How I Live Now (maintenant c'est ma vie)
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- Critique par Yoan Orszulik le 3 avril 2014
La guerre à 15 ans
Quatrième long-métrage de fiction du documentariste écossais Kevin Macdonald qui nous avait donné Le Dernier Roi D’Écosse en 2006, How I Live Now est un film aux multiples facettes.
Puisant à la fois dans la chronique adolescente, le récit initiatique, et la science-fiction apocalyptique, l'adaptation du roman de Meg Rosoff fait partie de ces œuvres atypiques que l’on aimerait voir plus régulièrement sur nos écrans.
Les prémices ont pourtant de quoi faire douter : Daisy (Saoirse Ronan), une adolescente américaine rebelle archétypale, vient passer ses vacances chez ses cousins britanniques. Une jeune émo, un cadre étranger, une histoire d’amour naissante entre notre héroïne et son cousin Eddy (Douglas McKay), gros plan sur une poignée de main au ralenti. Cette introduction pourrait être celle d'un énième avatar de Twilight. Cependant le réalisateur casse les attentes du spectateur : notre héroïne évolue au sein d’un environnement clos qui la conduit à prendre rapidement confiance en elle, à surmonter le problème de santé à l’origine de son attitude et à s’ouvrir au monde qui l’entoure au travers des rencontres avec ses cousins. Lorsque la troisième guerre mondiale et le bombardement nucléaire surviennent, au détour d’une pluie de cendres inspirée de l’imagerie atomique japonaise, Macdonald sait mettre cette situation de côté, préférant s’attarder sur le quotidien insouciant de ses jeunes protagonistes qui apprennent à vivre de leurs propres ressources. Filmée sous lumière naturaliste, la ferme des protagonistes se transforme en véritable paradis terrestre.
L’une des plus grandes qualités de How I Live Now est d’être en permanence en ruptures de ton, souvent violentes, qui lui confèrent sa singularité narrative et accentuent l'empathie pour chacun de ses protagonistes, tous brillamment incarnés. Le film empruntant le point de vue et les ressentis de Daisy (flous, passages oniriques), la séparation et le quotidien sous occupation militaire n’en seront que plus douloureux. L'éprouvant récit de survie au sein de la campagne anglaise que présente la seconde partie rejoint le côté intimiste sur fond d'environnement chaotique du Cuaron des Fils De L’Homme et du Spielberg de La Guerre Des Mondes, sans toutefois copier ces prestigieux modèles. Macdonald reste dans une logique de la suggestion. À l’exception d’une scène clé, nous ne verrons pas clairement le visage des ennemis et ne saurons rien de leur origine ou motivation. Le contexte géo-politique demeurera lui aussi totalement méconnu.
Le parcours intérieur et le ressenti de Daisy et sa jeune cousine Piper sera traité quand à lui avec pudeur. L'héroïne finira par devenir une mère de substitution en même temps qu’elle laissera définitivement tomber sa part d'enfance. Il est important de saluer la prestation de Saoirse Ronan, repérée à l'instar de Juno Temple et Benedict Cumberbatch dans le Reviens-moi de Joe Wright et qui poursuit depuis une belle carrière. Les meilleures prestations de l'actrice (notamment Hanna) sont des rôles intériorisés entre détermination dans la protection de ses semblables et maturité naissante. Macdonald l’a parfaitement compris, l'utilisant à merveille au détour d’une scène insoutenable qui n’est pas sans évoquer un passage du deuxième tome de Gen D’Hiroshima. Bien que très éloigné sur le plan géographique et temporel, How I Live Now suit le même cheminement thématique que l'oeuvre de Keiji Nakazawa qui veut que la barbarie et à l’apocalypse ne peuvent être combattus que par la volonté de survivre et un espoir lucide, tout en gardant l’amour comme vecteur principal. Cette vision trouve son accomplissement lors du final mélancolique.
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Fable initiatique empruntant aussi bien à la science-fiction pessimiste de la seconde moitié des années 2000 qu’à la fiction japonaise d’après-guerre, How I Live Now prouve à l’instar du Dernier Roi D’Ecosse que Kevin Macdonald n’est jamais aussi bon que lorsqu'il mélange les genres au détour d’une narration limpide basée sur un point de vue déterminé. Son dernier long-métrage s’impose comme l’une des plus belles surprises de ce début d'année 2014 et s'inscrit dans la vague récente d'anticipation à échelle humaine qui a vu naître des films comme Her ou Real. Deux autres long-métrages qui savent questionner la renaissance humaine aux travers de récits d’anticipation immédiate. Â
HOW I LIVE NOW
Réalisation : Kevin Macdonald
Scénario : Jeremy Brock, Tony Grisoni, Penelope Skinner d'après l'oeuvre de Meg Rosoff
Production : John Battsek, Alasdair Flind, Andrew Ruheman & Charles Steel
Photo : Franz Lustig
Montage : Jinx Godfrey
Bande originale : Jon Hopkins
Origine : Royaume-Uni
Durée : 1h46
Sortie française : 12 mars 2014
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