais Robin ne pense qu’à sa famille, et surtout à son fils malade. L’affection qu’elle lui porte dépasse le temps qui s’écoule, ou ne s’écoule plus, et le retrouver devient le but de son errance. Jusqu’à s’incorporer dans un final purement subjectif, certainement le meilleur qu'aurait pu connaître le film.
Cette relation filiale et l’humour présent dans Le Congrès à différents niveaux (le plus évident est le jeu de reconnaissance des personnalités animées) montrent la profonde passion de son auteur pour ses personnages et son univers, passion totalement communicative. Partant d’un monde pessimiste et résigné, Folman nous pond au final un film lumineux et poétique.
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Le Congrès sera projeté au Forum des Images ce samedi 8 juin.
THE CONGRESS
Réalisation : Ari Folman
Scénario : Ari Folman, d’après l’œuvre de Stanislas Lem
Production : Bridgit Folman Film Gang, Pandora Film…Â
Directeur de l’animation : Yoni Goodman
Photo : Michal Englert
Montage : Nili Feller
Musique : Max Richter
Origine : USA
Durée : 2h00
Sortie française : 3 juillet 2013
Commentaires
Les scènes s’enchaînent souvent de manière très étrange : Rêve ? Réalité ? Séquence entièrement fantasmé ou uniquement le réel déroulement de cette réalité alternative ? A force de brouiller les repères, j'ai honnêtement fini par décrocher : surtout lorsque les thèmes pourraient être montrer de manière plus limpide et surement plus puissante.
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