Le Deuxième Souffle

…et exaspère

Affiche Le Deuxième Souffle

En voulant rendre hommage à Melville, et plus globalement au polar français, Alain Corneau donne un signe fort à la jeunesse actuelle : "toi le punk, si tu viens voir mon film sous LSD, tu mourras".


Je n'ai évidemment rien contre les remakes en temps normal, mais vouloir redorer le blason du film noir en gorgeant ses images de lumières fluo, de prime abord ça n'inspire pas forcément confiance. Certes, Corneau désirait volontairement s'éloigner de la froideur melvillienne pour mieux illustrer à quel point tout ce pan cinéphile fait partie pour lui d'un univers fantasmatique, en dehors du monde ; le plan final et le retour à des teintes naturelles le confirment. De même que les influences opératiques des maîtres du polar de HK, qui n'ont pas leur pareil pour se défaire des exigences de la vraisemblance visuelle. Ici la prison s'éclaire donc de vert fluo, et si on est plus proche d'un comic façon
Dick Tracy que de Johnny To, on ne peut en dénigrer le choix ; seulement constater à quel point c'est moche, en fin de compte.

Car rarement un film ne m'aura paru si laid, et surtout, faire si toc, si faux (enzo), limite film d'étudiant tant ce qui était projeté à l'écran paraissait artificiel, froid malgré ses tonnes de plâtrées rougeoyantes. Aussi fus-je peu surpris d'apprendre après coup que ce
Deuxième Souffle fût tourné avec la caméra HD de Panasonic. Pensant que tous les arguments marketing prouvant la "modernité" de l'ouvrage auraient été répétés à outrance, la surprise fût la cerise sur ce diplomate en Bavocolor. Remarquez, avec un Ruquier déclarant "la version de Melville était en noir et blanc, elle a vieilli", concluant fort à propos que la nouvelle version est mieux, il n'est nullement nécessaire de préciser la raison (moderne !) du carnage. C'est nouveau, donc c'est bien. Point. (le réflexe qui est de soutenir cette bêtise par "c'est vieux donc c'est nul" rend la chose encore plus flippante).

Le Deuxième Souffle
 

A cette volonté formaliste absolument ratée s'ajoute ce qui reste selon moi le plus grave : la disparition de la tragédie. Tout ce qui, chez Melville, participait à la mise en place d'une fin de monde inéluctable trouve ici son exact opposé : les rapports entre Gu et Manouche ne sont plus troubles, nous n'avons aucune indication temporelle à part un vague "Paris, années 60" en début de métrage, le compagnon d'échappée de Gu explique son acte, à l'angoisse désertique d'un casse en pleine garigue, Corneau préfère un hangar mille fois vu, etc. Quand à la séquence finale, que dire si ce n'est qu'elle est fatale à l'auteur, qui, en l'expédiant en deux pauvres champs/contrechamps, crucifie toute la dramatique de l'œuvre (et donc la quête d'honneur de Gu).

Les à-côtés ne sont pas non plus en faveur de la version 2007. La musique insupportable et constante de Coulais nous fait regretter le silence pesant de la version Melville. Le casting, mis à part les toujours très bons Gilbert Melki et Michel Blanc, semble la plupart du temps soigner sa conjonctivite, tandis qu'aucune raison logique ne justifie à ce jour la présence de Monica Bellucci dans tant de films (à part un :
Dobermann).
Si malgré tout la modernisation par le bas de la cinématographie hexagonale vous attire encore, réjouissez-vous, dans trois semaines sort le remake de L'Auberge Rouge par Gérard Krawczyk, l'historien d'art qui a déjà sauvé de l'oubli Fanfan La Tulipe.

3/10
LE DEUXIÈME SOUFFLE

Réalisateur : Alain Corneau
Scénario : Alain Corneau & José Giovanni d'après son roman
Production : Laurent & Michèle Pétin
Photo : Yves Angelo
Montage : Marie-Josèphe Yoyotte
Bande originale : Bruno Coulais (douce)
Origine : France
Durée : 2h35
Sortie française : 24 octobre 2007




   

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