Doctor Who 2012/2013
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- Série TV par Guénaël Eveno le 22 novembre 2013
In memoriam
Les cinquante ans de Doctor Who seront fêtés samedi 23 novembre avec une soirée exceptionnelle. France 4 diffusera l'épisode anniversaire Le Jour Du Docteur en simultané avec la diffusion anglaise.
Belle occasion pour une petite remise à niveau après une septième saison bien atypique.
La saison 7 de la nouvelle série s’est étalée sur deux ans et comprend deux parties bien distinctes. Deux lignes directives différentes eut égard aux contraintes de production, mais aussi à différents événements dont le plus illustre est le cinquantenaire de la série. Interrompue à la fin des années 80 pour renaître à la faveur d’un téléfilm, puis être de nouveau arrêtée jusqu’à la série actuelle en 2005, Doctor Who n’a pas vraiment connu cinquante ans d'aventure. Mais il y aura bien cinq décennies entre Le Jour Du Docteur et An Unearthly Child, épisode pilote dans lequel le Docteur et sa petite fille embarquaient les professeurs Ian et Barbara dans leur mystérieux TARDIS. Diffusée à partir de Noël 2012, la deuxième partie de la saison 7 se dote d'un nouveau et flamboyant générique faisant apparaître le visage du Docteur et renvoyant aux épisodes classiques.
Cette seconde partie suit la jeune Clara Oswald, nouvelle compagne introduite lors du premier épisode de la septième saison et abandonnée jusqu’à la seconde partie. Un festival de vieilles connaissances des anciens Docteurs viendront accompagner Clara : les Daleks (L'Asile Des Daleks), les Cybermen (Le Cyberplanificateur), les Guerriers des glaces (Destruction Mutuelle Assurée), les Siluriens (par la présence de Vaastra), les Sontaran (Straxx) et la Grande intelligence (La Dame De Glace, Le Nom Du Docteur), véritable Big Bad de la saison. Le tout culmine avec le final dans lequel nous revoyons les anciens Docteurs.
L'année 2013 du Docteur marque également le retour de Neil Gaiman pour un épisode, décevant (Le Cyberplanificateur), et l’arrivée intéressante dans l’équipe d’auteurs de Neil Cross, showrunner de Luther. Ce dernier ajoute à son palmarès deux des meilleurs épisodes de l'année (Le Fantôme De Caliburn, Les Anneaux D'Akhaten). Maître ès contes de Noël, Steven Moffat nous gratifie quand à lui de deux très beaux segments spéciaux qui, s’ils n’arrivent pas à la cheville de l'épisode de Noël 2011, restent ses meilleures oeuvres de 2013.
LE GRAND SAUT
"I’m running to you and Rory before you fade from me" - Le Docteur
Comme aime à le rappeler River Song, le Docteur n’aime pas les fins. Avant d’arriver à l’arc de Clara Oswald, le onzième devra tirer un trait définitif sur ses compagnons historiques Rory et Amy. Des adieux sous l’influence de la saison 6 qui les a vus évoluer vers de bien sombres heures.
Le fil rouge de River Song fut accueillie très froidement par les fans et ne connut pas le succès espéré. Une nouvelle productrice fit son entrée, Caroline Skinner, et s’assura d’un plus grand contrôle sur la série. La BBC souhaitait rendre le show plus important et international.
La conjonction de ses deux éléments enjoignit Steven Moffat et sa team à s'orienter vers des pitchs pouvant tenir en une ligne et une affiche : des dinosaures dans un vaisseau, le Docteur dans un western (tourné dans les célèbres décors d'Almeria dans le sud de l'Espagne), l’invasion de petits cubes noirs extra-terrestres et les Anges pleureurs envahissant Manhattan. Un revirement à 180 degrés par rapport à la saison précédente qui permit de retrouver des épisodes immédiatement attractifs et des personnages plus positifs, même s'il en résulta une portée mythologique moins intense. Le cru 2012 de Doctor Who est désarticulé, les personnages peinent à connaître une véritable cohérence dans leur traitement. Ils pâtissent aussi de l’hasardeuse idée de faire revenir des compagnons que le Docteur avait éloignés pour ne plus les mettre en péril. Mais ces cinq épisodes furent au final bien utiles à Amy et Rory.
Contrairement aux autres compagnons, Amy aura connu le Docteur pendant une grande partie de sa vie, un rapport unique s’est installé entre elle et le Timelord. La problématique liée maintenant aux époux est de choisir entre une vie normale et les incursions impromptues du Docteur. Nous suivons Amy et Rory sur dix ans, bénéficiant des visites d’un Docteur qui officie désormais en solo sur sa timeline. Sur le point de divorcer, l’aventure de L'Asile Des Daleks les réunit, et leur permet d’exposer leur manque de communication : Amy ne pouvait plus donner d’enfants à Rory, d’où son attitude distante. Rory pensait qu’il l’avait toujours aimée plus qu’elle.
On rencontre ensuite Brian, le père de Rory (Des Dinosaures Dans L'Espace). L’épisode L'Invasion Des Cubes conte la période au cours de laquelle le Docteur est resté suffisamment longtemps sur Terre pour vivre la vie des Pond. Le couple se tâte pour poser définitivement ses valises et reste plusieurs mois sans voyage avant de céder de nouveau, et pour de bon, à l'appel de l'aventure.
L’histoire entre Amy et le Docteur est amenée à durer toute sa vie si rien ne les sépare. C’est finalement leur statut de voyageurs temporels qui aura raison des Pond. Les Anges pleureurs ont créé le Witer’s Quay hôtel pour se nourrir de l’énergie des voyageurs du temps. Effacé de son époque, Rory assiste à sa mort et se rend compte que l’empêcher créerait un paradoxe qui annihilerait cet emplacement. Fuyant les anges ensemble, Rory et Amy se sacrifient pour créer le paradoxe. Mais le happy end est de courte durée : alors qu'ils sont transportés dans un cimetière, Rory voit son nom inscrit sur une tombe, puis disparaît. En voyant le nom de son mari s'inscrire sur sa tombe, Amy sait qu'elle ne pourra plus le revoir. Elle prend la décision de le suivre dans le passé où il a été transporté et de vivre le reste de sa vie avec lui, séparée du Docteur. Cette jolie conclusion est ponctuée d’un très beau message d’outre-tombe d’Amy à destination de la jeune Amy racontant les merveilleuses aventures que la jeune amie vivra dans sa vie. (ndlr : point #allitération)
THERE'S SOMETHING ABOUT CLARA
"Run you clever boy, and remember."
C’est l’histoire d’une jeune fille qui fait des soufflés que l’univers a envoyé au Docteur pour montrer qu’il ne l’oublie pas. Clara Oswald est le "seul mystère qui vaille la peine d’être résolu", l’énigme qui va redonner de la vigueur à un Timelord blessé qui a décidé de ne plus se mêler des affaires des hommes. L'apparition de la pétillante Jenna Louise Coleman dès le premier épisode est un remarquable coup de coude du showrunner Moffat aux fans qui attendaient Clara beaucoup plus tard dans la saison. Au terme de l’épisode, la charmante Oswin Oswald se révèle être un Dalek ayant conservé ses attributs humains qui finit par se sacrifier pour le Docteur. Il la retrouve en 1882, alors que le souvenir d’Amy Pond est encore frais. Un lac, un escalier vers les nuages et voilà le Docteur prêt à lui donner la clé du TARDIS. Mais Clara est précipitée hors de celui-ci et meurt. Sur sa tombe est inscrit "Clara Oswin Oswald". Le Docteur décide de partir à sa recherche.
A notre époque, Clara est la nounou de deux gamins qui viennent de perdre leur mère. Une panne de Wi-fi la force à appeler le Docteur et tape le mot de passe "run you clever boy" qui attire immédiatement son attention. Suite à leur aventure, il l’embarque avec lui pour ne pas qu’elle meure comme ses précédentes incarnations. Le Docteur refuse de lui faire courir de nombreux risques, mais rien n'y fait, Clara devient la fille impossible et impulsive qui sauve tout un peuple dès son deuxième épisode (Les Anneaux D'Akhaten). Puis le TARDIS s’en mêle et se méfie ; il ne lui retirera pourtant pas le privilège de connaître le nom du Docteur pendant quelques minutes (Voyage Au Centre Du TARDIS). Pourtant Clara est une jeune fille normale selon une extralucide que le Docteur vient visiter (Le Fantôme De Caliburn). Une normalité sublimée par cette feuille qui traverse la saison, amenant la rencontre de ses parents. La feuille la plus importante de l’histoire du Docteur.
DESTINATION FINALE
La Mémoire est la clé de cette saison 7. Dans l’asile des Daleks, Oswin Oswald offre une nouvelle virginité au Timelord en l’effaçant de la face du monde. Lorsque même vos ennemis mortels ne peuvent plus vous nommer, c’est un bon plan pour passer définitivement inaperçu. Mais le Timelord n'a guère envie de s’effacer, pris dans des accès de fureur qui le dépassent. Eleven s’est refermé suite aux séquelles qu’il a laissées à Amy dans la saison 6. Il voyage désormais seul la plupart du temps, et cette solitude voit renaître les mauvaises habitudes. Il devrait se souvenir de ce à quoi l’a menée sa solitude.
On l’avait vu avec le Docteur de David Tennant : sans compagnon, il devient amer au point d’intervenir sur le cours du temps, et ses 1300 ans n'amélioreront en rien les choses. Dans Des Dinosaures Dans L'Espace, le Docteur supprime de sang froid un chasseur de primes impitoyable. Au cours de La ville De La Miséricorde, il est prêt à sacrifier un homme à un cyborg justicier, mais le Docteur revient en arrière grâce à l’opposition d’Amy, qui lui rappelle qu’il est resté seul trop longtemps.
Il se repliera d'autant plus à la disparition de Rory et Amy, ne trouvant une oreille compatissante qu’avec Vaastra, Straxx et Jenny, puis par la compagnie de Clara. Le rappel constant (les Daleks, le médecin Kahler Jex qui le renvoie à lui-même) du statut d’exterminateur du Docteur nous mène inextricablement à l’épisode anniversaire tandis que l’on nous rappelle que même le pire des monstres a besoin d’un compagnon (Le Fantôme De Caliburn). La Grande Intelligence prévoit au Docteur un futur encore plus sombre et justifie son intervention dans la saison pour contrer la menace qu’il deviendra.
Une stèle peut-être le témoin d’un passage sur Terre. Dans Doctor Who, elle devient l’inscription qui scelle la mort d’un être cher (Amy et Rory). Selon une nouvelle règle "moffatienne", le temps ne peut en effet plus être réécrit une fois qu’on a vu sa mort gravée sur la pierre. La tombe devient une piste dans le temps lors de la prise de conscience du nom de Clara, qui l’identifiera aux yeux du Docteur comme la fille qu’il a rencontrée précédemment. Mais elle est surtout la Mémoire de cinquante ans de voyages temporels. La Mémoire est tout ce que Steven Moffat n’a pas oublié et veut transmettre au téléspectateur. Se souvenir que Matt Smith fait partie d’une chaîne de docteurs, que UNIT (encore une vieille connaissance !) fut autrefois dirigé par le Brigadier, que la Grande Intelligence a œuvré autrefois dans le métro londonien en 1968. La phrase motif de Clara "Run, you clever boy, and remember" entre dans cette perspective.
Il paraît logique qu’à l’issue de cette saison, la mémoire du Docteur vienne le hanter et qu'elle pourrait causer sa perte. Lorsque sur Trenzalore, le TARDIS devient la dernière demeure du Docteur, sa tombe ne peut être ouverte que par l'énonciation de son nom. La Grande Intelligence souhaitait connaître ce secret pour avoir accès à sa mémoire personnifiée au coeur de son tombeau. Elle pourrait ainsi réécrire sa vie de voyageur temporel en tournant toutes ses victoires en défaites.
Moffat saisit l'occasion pour faire revivre les autres Docteurs et révéler le mystérieux destin de Clara. Se jetant à son tour dans la Mémoire du Docteur pour contrer la Grande Intelligence, elle devient de multiples échos dans le temps dispersés pour sauver chaque incarnation du Docteur de la menace qui pèse sur eux. Toutes les Clara que le Docteur a rencontrées et qu'il ne rencontrera pas depuis ce jour où il vola le TARDIS pour s'échapper de Gallifrey. Le Docteur décide de sauver Clara, mais pour cela il devra affronter un des plus grands secrets qui hante sa mémoire.
John Hurt apparaît, décrit comme étant le Docteur. Mais quel Docteur ?
Tous les ingrédients sont en place pour que Le Jour Du Docteur, qui verra le retour du dixième Docteur et de Rose, devienne un épisode dont on se souviendra encore... dans cinquante ans.
DOCTOR WHO series 7
Scénario : Steven Moffat, Chris Chibnall, Toby Whithouse, Neil Cross, Steve Thompson, Mark Gatiss, Neil Gaiman
Réalisation : Nick Hurran, Saul Metzstein, Douglas MacKinnon, Colm MacCarthy, Farren Blackburn, Jamie Payne, Mat King, Stephen Woolfenden
Production : Steven Moffat, Caroline Skinner
Bande originale : Murray Gold
Origine : Royaume-Uni
Durée : 12 x 42 minutes + 2 x 50 minutes
Diffusion française : du 25 mai au 6 juillet 2013 sur France 4