La Reine Des Neiges
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- Critique par Nicolas Zugasti le 11 décembre 2013
Heartpiercer
Une princesse et une reine pas comme les autres, la figure classique du prince charmant malmenée, un manichéisme fluctuant, un sidekick qui ne sert pas uniquement de vecteur aux gags... S'il n'y avait pas autant de chansons, on se croirait presque chez Pixar !
Depuis que John Lasseter est à la tête du département animation de Disney, il a éprouvé certaines difficultés à imprimer une nouvelle dynamique. Volt, La Princesse Et La Grenouille, Raiponce avaient beau être visuellement chatoyants, ils peinaient à construire un récit captivant et sortant des sentiers battus. Inventif, iconoclaste, sophistication de la narration et intensification des enjeux, l'année dernière, le film Les Mondes De Ralph non seulement damait le pion à Pixar mais amorçait un changement profond.
La Reine Des Neiges confirme cette évolution plus intéressante de la branche classique de Disney. Un renouveau qui ne sera pas seulement l’apanage de la fiction dans laquelle il sera appelé, célébré en chanson, puisqu’il sera enfin efficient pour la firme aux grandes oreilles.
Pourtant, il semble à première vue que l’on demeure en terrain balisé avec cette adaptation d’un conte d’Andersen. Deux sœurs inséparables voient leurs vies chamboulées par les pouvoirs de l’une d’elle, Elsa, capable de générer glace et neige par sa seule volonté. Au cours d’un de leurs jeux, Anna est accidentellement frappée au visage par un jet de glace de sa sœur. Dès lors, Elsa vivra recluse dans une pièce de l’immense château (leurs parents sont les souverains du pays) tentant de contrôler un don devenant de plus en plus puissant. Elle ne sortira de sa retraite qu’au jour de ses dix-huit ans, au moment d’être couronnée reine en remplacement de leurs parents décédés.
Tandis qu’Anna ne pense qu’à décloisonner son existence en rencontrant des gens et cherchant l’amour, Elsa vit dans la peur de figer à jamais tout ce qu’elle touche et n’aspire qu’à la solitude. Contrariée par Anna, Elsa perdra momentanément les pédales, révélant à son peuple effrayé ses capacités réfrigérantes. Apeurée, elle s’enfuira dans la montagne et laissera libre cours à ses pouvoirs, instaurant un hiver glacial sur tout le pays. Culpabilisant, Anna se lance à sa recherche pour la ramener à la raison, aidé dans sa quête par Kristoff le palefrenier et son renne Swen.
Une situation de crise classique qui se résoudra grâce à des grands sentiments d’amour et des chansons. Seulement, tout ne sera pas simple, notamment parce que les lignes de démarcation entre bonté et malfaisance sont constamment floutées. Et cela prend forme dès le personnage d’Elsa, une antagoniste complexe qui est très loin du portrait maléfique qu’il aurait été tentant et aisé de formaliser.
Ses mauvaises actions, elle ne les a jamais sciemment désirées. Quand Elsa blesse par mégarde sa sœur, elle est la première bouleversée. Elle est également meurtrie de voir l’effroi qu’elle génère et lorsqu’elle se réfugie dans les terres, gravissant une montagne, elle se lâche sans penser à mal. Le palais de glace qu’elle fait émerger provoque la glaciation de toute la contrée mais c’est une conséquence dont elle n’a conscience que lorsque Anna lui apprendra. Face à la perspective d’une retraite isolée de tout, Elsa s’est libérée totalement des carcans sociaux, de bienséance, inhérents à son rang et cela s’est illustré par son changement d’apparence plus mûre, plus femme, et matérialisé dans l’édification de ce magnifique palais renvoyant à la fois à la forteresse de solitude de Superman qu’à celui martien de Doc Manhattan dans Watchmen (le comic book, oubliez le navet de Snyder). Une séquence renversante de beauté et de signification pour ce personnage taraudé par le désir de liberté. La confrontation avec Anna n’en sera que plus poignante.
Anna qui est d'ailleurs une princesse ne correspondant pas vraiment à l'image traditionnelle. Une volonté de se détacher de ce genre de figure imposée déjà présente auparavant mais qui s'affirme indéniablement ici. Frondeuse, aventureuse, et si Anna fait cependant preuve d'une certaine naïveté s'expliquant par les nombreuses années cloîtrées au château, elle n'en reste pas moins un personnage très intéressant dans sa manière de relancer l'action, surtout parce que c'est elle qui est en partie responsable (même inconsciemment) de la mauvaise tournure des évènements. Ou plutôt, le manque de communication avec sa sœur et l'ignorance de sa malédiction et de son humeur les entraîne sur des voies disjointes. Le principal enjeu s'avère ainsi être leur réunion et les personnages masculins de Kristoff et Hans le prince charmant sans royaume passeront en arrière-plan, simple piédestal aux deux héroïnes dans leur conflit. Ils auront leur importance dans le récit mais en tant que mise en valeur de la trame principale et pas comme éléments primordiaux pour sa résolution.
Le récit s'articule donc en priorité sur le lien de plus en plus ténu unissant Elsa et Anna. Et un personnage symbolise à merveille ce motif, c'est Olaf le bonhomme de neige à qui Elsa a donné vie. Il ne débarque pas de nulle part puisqu’il est issu de l’enfance des deux jeunes filles. Un bonhomme de neige que confectionnait Elsa et qui figure les jours heureux avant le drame originel. Un être tiré du subconscient de la reine des neiges et preuve tangible qu’elle ressent toujours quelque chose pour sa sœur, que ses émotions ne sont pas complètement figées dans sa glace. Olaf qui, paradoxalement, désire ardemment que le soleil revienne afin d’éprouver la sensation de chaleur. Soit un désir de réconciliation entre deux états que tout oppose a priori, de la même manière que tout semble désormais séparer Elsa d’Anna. Personnage candide et désopilant, Olaf est un véritable trait d’union personnifié dont les facéties n’amoindriront pas l’importance.
La Reine Des Neiges confirme clairement le renouveau de la firme. Espérons qu’il subsiste plus longtemps que la neige au soleil.
FROZEN
Réalisateur : Chris Buck & Jennifer Lee
Scénario : Chris Buck, Jennifer Lee, Shane Morris, adapté du conte de Hans Christian Andersen The Snow Queen
Production : Peter Del Vecho, John Lasseter, Aimee Scribner
Montage : Jeff Draheim
Bande originale : Christophe Beck
Origine : USA
Durée : 1h48
Sortie française : 4 décembre 2013
Commentaires
Juste un peu moins de chansons, plz
Heureusement, la bonne idée de faire de la "méchante" un personnage tragique attachant et la beauté visuelle de l'ensemble en font un bon cru, en tout cas largement supérieur à l'affreux Les Mondes de Ralph et son message réactionnaire à gerber (pour être heureux, rentrez dans le moule et acceptez votre rôle).
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