3h10 Pour Yuma

A bord du Yuma Limited

Affiche 3h10 Pour Yuma

Genre fondateur par excellence, par les thèmes qu'il aborde comme son influence sur d'autres genres (de nombreux films d'action ou fantastique empruntent ses codes), le western pur et dur se fait plutôt remarquer par son absence.


Il est vrai que passer après le définitif Impitoyable de Eastwood et le mésestimé Open Range de Costner, l’entreprise tient de la gageure. Mais si le punk is not dead, James Mangold nous prouve que le western non plus !

Reprenant le film de 1957 réalisé par Delmer Daves, 3h10 Pour Yuma est bien plus qu’un énième remake faisandé. Mangold opte pour une relecture personnelle, mettant la question humaine à l’épreuve de la fin d’une époque, l’ouest sauvage, et le début d’une autre, la civilisation.
Le film de Daves est une source d’inspiration majeure puisque Mangold en réalisera déjà une adaptation non avouée avec son fabuleux Copland. Un réalisateur qui aime mélanger (avec bonheur) les genres puisqu’après le polar teinté de western, son film suivant, Identity, est un whodunit imprégné de codes du fantastique et plus particulièrement du slasher. Et le cinéaste de continuer ses expérimentations avec ce western empruntant au film d’action urbain ! L’attaque de la diligence avec explosion à la clé et plus encore la séquence finale renvoient à ce genre si particulier. Et ce d’autant plus que cette fusillade illustre à merveille cette capacité à imaginer et trouver de nouvelles trajectoires pour survivre quand le western est habituellement l’expression du mythe de la frontière et de la conquête de territoire.


NOUVELLE FRONTIÈRE
S’il n’existe plus rien à découvrir, il n’empêche que le développement du chemin de fer représente une nouvelle frontière et de taille : celle de l’industrialisation. Et c’est pour la rendre effective que la compagnie du chemin de fer veut exproprier le fermier Dan Evans (Christian Bale, au top comme souvent). Des terres difficilement exploitables puisque soumises à un climat aride pourtant vital pour son jeune fils souffrant d’insuffisance respiratoire. C’est donc autant pour payer ses dettes que préserver sa famille que Evans accepte d’escorter jusqu’à Contention le gangster n°1 fraîchement appréhendé, Ben Wade (Russel Crowe, apathique) afin de le mettre dans le train de 3h10, direction la prison de Yuma.
Tout le film s’articule donc autour de la progression de ce chemin de fer, enjeu vital par excellence. Et le remake, comme l’original, est une réflexion autour de la notion de passage entre deux époques. Le wild wild west incarné par Wade et le train en partance pour Yuma symbolisant le trajet ultime vers un ouest plus moderne, plus civilisé. D’ailleurs, Wade y est déjà allé deux fois mais s’en est toujours évadé, pas prêt. Cette fois, c’est différent comme le dénote son attitude dans le gunfight final. Non pas résigné mais conscient que maintenant, c’est bien fini. Mais pour autant, cette évolution inéluctable ne se fait pas sans heurt. Témoin, la scène où, alors que le shériff de Contention annonce fièrement l’absence de toute corruption ou criminalité dans sa ville, l’âme damnée de Wade retourne en un tour de main, et récompense à la clé, une populace désormais prête à faire la peau de l’escorte du bandit !
Un chemin de fer dont la progression est autant contrariée par le fermier que par le tueur, Wade en dévalisant la compagnie et Evans en tant que propriétaire terrien.
C’est loin d’être leur seul point commun.


COMPRENDRE, C'EST AIMER
Que ce soit Wade proposant à la gérante du saloon de s’enfuir avec lui ou Evans ayant perdu la face devant sa femme et se deux fils, les deux protagonistes se débattent avec leur image. Et même dans le cas de l’ennemi public n°1, tous deux souffrent d’un déficit de crédibilité. Ils cherchent avant tout à être pris au sérieux par leurs proches (famille ou gang) quant à leur capacité d’évolution. Un enjeu primordial qui s’exprime pour Wade par une sensibilité artistique inhabituelle pour un homme d’action et pour Evans par sa résolution envers et contre tout à mener à bien sa mission suicidaire jusqu’à son terme.

3h10 Pour Yuma
 

Delmer Daves résume parfaitement le cœur de son film comme celui de Mangold : comprendre, c’est aimer.
Le fils de Dan Evans qui l’accompagne apprendra à mieux le connaître et l’aimer plus encore. Non pas pour ce qu’il n’est pas ou ce qu’il voudrait qu’il soit, un héros, mais par ce qu’il a exprimé, des valeurs et des convictions morales. Et alors que Wade, ce tueur impitoyable, est au centre de toutes les attentions de par son imprévisibilité, c’est définitivement ce fermier au bord de la ruine, économique mais également physique (voir son pied-bot), qui exerce un véritable pouvoir de fascination. Car Ben Wade, en apprenant à le connaître, aimera ce qu’il voit (il l’exprime à deux reprises) et se transformera à son contact. Il s’humanise.

Si le jeu d’un Russel Crowe peu concerné est vraiment dommageable pour l’intérêt dramatique du film, en contrepartie, Ben Foster (Angel dans X-Men 3) livre une performance exceptionnelle. Il bouffe littéralement l’écran dès qu’il apparaît. Un personnage directement issu des westerns spaghetti, charismatique, violent et au regard acéré. Un fils spirituel dont la dévotion corps et âme à son leader se mue subrepticement en amour inconditionnel.
Par son Scope, ses cadrages au cordeau, son découpage fluide des scènes d’action, par sa richesse thématique, en osant montrer l’envers du décor (l’exploitation de minorités ethniques, ici des ouvriers chinois), Mangold parvient contre toute attente à livrer une variation aussi respectueuse de l’œuvre originale que régénératrice d’un genre moribond. Et fait de ce 3h10 Pour Yuma une incontestable réussite, ce quelque soit le genre que l’on préfère, n’en déplaise à Isabelle Motrot.

7/10
3:10 FOR YUMA
Réalisateur : James Mangold
Scénario : Halsted Welles, Mickael Brandt, Dereck Haas, d'après une nouvelle de Elmore Leonard
Production : Stuart Besser, Cathy Conrad, Lynwood Spinks...
Photo : Phedon Papamichael
Montage : Michael McCusker
Bande originale :Marco Beltrami
Origine : Etats-Unis
Durée : 2h02
Sortie française : 26 mars 2008




   

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