Futurama : Bender's Big Score + Le Monstre Aux Milliards De Tentacules
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- Critique par Guénaël Eveno le 15 janvier 2009
On refuse de mourir !
Le monde des séries sur les networks est un univers impitoyable, et plus d’une en a fait les frais ces dernières années. Encore plus que le cinéma, l’audimat dicte sa loi, faisant tomber un à un les meilleurs titres des catalogues des chaînes.
La dernière en date est l’excellent Pushing Daisies de Bryan Fuller, condamnée à déposer les armes pour la fin de cette année. Dans un milieu où un nom ne suffit plus à garantir la vie d’un titre, même le nabab de l’animation Matt "The Simpson" Groening a dû se séparer de son génial Futurama en 2003 au terme de quatre saisons explosives, laissant des nuées de fans dans un profond désarroi. Heureusement, de temps à autre, la résurrection est possible. Et voilà que Futurama tel le phénix renaît de ses cendres sous forme de téléfilms, dont deux sont déjà sortis en DVD en France. Et ce retour est à la hauteur de la série.
Matt Groening et David X. Cohen règlent leurs comptes avec la chaîne fautive dès les premières images de Bender’s Big Score. Le professeur Farnsworth annonce à l’équipe du Planet Express qu’ils ont été viré. Le B de l’enseigne de la société responsable, Box, clignote pour montrer un Fox. Puis on apprend que les idiots qui les ont virés ont été virés à leur tour, et puis torturés. On se doute que ça fait du bien. Mais la fête de retour de l’équipe tourne mal quand Hermès se fait décapiter. La tête et le corps sont conduits à l’hôpital. C’est là que Leela fait la connaissance de Lars, un médecin dont elle tombe amoureuse. L’équipage se rend ensuite sur une planète nudiste où trois étranges extra-terrestres leur font signer une pétition. Ils récoltent leurs e-mail pour leur envoyer des paquets de spams. L’homme étant faible, les arnaqueurs réussissent à plumer une grande partie de la population terrienne en récoltant leurs infos personnelles, à asservir Bender au moyen d’un virus d ‘obéissance et à mettre la main sur Planet Express dont ils se servent pour organiser leur business. L’affaire se corse lorsqu’ils découvrent que le tatouage de Bender sur les fesses de Fry est le code universel du voyage dans le temps, et donc une réserve inépuisable à piller.
Comme pour Les Simpson, Le Film, le défi était de rendre intéressant sur une heure trente un condensé de gags et de situations parfaites pour un format de vingt minutes. On se retrouve avec un film qu’on pourrait diviser en plusieurs épisodes (ce qui est normal, car la chaîne Comedy Central diffuse les téléfilms en quatre épisodes), mais dont le rythme effréné convient parfaitement à la durée et ne perd pas de vue ce qui faisait le charme de la série. Le résumé ci-dessus suffit à lui seul à démontrer que l’aspect exubérant et satyrique envers notre époque est toujours au rendez-vous. Groening s’amuse de la propension des hommes à se faire arnaquer en mettant en exergue les nouvelles technologies et Internet qui permettent, outre la communication sans frontières, une arnaque à l’échelle planétaire. Les nudars sont de viles aliens dotés d’un Spronjer, un détecteur d’information, qui leur donne l’avantage, carcelui qui possède l’information possède effectivement le monde. Le principal intérêt de Bender’s Big Score, ce n’est pas les Spronjer mais les innombrables possibilités du voyage dans le temps. La série avait déjà exploré ce thème dans ces dernières heures, notamment sur un excellent épisode dans lequel l’équipe du Planet Express faisait escale à Roswell en 1947. Ici, la simplicité du procédé (un simple code à réciter) permet de pousser dans leurs derniers retranchements tous les archétypes du voyage dans le temps et de faire plaisir à Groening qui excelle plus que jamais dans la gymnastique temporelle. Ainsi chacun peut-il croiser son double dans les époques et ces doubles peuvent-ils avoir leur vie propre, celle-ci venant enrichir le récit. On cite autant Retour Vers Le futur qu’on rend hommage à Terminator lorsque le Bender asservi par les aliens est envoyé dans le passé pour exterminer son ami Fry. On comprend aussi ce qui s’est vraiment passé avec les bulletins de Floride pour l’élection de W. en 2000. Sur ce premier long, le paradoxe temporel devient l’ossature de l’histoire sur laquelle viennent se greffer les sous-intrigues des différents personnages ainsi que l’excellent twist final, confirmant l’orientation qu’avait prise la série avant son arrêt brutal.
Les personnages ne sont pas non plus en reste et le format long donne à chacun la possibilité de se surpasser : toujours aussi barrés, stupides, incompétents et aussi bien caractérisés que dans les quatre saisons de la série, ils font un véritable show. C’est aussi l’occasion de retrouver les grandes figures de la série qui ne faisaient que passer d’un épisode à l’autre : un Nibbler très loquace, l’équipe des Globetrotters physiciens, le robot hédoniste, Al Gore, Le Père Noël sadique, Tiny-Tim, le sémillant Hypnotoad (grenouille avec des yeux qui hypnotisent le téléspectateur), Zapp Branigan, Kif, la tête présidentielle de Richard Nixon et même celle de notre De Gaulle national. Bender’s Big Score a tout d’une réunion au sommet à haute teneur référentielle. La note d’intention est clairement de confirmer les bases en agrandissant un peu la mythologie engendrée par la série, ce qui pourrait avoir pour effet de larguer les néophytes mais ne manquera pas d’enchanter le public acquis à la cause. Dans ce joyeux mélange, Matt Groening et le scénariste Ken Keller se permettent aussi de poursuivre la romance platonique entre Leela et Fry. A ce sujet, l’issue du téléfilm convaincra le plus exigeant des télespectateurs que Bender’s Big Score est avant tout un grand film romantique à travers les âges.
Le Monstre Aux Milliards De Tentacules commence là où le premier film avait laissé l’histoire. Bender a crée une anomalie dans le ciel qui ouvre sur quelque chose d’inconnu et terrifie les terriens. Fry sort avec Colleen, une fliquette polyandre et Kif et Amy se marient. Mais la mort de Kif et le désaccord de Fry vis-à -vis des préférences de Colleen mettent fin à leur bonheur. Fry se jette dans l’anomalie et il en ressort au bout d’une tentacule. L’hôte de l’autre coté, une pieuvre géante, plante ses tentacules dans chaque humain et les contraint à l’aimer. Une résistance se forme peu à peu. Pendant ce temps, Bender est admis à la ligue des robots, une légendaire société secrète qui n’a de légendaire que le nom. Le couple et la relation amoureuse sont au centre de ce deuxième opus. Si l’ensemble est toujours aussi drôle, on ne retrouve pas l’équilibre présent dans Bender’s Big Score. La première partie entretient un suspens qui fait traîner la menace tout en privilégiant une structure en sketchs sur les différents personnages. On voit donc plus les différentes parties. De plus, le segment parallèle avec la ligue des robots reste sympathique, mais sans apporter du neuf aux histoires de la série centrées sur la haine de Bender pour les humains. L’épisode décolle cependant dans sa seconde partie lorsque les tentacules pénètrent les différents mondes et prennent possession de la volonté des habitants. Futurama ne faillit jamais à la règle de la citation : on reconnaît L'Invasion Des Profanateurs et ses multiples remakes, mais cette citation majeure complète parfaitement le propos de l’épisode. Tous sont absorbés par quelque chose de plus grand et d’irrésistible qui annihile leur individualité, comme le couple de Fry menaçait la sienne. Bender est quand à lui confronté à un groupe de robots avec qui il doit entrer en conflit pour affirmer son point de vue. Mais avec Matt Groening, on se doute qu’on ne pouvait pas rester sur une banale histoire d’invasion par unification de la pensée.
Tout part en vrille lorsque Leela divulgue que l’entité ne les avait pas pénétré pour les aimer, mais juste pour s’accoupler.Dès lors, la menace est totalement démystifiée, à la manière de cet épisode de la série où une entité vaporeuse terrifiante gardait en captivité presque tout le casting de Star Trek pour s’avérer être au final un geek trentenaire qui vivait encore chez ses parents. La relation entre la monstre et les habitants des différents systèmes se transforme en une caricature de relation de couple à l’échelle planétaire, avec le monstre dans le rôle du goujat et tous les autres dans le rôle de la femme bafouée. Yivo (c’est son nom) a menti, il doit donc reconquérir les milliards de personnes qu’il aime. Voir un "grand ancien" réclamer de l’amour auprès des habitants de la Terre et se défendre qu’il a été tenté par leurs tenues provocantes est déjà hilarant mais ce n’est rien comparé aux scènes dans lesquelles les questions de cœur avec Yivo deviennent des affaires d’Etat. Les milliards d’humains et d’aliens contaminés continuent à être accrocs à cette relation lorsqu’on leur retire la tentacule (!), mais la question de l’engagement arrive bien vite dans les discussions pour foutre le bordel dans le couple. Le Monstre Aux Milliards De Tentacules est une bonne nouvelle pour les fans de Zapp Brannigan et de Kif car ils y occupent une grande place là où Bender’s Big Score leur réservait quelques minutes sans même aborder la relation entre Kif et Amy. On y croise au passage le Docteur Wernstrom, éternel rival de Farnsworth, le grand exutoire de Matt Groening Stephen Hawking, la gargouille Pazuzu, le diable robot, Calculon et bien d’autres qui étaient absents du premier opus. On nous livre également quelques grands moments comme l’obligation de Leela de s’allier à Zapp Brannigan ou bien Bender en fier pirate qui combat la pieuvre géante. Groening conclut son histoire en mettant toutes les espèces à la porte du paradis et en les obligeant vivre dans le chaos habituel, mais au moins dans ce chaos, on ne s’ennuit pas.
La fournée continuera heureusement avec Bender’s Game, sorti aux USA en novembre dernier et qui nous proposera du Donjons Et Dragons. Into the Wild Green Yonder, le quatrième téléfilm programmé sera à savourer car il est annoncé comme le dernier avant la fin de la série. Malgré cette annonce, on ne peut s'empêcher de penser que l'équipage Planet Express n'est pas prêtede livrer son dernier colis.
FUTURAMA: BENDER'S BIG SCORE
Réalisateur : Dwayne Carey-Hill
Scénario : Ken Keller & Matt Groening
Production : Matt Groening, David X. Cohen
Montage : Paul D. Calder
Bande Originale : Christopher Tyng
Origine : USA
Durée : 1h28
Sortie française : 12 juin 2008 en DVD
FUTURAMA: THE BEAST WITH A BILLION BACKS
Réalisateur : Peter Avanzino
Scénario : Michael Rowe
Production : Matt Groening, David X. Cohen, Claudia Katz, Lee Supercinski
Bande Originale : Christopher Tyng
Origine : USA
Durée : 1h29
Sortie française : 12 octobre 2008 en DVD