Observe & Report + Adventureland
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- Critique par Sébastien Le Gallo le 25 mars 2010
Hey Judd, don't make it bad
Mon premier est un film réalisé par Jody Hill, cinéaste dont le premier long était basé sur son experience de prof de Taekwondo avec son pote Danny McBride (Red dans Délire Express, production Judd Apatow avec Seth Rogen), qui aurait dû jouer le rôle tenu ici par Ray Liotta, mais qui n'apparaît qu'en tant que guest.
L'acteur principal de mon premier est Seth Rogen, que le réalisateur avait rencontré sur le tournage de En Cloque, Mode D'Emploi de Judd Apatow.
Mon deuxième est un film est réalisé par Greg Mottola, réalisateur de SuperGrave (qui était produit par Judd Apatow et Seth Rogen, et dans lequel Jody Hill faisait une apparition). On y croise Bill Hader (l'un des deux flics de SuperGrave, l'autre étant interprété par Seth Rogen), mais aussi Martin Starr, l'un des geeks de Freaks And Geeks, série créée par Judd Apatow avec entre autres Seth Rogen.
Si vous suivez toujours, vous aurez compris que mon tout est un article de L'ouvreuse qui se penche sur deux échantillons d'une mouvance de comédies américaines où auteurs, acteurs, producteurs et réalisateurs semblent prendre un malin plaisir à accumuler toutes les combinaisons possibles de castings. Deux films derrière lesquels plane l'ombre de Judd Apatow, grand prêtre de la comédie US, quand bien même celui-ci n'a aucun rapport direct avec leurs productions. Deux films nommés Observe & Report, demi-échec critique et public outre-atlantique qui tarde à être distribué en France et Adventureland, distribué par Miramax aux States mais sorti en Direct-to-DVD chez nous sous le titre honnête mais quasi québequois Adventureland : Un Job D'Eté A Eviter.
OBSERVE & REPORT
Ronnie Barnhardt (Seth Rogen), chef de la sécurité d'un centre commercial doit faire face à un problème d'envergure : un exhibitionniste sème la terreur chez ces demoiselles. Ronnie est alors bien décidé à se servir de cette "affaire" pour propulser sa carrière et conquérir Brandi (Anna Faris), la pouffe locale, par la même occasion. Mais voilà que débarque l'officier de police Harrison (Ray Liotta) qui lui arrache les deux affaires des mains...
A l'origine conçu par Jody Hill comme une version humoristique de Taxi Driver, Observe & Report est un projet atypique de comédie noire, qui tente de faire d'un personnage dangereusement fêlé un héros de comédie. Con, instable, borderline, violent, méchant, stupide, raciste, beauf, sexiste, inculte et pathétique, Ronnie est le genre de type que tout le monde a rencontré dans sa vie en s'efforçant très vite d'en oublier l'existence. Du haut de son petit pouvoir, il cherche à enrayer la moindre forme d'écart à la loi, et traite une affaire de vol de chaussures comme s'il s'occupait du dossier Charles Manson. Mais le spectateur comprend vite que le vrai danger dans ce centre commercial est avant tout représenté par Ronnie lui-même, et par tout son entourage. En effet, les personnages qui gravitent autour de sa personne s'avèrent au fur et à mesure que le film avance être tous aussi psychologiquement instables les uns que les autres : Brandi boit et se défonce à la moindre occasion (et couche avec Ronnie dans un état semi-comateux lors d'une scène aussi effrayante qu'hilarante), la mère du héros ne tient plus debout, son collègue est un voleur héroïnomane qui tabasse des skaters pour le plaisir... En fait seule Nell, l'handicapée de la caféteria, semble être à peu près saine d'esprit et en connexion avec Ronnie, probablement parce qu'ils se sentent tous les deux "handicapés de la vie" (son chef se moque d'elle à cause de sa jambe platrée exactement comme Ray Liotta se moque de lui pour sa bêtise). Pas de doutes, Ronnie et son entourage sont vraiment la réussite du film, d'autant plus que les auteurs n'hésitent pas à pousser la comédie jusqu'à la gêne.
Mais Observe & Report trébuche sur les motivations de son héros. En effet, Ronnie est bourré d'objectifs et de sous-objectifs : lever Anna Farris, défendre Nell, retrouver le voleur de chaussures, retrouver l'exhibitionniste, ne pas se faire doubler par Ray Liotta, devenir flic... A tel point que le film croule sous les intrigues secondaires et qu'on ne sait plus très bien où est passé l'intrigue principale. Un manque de ligne directrice qui donne l'impression d'un film qui part un peu au hasard dans tous les sens, chaque problème remplaçant le précédent et devenant un prétexte à sketches plus qu'un moyen de faire avancer l'histoire. Sans compter les idées sous exploitées... Comme par exemple le trouble bipolaire de Ronnie, révélé en milieu de film, qui ne sert quasiment jamais, à part pour justifier très approximativement la fin du deuxième acte. A cause de tous ces problèmes, la glorification ironique du héros lors du climax tombe un peu à plat et on a l'impression que Martin Scorsese est une référence un peu trop pesante pour le film. De même que cette reprise des Pixies en fin de film qui renvoie pertinemment mais très lourdement à Fight Club, un autre film de névrosé. Observe & Report échoue donc à vouloir lâcher un personnage con comme la Lune à la Ricky Bobby dans un cadre de "cinéma respectable", faute de rigueur dramaturgique. Bel effort néanmoins.
ADVENTURELAND : UN JOB D'ÉTÉ À ÉVITER
Été 87. James Brennan (Jesse Eisenberg, le geek de Zombieland) doit travailler dans le minable parc d'attraction Adventureland. Il y fait la connaissance d'Em (Kristen Stewart, qui gâche son talent dans Twilight). Ces deux-là tombent amoureux. Mais Em est déjà avec Connell, plus expérimenté que James.
Une affiche qui annonce une teen comedy fun et bigarée. Une bande-annonce énergique insistant largement sur l'aspect humoristique. Un titre et une typographie qui donnent l'impression qu'on va voir LE film funky fresh de l'année... Soyons clair, la campagne marketing d'Adventureland ment sur la marchandise (Miramax style). En effet, on ne trouvera pas de grosses vannes qui tâchent comme dans SuperGrave, mais un humour diffus "réaliste", des personnages qui se veulent attachants et une intrigue minimaliste qui cherche à témoigner de la vraie vie que dès fois elle est trop nuancée tavu. Complètement différent d'Observe & Report, le nouveau Mottola est un croisement entre la mélancolie latente des dernières réalisations Apatow et les films "indés" chiants à la Juno.
Teen movie semi-autobiographique (Mottola a eu l'idée du film en se remémorrant un job de jeunesse), Adventureland est un projet similaire au Péril Jeune ou à Dazed & Confused. À la différence que ce dernier allait jusqu'au bout de son statut d'indie et n'hésitait pas à prendre le risque de donner dans la multiplication de personnages et de mini-intrigues entrecroisées pour peindre une atmosphère 70's. Cela dit, comme dans ces deux films, on retrouve dans Adventureland une omniprésence de la musique de l'époque, procédé bien pratique. Une ambiance musicale qui prend un peu plus de risque que d'habitude, puisque malgré une sur-représentation des balades les plus gentillettes du Velvet Underground (ça tombe bien, c'est à la mode en ce moment), on pourra croiser un Judas Priest ou un Poison sur la poignée de scènes énergiques que compte le film (comme Van Halen venait booster quelques scènes de SuperGrave.)
Forcément, le film échoue sur les mêmes écueils que les Juno & cie, qui, à force de mettre tous les conflits en sourdine, finissent par ressembler à d'inoffensifs téléfilms. Car plutôt qu'un teen movie ou qu'une pure comédie, Adventureland n'est rien d'autre qu'une vulgaire comédie dramatique, genre qui rappelle avec angoisse les téléfilms du dimanche après-midi sur M6. Ainsi chaque élément de comédie (amené par les personnages secondaires, comme celui de l'excellent Bill Hader) est contrebalancé par une scène dramatico-sentimentale plus ou moins gonflante avec des personnages mollassons dans des t-shirts aux couleurs délavées. Si cette tentative très actuelle de retranscrire une douce mélancolie adolescente peut se défendre, encore faudrait-il que celle-ci ne soit pas traitée par dessus la jambe. Car dans Adventureland, tout se veut en demi teinte : il arrive au héros d'être jaloux, mais pas trop. Il peut être amoureux, mais c'est pas sûr. Il peut être joyeux, mais à moitié... A tel point que même si le triangle amoureux central du film est là et qu'il fonctionne plutôt bien, les personnages n'ont jamais l'air très concernés par ce qui leur arrive, ne se mettent jamais en danger, s'engueulent légèrement pour s'embrasser délicatement la scène d'après. A force de retenue, plus rien n'a de conséquences et le récit, bien qu'intéressant, devient mou.
En plus du tronc commun Apatow, Observe & Report et Adventureland partagent deux lieux symboliques d'une société américaine qui a en apparence tout pour être heureuse mais qui produit soit de la névrose au kilo (le centre commercial étant depuis Zombie le décor idéal pour ce genre de thématique), soit un arrière-goût d'amertume (le parc Adventureland est volontairement déprimant). Voici donc deux tentatives de détourner la comédie américaine pour l'amener hors des sentiers battus de l'american way of life. Deux films qui ne sont pas les feel-good comedy qu'ils ont l'air d'être. Mais aussi deux tentatives de faire "un peu plus que de la comédie", comme si celle-ci ne se suffisait pas à elle-même et qu'il fallait convoquer des références artistiquement inattaquables (les films de Martin Scorsese ou Juno (sic)) pour que la comédie devienne un art noble, avouant ainsi un complexe d'infériorité qui n'a pas lieu d'être. Un chemin qu'empruntait également le Funny People de Judd Apatow en s'inspirant de Woody Allen avec nettement plus de brio. Encore lui.
OBSERVE & REPORT
Réalisateur : Jody Hill
Scénario : Jody Hill
Production : Donald De Line
Photo : Tim Orr
Montage : Zene Baker
Bande originale : Joseph Stephens
Origine : USA
Durée : 1h26
Sortie française : N.C.
ADVENTURELAND
Réalisateur : Greg Mottola
Scénario : Greg Mottola
Production : Anne Carey, Ted Hope, Sidney Kimmel
Photo : Terry Stacey
Montage : Anne McCabe
Bande originale : Yo La Tengo
Origine : USA
Durée : 1h47
Sortie française : en DVD depuis le 21 octobre 2009