Les Bien-Aimés

Vertigo

Affiche Les Bien-Aimés
[Article publié dans le cadre de "La semaine normale"] Mea culpa. Alors que nous commentions à douter de la capacité de renouvellement de Christophe Honoré, forcément déçus après de jolies promesses, il faut bien admettre que son dernier opus est une réussite. Comme quoi, personne n'est à l'abris d'un accident.

Pour une fois, laissons nous aller à recopier le synopsis d’AlloCiné tant il résume parfaitement le questionnement profond et les enjeux animant le huitième film de Christophe Honoré : du Paris des sixties au Londres des années 2000, Madeleine, puis sa fille Véra vont et viennent autour des hommes qu’elles aiment. Mais toutes les époques ne permettent pas de vivre l'amour avec légèreté. Comment résister au temps qui passe et qui s'attaque  à nos sentiments les plus profonds ?

Un film coloré, joyeux, émouvant et profond. Une partition subtile et vibrante, un miracle de cinéma et surtout un charme absolu. Les qualificatifs viennent presque à manquer.
Ce qui rend ces personnages attachants, parfois tremblants, c’est qu’ils sont toujours dans l’incertitude du sentiment de l’autre. Et que cette question de savoir s’ils sont "bien aimés" n’a pas de réponse. Les Bien-Aimés  commence en 1963 et s’achève en 2008. C’est long : quarante-cinq ans… Ce choix traduit une volonté d’être plus romanesque, de suivre des personnages sur la durée, de se lancer dans la recherche, non pas du temps perdu ( ! ) mais du temps qui passe et n’efface rien. Les personnages de Madeleine (Catherine Deneuve) et Véra (Chiara Mastroianni) sont de grandes amoureuses, mais d’une certaine manière elles sont fidèles à leurs histoires d’amour. Comme le film est fidèle à une certaine idée du cinéma français, fidèle à la façon d’Honoré de travailler avec les acteurs et d’en retrouver quelques-uns de film en film, comme Louis Garrel, Ludivine Sagnier et Chiara Mastroiani.

Le début, dans les années 60, est joyeux, coloré, il s’accroche aux jambes des femmes, sans craindre la référence au Truffaut de L’Homme Qui Aimait Les Femmes. Comment faire passer l’idée du temps qui passe à travers les personnages, à travers leurs sentiments, sans se lancer à outrance dans les reconstitutions d’époque ? Une gageure ici remarquablement relevée, notamment en refusant le tout vintage qui peut être séduisant mais débouche vite sur un musée de la mode. Or, le début figurant les années 60, est comme un ballet, un prologue qui aide à entrer dans le film. Ensuite, au contraire, le réalisateur choisit de ne pas caractériser chaque époque. Les années 70, 90, les années 2000 baignent dans une lumière semblable. De même avec les costumes qui sont basés sur les "indémodables", soit ce qui se transmet sans qu’on s’en rende compte d’une époque à une autre, aussi bien en matière de vêtements, que de meubles, d’accessoires.

Les Bien-Aimés

Dans la mémoire familiale d’une maison "contemporaine", des strates de différentes époques, vieilles de dix, vingt, trente ans, se sont déposées. Il y a ici l’idée d’appréhender la relativité de notre rapport au temps, la fin des années 90, la veille de l’an 2000, c’était au siècle dernier, et cela nous paraît si proche.
Voilà un film qui prend en charge quarante années, qui les assume, qui parle de choses déjà loin de nous mais qui pourtant ressemblent beaucoup à nos vies. Il s’agit d’un rapport au temps où le temps est mêlé, comme il y a des sangs-mêlés, un temps métissé de légèreté et de tristesse. Un temps qui dure et passe, si vite. Et c’est vrai que pour toutes ces raisons, le travail de reconstitution s’est voulu discret, très discret. Les changements sont portés par les femmes. La marche du temps se polarise plutôt sur leur maquillage, leur coiffure.

Paris, le Prague des années 60, le Londres des années 90, Montréal au début des années 2000… Ces voyages font respirer le film mais n’ont jamais de vocation touristique. Lorsque Madeleine arrive à Prague, elle traverse une rue où défilent les chars russes qui viennent d’envahir la Tchécoslovaquie. Elle les voit à peine, elle est là pour récupérer son mari… Lorsque Véra est à Montréal pour rejoindre l’homme qu’elle aime, c’est une nuit particulière, angoissée. C’est la nuit du 11 septembre… Ce qui voyage dans l’espace, ce sont les sentiments. Ainsi il n’est pas le besoin de montrer trente six plans de Big Ben pour signifier qu’on est à Londres, simplement on y est, puisque les gens parlent anglais.

Aucun fétichisme des lieux, le film l’étant par ailleurs, fétichiste. Celui des chaussures étant particulièrement important. Les chaussures (de Roger Vivier, c’est-à-dire de grand luxe), objets de convoitise et de désir pour la jeune Madeleine, les chaussures, objets si précieux à ses yeux et si seyants à ses pieds qu’ils conditionnent une bonne partie de son avenir. Pour un film sur le sentiment amoureux quoi de mieux qu’une chanson pour parvenir à ce que l’on peut nommer comme le lyrisme de l’intimité. Et de ce point de vue, reconnaissons que la musique d’Alex Baupain s’accorde parfaitement à la manière de mettre en scène les sentiments.
7/10
LES BIEN-AIMÉS
Réalisateur : Christophe Honoré
Scénario : Christophe Honoré
Production : Pascal Caucheteux
Photo : Rémy Chevrin
Montage : Chantal Hymans
Bande originale : Alex Baupain
Origine : France
Durée : 2h19
Sortie française : 24 août 2011




   

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