Un Coeur Invaincu

Pearl à rebours

Affiche Un Coeur Invaincu

Alors que nous attendons fébrilement le probable blockbuster de Besson sur la libération des otages bulgares en Lybie par Cécilia Croft (Corinne Touzet dans le rôle), le préposé aux conflits internationaux Michael Winterbottom revient sur l'enlèvement du journaliste Daniel Pearl survenu en janvier 2002.


Profitant de l'opportunité qui lui est donnée d'adapter le livre de l'épouse de Pearl, Mariane, le cinéaste anglais continue son œuvre de témoin du monde, inaugurée avec
Welcome To Sarajevo il y a dix ans déjà. Evoluant de la fiction classique (Welcome) au docu illustré (The Road To Guantanamo) en passant par la fiction documentaire (In This World), les travaux de Wnterbottom étaient de plus marqués par une progression de la prise de vue vers des procédés plus souples illustrant les différences de traitement pour chaque projet : Welcome To Sarajevo, la fiction, était tourné en 35 mm, In This World et The Road en DVCam, Un Cœur Invaincu, en tant que fiction adaptée d'un fait réel, est donc filmé en HDV pour tout ce qui concerne l'enquête à Karachi, et en pellicule lorsque le cinéaste évoque le passé des Pearl. Et contrairement à 90% de ses collègues contemporains, heureusement que Winterbottom sait manier l'image vidéo. Car si l'axiome benêt admis par tous "la  vidéo = le réel" reste encore à démontrer (la vue ne tremble, ne se pixellise pas, ne zoome pas, n'a pas une profondeur de champ immense, etc.), il n'en reste pas moins pour nombre de cinéastes le meilleur alibi pour tourner sans se fouler tout en faisant tressaillir de bonheur le cinéphile avide de "réalité".

Un Coeur Invaincu
Rien à faire, même avec Angelina Jolie, Marseille c'est moche


La critique est unanimement soulagée : le réalisateur de
Wonderland a su éviter le trip larmoyant, car c'est bien connu, dans la réalité on ne pleure pas non plus. Blague à part, et au-delà de ce jugement purement subjectif (une femme enceinte, plus apte à l'identification, sera beaucoup plus émue que moi, est-ce pour autant que cela en fera un film "larmoyant" ?), Un Cœur Invaincu déroge aux règles du fait divers mélodramatique en prenant les chemins mouvementés et nerveux de la quête policière dans un pandémonium tentaculaire où il est impossible de faire surgir la vérité. Winterbottom se désolidarise du point de vue de Mariane Pearl pour mieux montrer les dessous de l'affaire, les nœuds diplomatiques et religieux, les abysses que séparent les autorités (le ministre niant toute implication de ressortissants pakistanais) et la police (le Captain incorruptible, faisant fi des menaces et allant jusqu'à la torture pour retrouver Pearl).
Ne donnant jamais de valeurs climax aux pivots du récit, Winterbottom créé un sentiment d'inexorabilité, l'action ayant l'air de se dérouler selon une certaine fatalité (la séquence où Mariane et son amie comprennent peu à peu que Daniel a été enlevé est admirable de justesse). Ce sentiment d'impuissance est exacerbé par un montage tendu allant à l'essentiel (rejoignant Greengrass dans l'idée que gigoter sa caméra ne sert à rien si on n'a pas un projet de montage sur la globalité du film). Cet essentiel n'étant pas l'issue finale (on la connaît tous) mais les causes et actions qui ont mené à l'assassinat du journaliste. Et sur ce point,
Un Cœur Invaincu est très réussi.

A mi-chemin entre le témoignage implacable de conflits interminables et le thriller new age, Winterbottom trouve le ton juste pour impliquer le spectateur sans vulgarisation outrancière. Ne jouant donc ni sur le pathos ni sur une approche élitiste du sujet, on comprend pourquoi les
Inrocks pensent que c'est le "film inutile de la semaine".
Pour les bourreaux de Pearl, sûrement. Les autres, ils ont le droit d'aller se faire une idée ou bien on détruit les bandes tout de suite ?

7/10
A MIGHTY HEART
 
Réalisateur : Michael Winterbottom
Scénario : John Orloff d'après le livre de Marianne Pearl
Production : Brad Pitt, Andrew Eaton, Dede Gardner…
Photo : Marcel Zyskind
Montage : Peter Christelis
Bande originale : Harry Escott & Molly Nyman
Origine : GB / USA
Durée : 1h40
Sortie française : 19 septembre 2007

 




   

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