Funny People

King of melancoly

Affiche Funny People

"Et toi, tu n’en pas assez de parler toujours de ta bite ?"  Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ceci n’est pas adressé à Michael Bay mais au personnage de Seth Rogen, Ira Wright, dans le dernier film de Judd Apatow. Une phrase qui semble illustrer l’état d’esprit ayant présidé à l’écriture de cette totale introspection qu’est Funny People.


Vendie est un comique dans l’âme, preuve en est son hilarant running gag hebdomadaire sur la touche finale apportée à l’écriture de son analyse de Morse.En plus, il a toujours rêvé de se produire sur les planches. Alors quand il nous a annoncé son intention de faire la critique de Funny People, nous étions éminemment enthousiastes et rassurés. Imaginez le fou rire général quand il nous a précisé qu’il s’y attaquerait après Morse… Comme on dit, les blagues les plus courtes sont les meilleures.
C’est sans doute ce que l’on pourrait facilement renvoyer à Judd Apatow à la vision de son troisième film. Sauf que Funny People, ben c’est pas vraiment une comédie. Du moins, ce n’est pas du tout le genre de celles auxquelles lui et son impayable gang nous avait habitué (Supergrave, Rien Que Pour Vos Cheveux, Tonnerre Sous Les Tropiques,  Frangins Malgré Eux, etc.). En fait, on pourrait faire une analogie footballistique, Apatow, s’il est un adepte de la main tendue se révèle ici comme un as du contre-pied. En tous cas, impossible de lui reprocher de tricher avec les sentiments.

Scénariste incisif et producteur émérite, Apatow se montre beaucoup plus nuancé et grave dans ses propres réalisations. Il demeure très drôle mais on sent indéniablement qu’il expose ses propres travers et ceux de ses amis. Avec Funny People, il s’expose comme jamais. 40 Ans, Toujours Puceau et En Cloque Mode d’Emploi peuvent être ainsi perçus comme de bonnes grosses et parfois grasses comédies mais qui reposent chacune sur une réelle volonté narrative de faire évoluer irrémédiablement son héros, ce que les autres comédies auxquelles il a participé traduisent moins efficacement. Une évolution qui n’adviendra que par l’entremise des femmes. Elles ont beau être malmenées verbalement par l’éternelle bande de potes qui en groupe se comporte comme des ados attardés, macho et en rut, elles ont beau être incapables de rivaliser de bons ou gros mots avec ces pendants masculins, elles ont des réparties cinglantes, sont la voix de la raison et ont déjà une longueur d’avance dans la recherche d’équilibre intime. C’est évidemment encore le cas ici. Et si elles apparaissent parfois aussi paumés que leurs prétendants, au moins en ont-elles consciences.

Funny People
 

Après s’être frotté à la peur et à la difficulté de s’engager dans une relation affective durable et responsable (40 Ans, Toujours Puceau) et à celles d’assumer sa paternité (En Cloque, Mode d’Emploi), Apatow exprime le besoin de se confronter à une vision rétrospective et introspective de sa vie d’artiste. Pour, personnellement, continuer à avancer ?
Funny People
conte le parcours de l’über comique George Simons à qui on diagnostique une leucémie et qui plutôt que de se lancer dans une quête rédemptrice tentera de renouer les fils épars de sa vie. Il s’entichera d’un apprenti comique (Seth Rogen) qui lui écrira ses sketches mais qui également le soutiendra quotidiennement, supportant son spleen, sa mauvaise humeur et ira jusqu’à le veiller pendant qu’il dort. Attention, ce film n’est pas exempt de rires francs (les saillies référentielles envers le médecin suédois, les extraits et affiches des films de Simons, le personnage de Eric Bana) mais ils tournent vite à l’aigre. Ce qui fait son intérêt est justement la façon sincère et émouvante de dépeindre un milieu quasi inconnu en France, la stand up comedy, et ses animateurs (un milieu dont sont issus Apatow et sa clique), de faire se succéder ces tranches de vies que l’on devine empreintes des souvenirs de Apatow, tout en portant un regard lucide et aimant sur la condition d’artiste. A ce titre, Adam Sandler joue ici le rôle de sa carrière tant il sonne juste. Et si l’émotion nous prend aussi souvent à la gorge c’est parce que Apatow parvient à une incroyable mise en abyme de ses personnages de fictions avec les liens l’unissant à leurs interprètes. La séquence d’introduction voyant un juvénile Sandler s’adonner à des blagues téléphoniques est constitué d’images amateurs tournées par le réalisateur lui-même à l’époque où il partageait une chambre à la fac avec l’acteur. Sandler à qui Apatow renvoie ses mauvais choix via la médiocre carrière sur grand écran de Simons. De même, le réalisateur utilise des images des débuts de sa propre femme, Leslie Mann, et lui fait jouer le rôle de l’amour perdu de Simons. On lui saura gré également de porter un regard bienveillant certes mais aussi clairvoyant sur ces stand-upers pour la plupart omnibulés par leur pénis et les blagues scato.

Dans Funny People, il n’est pas uniquement question de la menace d’une mort physique. Celle-ci sera d’ailleurs évacuée à mi-parcours car elle reste avant tout le révélateur de la mort sentimentale, sociale, artistique et créative de George Simons. C’est pour retrouver goût à toutes ses vies qu’il vient se ressourcer dans l’arène de ses débuts. Une scène est le théâtre d’un des moments les plus forts du film lorsque Simons s’accompagne au piano pour interpréter une chanson révélant à demi-mot son état de santé mais que ses fans et les autres spectateurs seront incapables de décrypter, aveuglés par leur admiration pour cette star du rire. Adulé par des centaines de personnes qui ne le comprennent finalement pas.

Ne serait-ce pas là le véritable propos infusant l’œuvre de Apatow, estampillé rapidement et exclusivement roi du gag occultant ainsi une véritable profondeur thématique et humaniste. Oui, il en a sans doute marre que les gens croient qu’il ne parle que de sa bite…

7/10
FUNNY PEOPLE
Réalisateur : Judd Apatow
Scénario : Judd Apatow
Producteurs : Judd Apatow, Evan Goldberg, Seth Rogen, Clayton Townsend...
Photo : Janusz Kaminski
Montage : Craig Alpert & Brent White
Bande originale : Michael Andrews & Jason Schwartzman
Origine : Etats-Unis
Durée : 2h26
Sortie française : 07 octobre 2009




   

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