Top Cops
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- Critique par Nicolas Bonci le 2 juillet 2010
Vieux askew
Voilà lecteur, toi qui as dû finir la projection de Die Hard 4 en position latérale de sécurité, tu prends conscience devant l'affiche de ce Top Cops que nous n'en avons pas fini avec le maléfice lancé par Len Wiseman.
Il apparaît donc que sur les plateaux des mauvais films naissent des envies de faire des mauvais films. Certes, Smith n'a pas attendu de voir Under-Len au travail pour pondre Jersey Girl, hommage à son père par des montages de Ben Affleck haranguant une foule de suburbians ou kiffant la life avec sa jersey girl (beaucoup, beaucoup de montages comme dans #youregonnaneedamontage). Et ça tombe bien parce que c'est aussi pour son papa que Kevin Smith accepta de tourner pour la première fois un scénario qu'il n'a pas écrit (ou qui n'est pas écrit, subodoront une faute de frappe dans l'electronic press kit). Comme quoi, la mort c'est moche.
Et ainsi on en arrive à Smith & Willis qui se bidonnent sur ce qui semble être de prime abord un buddy movie des familles, réquisitionnant pour la peine Tracy Morgan en sidekick lourd. Première erreur : Tracy Morgan. Si dans 30 Rock il arrivait de temps à autre à nous en arracher une, c'était principalement en écho aux acteurs dont son personnage offrait une parodie (Martin Lawrence par exemple, qui gigote en boucle avec trois patterns de gags). Transféré dans un film à la Martin Lawrence, Morgan devient Martin Lawrence, le modèle qu'il caricaturait, chiant, qui en fait des caisses à en éclabousser la caméra de bave pendant une bobine, comme si on assistait à Who Dat Ninja.
Un choix de casting qui n'est pas le plus malheureux de tout le projet, le premier et important miscast de Top Cops étant son metteur en scène. Kevin Smith, on l'aime d'amour parce qu'il fut un des premiers à causer avec tendresse des geeks et slackers de la génération X, à faire des discussions sur Star Wars un sujet d'importance et à expliquer ce qu'est une boule de neige. Or le pépère est moins à l'aise dans ses pantoufles quand ses personnages font un peu d'action, ce qu'on pouvait sentir dès Mallrats. Autant dans les délires potaches du View Askewniverse reposant principalement sur de longs dialogues, c'était le cadet de nos soucis, autant dans une comédie policière, la notion de rythme et de découpage est assez prépondérante sur le bon déroulement de l'effet comique. Allez rire sur un insert de huit secondes sur lequel une voix hors champ raccommode le scénario pour justifier les scènes à suivre.
Plus importante encore était la capacité de Smith à apporter un point de vue sur le genre, ou du moins sur un scénario schizophrène passant du nawak au très plombant sans véritable pertinence d'écriture. Si on connaît chez Kevin Smith sa propension à avoir un avis très pointu et clairvoyant sur certains sujets attrayant à la sous-culture, on peut néanmoins regretter une naïveté latente qui, bien qu'indissociable de la culture geek, le mène à croire à ses fantasmes. Voir son "film le plus adulte et lucide", Clerks 2, où Dante se tape Rosario Dawson (WTF?) et dont la scène la plus drôle est un long troll pour expliquer combien Le Seigneur Des Anneaux est moins bien que Star Wars. Adulte, moué…
Quand on laisse causer Kevin Smith quatre heures en conférence (An Evening With Kevin Smith), il parlera pendant trois heures trente de bite, de cul, de pipes et de joints, et une petite demi-heure de cinéma (principalement en défonçant un Jon Peters). Un regard critique sur le média un peu trop égocentré (Peters refusa son scénario pour Superman Lives) ce qui n'est pas la meilleure façon de remettre en question le travail de ses collaborateurs (le script des frères Cullen, ses poncifs, ses incohérences, ses "blagues" à base de "Qui est là ?" et de jeu du perroquet...), et encore moins le genre auquel on s'attaque. Et devant les ralentis emphatiques d'un Bruce Willis sortant de voiture, difficile de ne pas voir le fanboy prendre le dessus sur le réalisateur.
Résultat, la comédie policière par Kevin Smith, c'est de la caméra cachée dans un ourson pour espionner maman à la maison, des digressions sur des mèmes Internet, du "merdum" et de "l'empapaoutage", du méchant flic et du gentil flic, du Sean William Scott en yamakasi... (idée bien ringarde qui n'apporte rien à l'intrigue). Autant dire que le Kevin Smith réalisateur de comédie policière passe pour has been. On ne lui demandait pas d'avoir le talent de mise en scène et de direction d'acteurs pour livrer une relecture aussi géniale que la scène en fuckolanguage de The Wire qui se posait là en terme d'auto-dérision, mais au moins de faire en sorte qu'il y ait match avec le futur carton des potes à Apatow, The Other Guys.
En effet, à côté de la production actuelle, Top Cops semble dépassé, mais aussi par rapport à des films vieux de vingt ans. Sans invoquer Turner & Hooch (n'abusons pas, mais Morgan bave autant que Hooch alors bon), La Manière Forte de John Badham en 1990 donnait déjà dans la digestion du buddy movie policier avec réappropriation et humour méta, mais niveau John Badham, restons tranquilles. Alors que dire face à un Hot Fuzz, homme de Vitruve de la comédie policière avec ses personnages bigger than life qui se battaient dans un parc de miniatures ?
Mais finalement, il y a pire que d'assister à la première purge d'un excellent dialoguiste à qui on n'a pas demandé de travailler le scénario : ce parallèle qu'ont ne peut s'empêcher de faire avec un autre geek qui a dissolue son identité dans des films de plus en plus niais à mesure qu'il rencontrait un idéal social qu'il narguait jadis, jusqu'à mettre en scène un film de commande d'un studio pour concrétiser son appartenance au milieu. Que l'histoire ne se répète pas.
COP OUT
Réalisateur : Kevin Smith
Scénario : Robb & Mark Cullen
Production : Robb & Mark Cullen, Marc Platt…
Photo : David Klein
Montage : Kevin Smith
Bande originale : Harold Faltermeyer
Origine : USA
Durée : 1h47
Sortie française : 23 juin 2010