The Lost Room
Usual object
La multiplication des séries télévisées ces dernières années finit par donner le tournis et balance un peu trop le spectateur de programmes en programmes. Les choses se compliquent lorsque les productions ne prennent plus de risques dans leurs "produits" et se résignent à singer le cinéma (Prison Break, Rome) quand ils ne se contentent pas de copier le concurrent au succès enviable (les nombreux clones des Experts). Avec plus ou moins de savoir faire.
Au milieu de cette adversité riche mais assommante, certaines séries réussissent tout de même à se démarquer très nettement des autres en tentant de renouveler de vieilles recettes ou en exploitant intelligemment une idée novatrice (Heroes, Desperate Housewives, Dexter ou même les Masters Of Horror) et réussissent parfois miraculeusement à se creuser une place à côtés du surnombre de produits calibrés.
La série The Lost Room fait indiscutablement partie de cette seconde catégorie et l’introduction donne le ton dès les premières minutes :Â
Suite à une affaire concernant un meurtre étrange, Joe Miller, le flic chargé de l’affaire, doit mener son enquête dans une sorte de confrérie qui se dispute une collection d’objets dotés de pouvoirs bien distincts. L’enquête avance nébuleusement et une série de péripéties (que je ne spoilerai pas) vont permettre à Miller de se procurer l’un d’entre eux : la clé.
Cet objet a pour particularité de pouvoir ouvrir toutes les portes (du moment qu’il y a une serrure) mais si on l’utilise pour ouvrir une porte, on se retrouve obligatoirement propulsé dans une chambre de Motel, la chambre 10, un lieu figé et surnaturel aux possibilités multiples ; la collection d’objets provient d’ailleurs de cette chambre. Personne n’a réussit jusqu’à présent à expliquer son existence mais elle est la principale source de conflit de trois communautés : les collectionneurs, la horde et la légion. Ces trois clans aux motivations différentes tentent par tous les moyens de collecter ou se disputer les objets, et l’arrivée de Miller en possession de la clé va avoir l’effet d’une étincelle. Si bien qu’à la suite d’un arrangement qui tourne mal, la fille de Franck, Anna se retrouve perdue dans la chambre. Dès cet instant, Notre héros tente de la retrouver et se voit contraint de faire ses propres recherches sur le fonctionnement de ces trois clans et de les utiliser au mieux pour comprendre le mystère qui entoure les objets et la chambre 10.
Cette description succincte ne concerne qu’une infime partie de l’aventure qui s’étale sur six épisodes dont la durée totale avoisine les quatre heures trente, dépeignant un univers d’une richesse incommensurable. Son créateur évite pourtant de s’attarder sur des explications et se focalise avant tout sur les motivations du personnage principal permettant à son œuvre de conserver une aura mystérieuse et facilitant dans un même temps l’identification avec celui-ci. Car la recherche d'Anna ne sert que de prétexte à développer tout un panel de personnages et de décrire tout le déroulement de ce conflit, mais une fois cette intrigue close, la suite restera en suspend permettant d’offrir une fin des plus ouvertes.
Cette originalité dans le traitement permet d’éviter à la série de sombrer dans l'ersatz, car même si au départ elle rappelle forcément Heroes et ses super faux héros, la relation s’arrête là car Christopher Leone et Laura Harkcom réussissent à se démarquer par à une écriture fine et réfléchie aussi bien sur le déroulement de l’histoire que sur les thèmes abordés.
Dans un premier temps, les auteurs évitent de se concentrer sur ces fameux objets, qui deviennent pourtant très rapidement une priorité. Ils en profiteront pour cultiver la notion de fétichisme, associée à une imagerie religieuse en prenant bien soin d’y ajouter quelques clichés relevant des sectes pour éviter tout amalgame, transformant cette communauté en dérivé de culte religieux. De plus, le métrage est agrémenté de quelques séquences fantastiques renvoyant ouvertement à certains classiques (tel que L’Exorciste), ce genre de procédé dangereux se révèle ici payant puisque le réalisateur n’oublie pas d’imposer un style visuel assez personnel et évite d’utiliser exagérément ce procédé de récupération. Et les effets spéciaux plutôt réussis ne décrédibilisent à aucun moment la série.
Il en résulte un programme soigné et bien structuré qui se laisse parfois trop envahir par la richesse de son sujet.
Trop car son auteur, apparemment  fasciné par son sujet, a tendance à se reposer un peu trop sur sa thématique. Il tente de laisser planer une aura mystique mais tel un Lucas avec son Star Wars, se laisse dépasser. La fascination est pourtant la notion la mieux exploitée sur The Lost Room, qui, avec l’obsession, est donc un des thèmes les plus mis en avant dans la série. La quasi-totalité des personnages de cette "bataille" sont envahis par ces sentiments ; ces personnages apparaissant et disparaissant sans véritable logique (ce qui peut autant lasser que plaire) sont tous traités sur le même piédestal, tel les pièces d’un puzzle. Ici, le temps de présence à l’écran importe peu, c’est le statut qui compte, impression renforcée par le principe de possession et par extrapolation du pouvoir.
D’ailleurs, cette mise en avant de la soif du pouvoir transparaît bien dans les motivations des intervenants qui évoluent vers une certaine folie tout en se concentrant sur un seul but. Par opposition, notre héros est un des rares personnages immunisé par ce besoin car lui seul est motivé par une intention personnelle et typiquement humaine sensiblement similaire. Son "précieux" est sa fille et tant qu’il ne pourra l'étreindre, il conservera les seuls objets qui à ses yeux la représentent (renvoi plus discret et profond vers le fétichisme). Parallèlement, un personnage secondaire lui aussi immunisé est représenté par un paumé dépassé par les événements comme pour sous-entendre que l’innocence ne sera jamais salie par ce besoin insatiable de pouvoir.
Dans l’ensemble, malgré un récit trop labyrinthique, les auteurs parviennent à captiver l’attention grâce à une ambiance bien distillée et un scénario soigné représentant bien le comportement de l’homme face à son besoin de possession sans toutefois basculer dans la psychologie pataude. L’histoire, dans son déroulement, oppose habillement notre nature face à nos besoins et les défis que cela engendre. Une œuvre qui est donc loin d’être qu’un simple divertissement et dont le très frustrant plan final nous laisse méditer sur une idée persistante de la condition humaine : "Cette clé du pouvoir sera toujours convoitée car celui-ci sera éternellement la première cause de conflit chez l’homme".
THE LOST ROOMÂ
Réalisateur : Craig R. Baxley & Michael W. Watkins
Scénario : Laura Harkcom, Paul Workman & Christopher Leone
Production : Paul Kurta, Bill Hill, Christopher Leone, Paul Workman...
Photo : David Connell
Montage : Sonny Baskin & David Crabtree
Bande originale : Robert J. Kral
Origine : USA
Durée : 3 x 90 minutes
Sortie française : à partir du 22 septembre sur M6