Walkyrie
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- Critique par Nicolas Zugasti le 18 février 2009
Val qui pleure
Bryan Singer, après avoir flingué deux franchises en un seul film (le choix de rater Superman Returns provoqua l'arrivée de Brett Ratner sur X-Men 3 !), délaisse les super-héros pour le film "basé sur des faits réels" et revenir sur des évènements peu connus de la seconde guerre mondiale, la tentative d'assassinat de Hitler par des officiers allemands renégats.
Du moins celle qui fut bien près d'aboutir car depuis son accession au pouvoir en 1933, le dictateur fut l'objet d'une quinzaine de complots attentant à sa vie. Preuve que pour durer dans ce métier, il faut avoir le cul bordé de nouilles ! Or donc, le film retrace la mise en place et l'application de l'opération Walkyrie qui ne consistait pas à donner l'assaut sur Berlin avec des hélicoptères sur fond d'opéra de Wagner mais qui prévoyait de retourner le plan de sauvegarde du régime en mobilisant l'armée de réserve pour neutraliser les S.S et prendre le contrôle de tous les points stratégiques. Ce que l'on appelle un coup d'état. Cette opération eu lieu le 20 juillet 1944 et il n'échappera à personne qu'elle échoua puisque Hitler se suicida dans son bunker quelques 9 mois après. Et plutôt que de se contenter d'une reconstitution historique, Singer choisit de nous faire vivre cette épopée par l'intermédiaire du colonel Stauffenberg (Tom Cruise), héros de guerre mutilé et bien décidé à tuer un homme adepte de la solution finale pour le peuple juif et qui pervertit les rêves de grandeur d'une Allemagne revancharde après l'humiliant traité de Versailles. Malheureusement, les motivations réelles et diverses de cet aristocrate et des autres membres de la conjuration seront peu évoquées et pas du tout développées par Singer qui use d'une réalisation factuelle très illustrative.
Opportunisme, rédemption, par conviction ou par ambition de marquer l'histoire, autant de raisons qui resteront reléguées dans l'ombre alors que leur développement aurait pu donner un éclairage politique au métrage et donner de l'épaisseur aux personnages. Au lieu de ça, on se contentera d'une heure d'échanges verbaux, d'une humanisation accrue et artificielle du "héros" (la femme et les enfants n'ont pas d'autres fonctions dans l'intrigue) et de l'exposition du plan. Singer depuis ses débuts est fasciné par la figure du mal absolue (Keiser Söze) qu'il rapproche du nazisme (Un Elève Doué, l'intro de X-Men). Mais il ne s'y confronte jamais entièrement, gardant toujours ses distances. Il en va de même avec Walkyrie où il se restreint à une intrigue à suspense. C'est dommage car cela lui aurait permis d'aborder cette histoire à la manière de Fritz Lang et sa Chasse A L'Homme. Mais c'est sans doute trop demander à ce faiseur plutôt doué qui ne sera jamais vraiment un auteur.
Production hollywoodienne oblige, les personnages parlent tous un anglais parfait. Une situation que le réalisateur tente de contourner à la manière de McTiernan dans A La Poursuite D'Octobre Rouge ou Le Treizième Guerrier en débutant son film par un monologue de Stauffenberg en allemand auquel se superpose rapidement avant de s'y substituer l'américain de Cruise. Une tentative maladroite car intervenant beaucoup trop tôt et rendant le subterfuge grossier. Mais au moins on évite les insupportables accents russes des Insurgés de Zwick (ah, les "r" roulés et très prononcés...).
Bizarrement, Singer rend très peu compte de l'infirmité de Stauffenberg. Mis à part son bandeau sur l'oeil gauche, très cinégénique, Cruise sera cadré de façon à masquer le membre manquant. Sans doute pour appuyer la scène saisissante où un général somme Stauffenberg de faire le salut hitlérien et laissant apparaître le moignon que constitue sa main droite lorsqu'il s'exécute.
Si la première partie s'avère assez ennuyeuse, heureusement il n'en est pas de même de la suite qui s'articule autour de la pose de la bombe, pour un suspense plutôt limité d'ailleurs puisque l'issue est connue. Mais c'est justement dans cette deuxième partie qu'il retrouve sa maîtrise narrative en parvenant à générer une certaine tension. Et c'est là la réussite du film, parvenir à nous faire espérer de la réussite de l'opération, en assujettissant le récit aux actions de cet officier allemand. Singer navigue ainsi à la limité de l'uchronie, du "Et si Hitler avait été finalement tué à ce moment là ". Mieux, il renforce l'attention du spectateur en nous montrant certains des conspirateurs hésiter mais surtout en développant les conséquences de l'attentat et cette volonté de prendre le pouvoir coûte que coûte et ce malgré l'incertitude de la mort du führer.
Film à moitié réussi ou à demi raté selon votre humeur, Walkyrie est un bel hommage à des résistants singuliers mais ne s'appuie que trop peu sur son contexte historique et surtout politique. La mention "basée sur des faits réels" valant comme justification ultime. Il est surtout regrettable que le film ait plus fait parler de lui pour la polémique créée par l'appartenance de Cruise à l'église de scientologie.
VALKYRIE
Réalisateur : Bryan Singer
Scénario : Christopher McQuarrie & Nathan Alexander
Production : Gilbert Adler, Nathan Alexander, Chris Brock, Tom Cruise…
Photo : Newton Thomas Sigel
Montage : John Ottman
Bande originale : John Ottman
Origine : Etats-Unis / Allemagne
Durée : 2h01
Sortie française : 28 janvier 2009