Wolf Creek

Crocodile Dundee pète un câble

Affiche Wolf Creek

Alors que le film de croco géant de Greg Mclean, Rogue, retitré chez nous Solitaire (sic), débarque enfin sur nos écrans le 13 août, c’est l’occasion de revenir sur Wolf Creek, son premier film qui confrontait déjà ses protagonistes à un monstrueux prédateur.


Outre les nombreux chocs venus d’Asie, d’Espagne ou de Nouvelle Zélande, il semblerait que le renouveau du cinéma de genre passe également par l’Australie. C’est ainsi que débarqua en 2006 Wolf Creek, film venu de nulle part et qui s'était taillé à l’époque une jolie petite réputation dans les divers festivals où il fût présenté mais qui passa plus ou moins inaperçu lors de sa sortie malgré quelques critiques enthousiastes. Imaginez, Mad Movies avait même été dithyrambique alors qu’il n’y a pas l’ombre d’une bimbo à moitié nue ou d’hectolitres de sang !
Trois jeunes australiens partent pour trois semaines de trekking afin de découvrir les beautés naturelles de leurs pays et notamment le site de Wolf Creek, immense cratère causé il y a des millénaires par une météorite. Un lieu théâtre de nombreuses disparitions. Mais pas de lycans, loup-garous ou autres canidés agressifs comme le titre peut le laisser croire, simplement une rencontre avec une abomination aux traits humains. Intrigue minimaliste donc, caractéristique même qui fonde ce genre un peu à part qu'est le survival.
Dans un genre qui se définit habituellement par une caractérisation peu approfondie et un rythme frénétique, Wolf Creek se distingue d’emblée par l’attention portée à ses trois "héros" et son traitement narratif assez lent (pendant la première moitié du film il ne se passe rien ou presque) voire hypnotique. Prenant le temps de nous familiariser avec ses personnages, et donc de nous y attacher, mais surtout de nous imprégner du cadre idyllique dans lequel se déroule l'action. Des paysages vraiment paradisiaques qui vont trouver leur contrepoint infernal dans la deuxième partie.


BEAUTÉS ET HOSTILITÉS NATURELLES
En fait, toute la première partie se déroule comme dans un rêve, les prémices du drame à suivre se faisant ressentir lors de la halte à une station service, nos trois compagnons se confrontant alors à la bêtise crasse et l'allure peu engageante des autochtones. Mais si les paysages s'avèrent grandioses, ils n'en font pas moins peser une menace sourde, leur immensité soulignant de fait l'état d'isolement dans lequel sont plongés les protagonistes. Car comme pour Alien, dans cet espace personne ne vous entendra crier... Et puis, au moment de repartir de Wolf Creek voilà que leur voiture refuse de démarrer. A la panique, cède vite la place au soulagement de voir débarquer un redneck australien à l'allure débonnaire qui se propose de les tracter jusqu'à son campement. Une apparition providentielle qui instaure pourtant un certain malaise. Pas d’allure démoniaque ou de difformité comme signe ostentatoire de dégénérescence mentale. Mclean instille une atmosphère de plus en plus pesante par sa seule réalisation. Aux plans larges et en Scope des superbes paysages succède un cadre se resserrant de plus en plus. La pluie et l’obscurité réduisant sensiblement un espace jusque là ouvert sur un horizon infini.
Tout bascule définitivement autour du feu de camp, tandis que la fatigue se fait ressentir. Le point de passage du rêve au cauchemar se signalant visuellement par un fondu au noir, le seul du film, au moment où nos trois victimes s’endorment. Renforçant l'idée qu'il s'agit d'un (mauvais) rêve. Le réveil n’en sera que plus brutal, chacun étant prisonnier et isolé des autres, prêts à subir tous les sévices.

Wolf Creek
 

Avec le recul, il apparaît que ce film ait pu inspirer Eli Roth pour son Hostel : des jeunes partis faire du tourisme se faisant kidnapper pour être torturés, les évènements s’accélérant soudain après une exposition un peu longuette. Le film de Roth réactivant l’imagerie des camps de la mort nazis quand le film de Mclean s’attache à une violence plus viscérale encore. Impliquant et interrogeant la propre moralité mais surtout l'impuissance du spectateur. Et ce grâce à l’idée aussi simple que géniale de suivre l'action en caméra subjective au moment du réveil de l’une des victimes, le spectateur épousant le point de vue du personnage s'approchant progressivement du lieu de torture, ce qui a pour effet d'accentuer le degré de désorientation et de tension générés par la situation. Seule séquence à utiliser ce procédé, la suite se révèle tout aussi efficace que réaliste dans son traitement. En effet, la panique éprouvée génère une perte de lucidité des protagonistes les handicapant sévèrement dans leur tentative de fuite. Surtout, le réalisateur a l’audace d’aller au bout de sa logique narrative, les mises à mal s’avérant autant physiques que psychologiques, qui auront des répercussions sur le ou les survivants lors du retour à la civilisation.

Outre une réalisation prenant le temps de construire ses plans et sa narration tout en ménageant surprises et instants gores, ce qui surprend véritablement c'est que Mclean malmène rudement cet archétype de "la femme forte qui se révèle dans l'adversité" que le cinéma d'horreur a dupliqué (avec plus ou moins de bonheur) ces deux dernières décennies. Cette fois-ci, les jeunes filles en détresse subissent de plein fouet sans trouver la parade. De même, soulignons "le méchant" en titre absolument génial d'ambiguïté : alors qu’il apparaît au départ comme un bon vieux gars du coin un peu simplet, au fil des conversations ses propos ambivalents font monter la pression pour finalement apparaître tel qu'en lui-même, un pervers psychotique toujours prompt à torturer son prochain. Mais est-ce vraiment sa nature où seulement la manifestation des fantasmes de nos trekkers alimentés par leur paranoïa et leur peur de cet (l') inconnu ? Une indécision qui portera le film jusqu’au bout et qui contaminera le genre abordé lui-même puisque les héros ne se vengeront finalement pas de leur bourreau comme dans tout bon film d’horreur qui se respecte.
Et c'est justement l’ensemble de ces différences qui singuralise Wolf Creek et en fait un film aussi appréciable. En mettant l'accent sur la menace latente de paysages grandioses et le déchaînement soudain de violence sans aucune justification (pas de mutation ou de consanguinité ayant ravagé le cerveau du tueur), le film baigne ainsi dans une ambiance onirique, laissant finalement planer le doute sur la véracité des évènements montrés et la santé mentale des protagonistes. Ceci étant corroboré par un dernier plan voyant la silhouette du tueur se découper sur fond de soleil couchant, véritable spectre symbolisant la violence d’une nature encore à l’état sauvage, celui-ci retournant d'où il était venu : du fin fond du bush australien ou peut être de l'imagination de son auteur...

Wolf Creek
 

Film d’horreur atypique et envoûtant, Wolf Creek est formellement superbe et révèle Greg Mc Lean qui étonne par la maîtrise de sa narration. C’est ce qu’on appelle un réalisateur à suivre. Reste à savoir s’il aura transformé l’essai avec son deuxième film, Solitaire.

7/10
WOLF CREEK
Réalisateur : Greg Mclean
Scénario : Greg Mclean
Production : Matt Hearn, Greg Mc Lean, Simon Hewitt, George Adams…
Photo : Will Gibson
Montage : Jason Ballantine

Bande originale : Franck Tetaz
Origine : Australie
Durée : 1h39 (1h44 pour la version unrated)
Sortie française : 9 août 2006




   

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