Elysium
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- Critique par Nicolas Zugasti le 19 août 2013
Marx attack
Quatre ans après la divine surprise District 9, le petit prodige sud-africain Neill Blomkamp se lance dans  une nouvelle dystopie cette fois-ci sur fond de lutte des classes. Le résultat est moins probant mais cela reste de la SF de bon niveau.
En tout cas, la patte visuelle du cinéaste imprimée depuis ses premiers courts-métrages Alive In Joburg et Tetra Vaal (détonnant alliage d’une réalité délabrée et d’éléments technologiques s’y agrégeant) est bien présente et ce dès l’introduction nous plongeant dans l’enfer d’une planète Terre ravagée, et plus précisément dans une ville de Los Angeles ressemblant à un bidonville, voire même à une favela (impressionnants gratte-ciels éventrés). Une Terre servant désormais à parquer les 99% d’une population mondiale paupérisée à l’extrême et gardés par des robots formant une police moins chargée de leur protection que neutraliser les potentiels fauteurs de troubles, tandis que le 1% des plus riches s’est exilé dans la station orbitale d’Elysium.
Un Eden inaccessible pour le commun des mortels et générant les fantasmes et les rêves les plus fous, et donc une économie parallèle pour tenter de les assouvir : des navettes clandestines sont régulièrement affrétées par des contrebandiers pour y envoyer des vagues migratoires de pauvres hères qui seront refoulés manu militari s’ils ont la chance de survivre au protocole de défense du site. Max (Matt Damon) a toujours eu cette envie chevillée au corps de rejoindre Elysium mais la réalité l'a bien vite rattrapée, le confinant dans un taudis qu’il quitte aux aurores pour son travail à l’usine où sa chaîne de montage assemble les robots, instruments de leur riches oppresseurs.
Alors qu’il est victime d’un accident industriel mettant sa vie en péril, il ne lui reste qu’une seule option pour survivre et elle se situe à plusieurs milliers de kilomètres au-dessus de sa tête. Un enjeu simplissime qui va se compliquer avec la fille malade de son amour de jeunesse et la possession d’un code informatique qui pourrait totalement remettre en cause le déséquilibre des forces. Ce qui va susciter la prompte réaction de la ministre de la Défense D’Elysium, Delacourt (glaciale Jodie Foster), version féminine du faucon Ronald Rumsfeld, qui activera le mercenaire Kruger (Sharlto Copley) pour palier à cet imprévu.
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Bénéficiant d’une exposition remarquable, tout va s’accélérer à partir de l’irradiation accidentelle de Max : le temps lui étant compté, le récit va alors suivre la même voie. Un rythme soutenu où l’intrigue, évoluant au gré des réactions de Max, ne sera jamais confuse. Les séquences d’action sont plutôt bien mises en scène même si l’abus de shaky-cam amoindrit sensiblement leur impact en les projetant à la limite de l’illisibilité - vraiment le gros bémol du métrage. Avec un paradoxal manque d’ampleur final (Elysium est censée être protégé par une armée de robots qui semblent avoir magiquement disparu durant le climax ; la résistance n'est circonscrite qu'à la seule Los Angeles) alors que Blomkamp a bénéficié d’un budget plus conséquent et une charge émotionnelle émoussée, pas aussi prenante et viscérale que dans District 9 et le dramatique destin de son anti-héros.
D’ailleurs, les trajectoires de Wikus et Max se recoupent souvent, une contamination les obligeant à bouleverser l’ordre établi, ils subissent une transformation physique et ne sont mus à l'origine que par un exclusif intérêt personnel. Max ne pense qu’à sauver sa peau, n’essaye même pas de trouver une solution pour emmener dans son périple vers Elysium la fille de Frey et la possibilité de renverser le système n’est pas vraiment à son programme. Ce sont vraiment les événements qui lui dicteront sa conduite, l’obligeant à revoir son mode d’action et son implication au fur et à mesure. Un personnage au destin attachant mais dont la teneur antipathique n’est pas amoindrie. Quand bien même une potentielle rédemption est dans le viseur.
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Certes, on se retrouve ici face à un récit balisé dont on devine aisément l’issue mais Blomkamp n’étant pas un manchot, il parvient à nous y plonger et y intéresser avec efficacité, évoluant sans fioriture et avec une belle énergie, bien servi au passage par un casting solide, notamment un Kruger terriblement charismatique. Ce qui procure une belle saveur à ses affrontements avec Max.Â
Il faut également saluer le travail fourni sur les effets-spéciaux (incrustations, maquettes, exosquelettes, robots…) que l’on doit entre autres à Weta et ILM, donnant un cachet visuel de toute beauté.
Si on devine que Blomkamp a dû faire quelques concessions pour son premier film important de studio, il est loin d’avoir été bouffé et formaté par le système, son style demeurant aussi piquant et incroyablement immersif. Cependant, son récit est beaucoup moins subversif que ne l’était District 9 mais on peut tout de même apprécier l’approche ouvertement frontale appliquée à ce nouveau pamphlet. On pourra regretter l’absence d’une plus grande rage et radicalité mais Big John Carpenter avait déjà peut-être tout dit sur le sujet.
ELYSIUM
Réalisateur : Neill Blomkamp
Scénario : Neill Blomkamp
Production : Sue Baden-Powell, Bill Block, Simon Kinberg...
Photo : Trent Opaloch
Montage : Julian Clarke & Lee Smith
Bande originale : Ryan Amon
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h49
Sortie française : 14 août 2013
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