La Maison Près Du Cimetière
- Détails
- Rétroprojection par Pierre Remacle le 26 février 2008
House of the dead
C’est une maison assez retirée et inquiétante, c’est vrai, mais personne n’a vraiment compris pourquoi le professeur qui l’occupait s’est suicidé non sans s’être d’abord débarrassé de sa maîtresse. Le Dr Norman Boyle, un de ses anciens étudiants et ami de longue date, est donc envoyé par l’université pour éclaircir les raisons de ce geste ainsi que pour poursuivre les recherches du défunt (portant, quelle ironie, sur le suicide).
Le Dr Boyle s’installe donc avec son épouse Lucy (Katriona McColl, raaaah) et son fils Bob dans la fameuse maison. Très vite, les choses prennent un tour étrange : le comportement bizarre de la baby-sitter ne laisse pas d’intriguer Lucy, et Bob semble parler avec une jeune fille que lui seul arrive à voir. Il y a aussi cette pierre tombale au nom de Freudstein, découverte au beau milieu du salon, sous une épaisse couche de poussière.
Qui était donc ce mystérieux Dr Freudstein, à qui la maison a appartenu il y a bien longtemps ? Mais surtout, des étranges bruits proviennent de la cave, dont la porte est condamnée et fermée à double tour. Au cours de ses recherches, le Dr Boyle découvrira que la maison près du cimetière est hantée par bien davantage que des mauvais souvenirs.
INSPIREZ…
C’est une vieille habitude : les grands succès cinématographiques n’échappent jamais longtemps aux yeux avides de producteurs toujours à l’affût d’une recette à exploiter histoire de remplir les salles (et leurs poches par la même occasion).
Dans cet art subtil de surf bis sur la vague des films à la mode, les Italiens sont des experts. La Maison Près Du Cimetière ne fait pas (tout à fait) exception à cela.
Bien que Fulci s’en défende, il faut bien se rendre à l’évidence : Shining est une des principales sources d’inspiration. Que ce soit la structure familiale (mari, femme, garçon), le ressort narratif (le mari va dans une maison tranquille pour écrire qui une pièce de théâtre, qui une étude scientifique), la caractérisation de certains personnages (la mère souffre d’hystérie), certains éléments fantastiques (le petit garçon dispose de pouvoirs de "vision")… Autant d’éléments rappelant au spectateur (même inattentif) le chef d’œuvre de Kubrick. Quand ce n’est pas une scène qui est carrément repiquée dans son entièreté : ainsi, le Dr Boyle, se prenant pour un Jack Torrance méridional, se met à défoncer une porte à la hache. Différence cependant, cette fois, c’est pour la bonne cause : sauver son fils (et accessoirement, rendre un peu de rythme à un récit très mou à ce niveau).
Une autre référence semble également être Psychose (autre chef-d’œuvre… quitte à s’inspirer de films, autant ne pas prendre de la merde, hein…): le style architectural de la maison n’est pas sans rappeler celui de la demeure Bates. D’ailleurs, le Dr Boyle s’appelle lui aussi Norman. Enfin, on peut aussi discerner l’ombre de Amytiville, La Maison Du Diable planant vaguement au-dessus du métrage.
Fulci dément s’être inspiré de ces films, mais revendique par contre une autre référence, littéraire celle-là  : Le Tour D’Ecrou d’Henry James. C’est d’ailleurs une citation apparemment tirée de ce roman qui conclut le film : "on ne saura jamais si les enfants sont des monstres, ou les monstres des enfants." Livre traitant avec une rare justesse de l’innocence pervertie et maléfique, Le Tour D’Ecrou est avant tout un roman d’atmosphère.
Si La Maison n’est pas aussi subtil dans son approche (l’hémoglobine coule par hectolitres, on est quand même dans un Fulci, quoi, merde), il faut bien lui reconnaître une certaine réussite dans son traitement du même thème. Ainsi, la dynamique entre Bob et sa jeune amie Mae, la petite fille qu’il est le seul à voir, n’est pas aussi innocente qu’on pourrait le croire, et le final rajoute une certaine dose de malsain au rôle exact qu’a joué Mae dans toute cette histoire. D’autre part, Fulci se sert des bruitages de manière réfléchie : ainsi, le monstre de la cave ne s’exprime que via des gémissements d’enfants. Le procédé est non seulement astucieux dans sa création du malaise chez le spectateur (on ne sait jamais si les pleurs qu’on entend sont ceux du gamin Bob ou bien de quelque chose d’autre… d’ailleurs la baby-sitter s’y laissera prendre) mais est également cohérent avec la note d’intention de Fulci, traduite par la citation clôturant le film.
Un autre point révélateur : la seule partie du corps du monstre encore d’apparence humaine est son bras gauche. On dirait même dans certains plans qu’il s’agit d’un bras d’enfant. C’est d’ailleurs en voulant indirectement tuer un enfant, Bob (en le maintenant contre la porte pendant que son père la défonce à la hache) qu’il se fera couper ce bras, sa dernière partie encore "humaine".
On le voit, pour réaliser La Maison, Fulci s’est largement inspiré d’autres œuvres. Mais son film a à son tour servi de références pour d’autres réalisateurs. Un exemple relativement frappant est le récent May de Lucky McKee. Dans La Maison, la petite Mae (même phonétique que la May de McKee) se ballade assez souvent avec une étrange et sinistre poupée… Simple clin d’œil ? La coïncidence paraît un peu forcée pour être due au simple hasard, surtout lorsque l’on sait que McKee est fan de réalisateurs italiens comme Dario Argento.
EXPIREZ…
Mais quelle est l’étrange créature se cachant dans la cave de la maison ? Il s’agit en fait du Docteur Freudstein, qui a réussi à prolonger son existence par des procédés aussi macabres que discutables au simple niveau de la déontologie médicale. Freudstein… Nom formé par un mixe improbable entre les célèbres Freud et Frankenstein. Signe indicatif d’un esprit d’exploitation purement mercantile ? Peut-être, mais pas seulement.
L’allusion est assez évidente en ce qui concerne Frankenstein, il est vrai : le Dr Freudstein a en effet besoin de cadavres, qu’il cache et dépèce dans la cave de la fameuse maison, pour rester en vie (enfin, si on peut appeler ça rester en vie). Mais que vient faire Freud là -dedans ? Pourquoi faire référence à ce nom ? Peut-être est-ce au fond une allusion à un des célèbres ouvrages de Sigmund intitulé L’Inquiétante Etrangeté, titre correspondant d’ailleurs assez bien à l’ambiance que Fulci cherche à atteindre dans ses films. On nous parle ici de la terreur non seulement du dérèglement de l’esprit, mais aussi de celui du corps. Le pourrissement, le délabrement physique, l’enveloppe corporelle qui se délite et pour finir, la mort. En refusant cette mort, le Dr Freudstein s’enfonce de plus en plus profondément dans cette corruption malsaine jusqu’à cette abomination psychophysiologique qu’il est devenu. Blessé, il ne saigne pas : ce sont des vers qui s’échappent de son "corps". Cronenberg a illustré ce thème à de nombreuses reprises (La Mouche, Chromosome 3…). La célèbre série de jeux vidéo Silent Hill s’inspire également beaucoup de cette thématique : le visage et l’apparence de Freudstein (aucun traits distincts, pas d’yeux, pas de bouche, pas de nez, uniquement de la chair putride et corrompue) ne sont pas sans rappeler ceux des créatures innommables que l’on rencontre dans la ville de Silent Hill…
Freudstein ne serait-il pas une personnification des tous les bas instincts, d’une certaine idée de pulsion de mort, se cachant dans la cave, symbolique de notre inconscient ?
En y réfléchissant bien, le film n’est pas dénué d’autres symboliques assez intéressantes quant aux relations étroites entre la vie et la mort (thème cher à Edgar Allan Poe… auteur lui-même cher à Fulci): ainsi, le seul survivant à cette aventure sera Bob, et il réussira à sortir de la cave en passant… par la pierre tombale située au milieu du salon de la maison. Mais s’en sort-il vraiment aussi vivant qu’on le croit ? N’est-il pas entré dans un monde auquel la mort aurait peut-être été préférable ? Car à présent, il fait partie intégrante de l’horreur de la maison.
Il est devenu un Freudstein, lui aussi…
LA CAVE SE REBIFFE
Comme on vient de l’expliquer, il y a pas mal de bonnes choses dans La Maison : le travail du chef-opérateur est à souligner, les bruitages sont remarquables, le personnage de Mae est intriguant, et le jusqu’au-boutisme du film se traduisant par un final assez surprenant, malsain et éprouvant appelle à une seconde vision pour mieux percevoir certains enjeux. Il y a aussi certaines idées assez originales, comme le concept de "photo qui avertit de ne pas venir" ou encore le renversement du cliché de la caméra subjective (Bob court, il est poursuivi, on s’inquiète mais finalement, il ne faisait que jouer à Chat avec Mae).
Mais à côté de tout cela, il y a beaucoup de choses négatives dans La Maison. Pas mal d’incohérences, de ruptures de ton au niveau musical (on a l’impression que certains morceaux sont interrompus en leur milieu parce que l’on passe à une autre scène), de fausses pistes trop visibles (à force de vouloir rendre tous les personnages potentiellement bizarres ou suspects, plus aucun ne l’est et le procédé n’a plus d’impact). Et aussi un certain ridicule involontaire : la baby-sitter éponge une gigantesque trace de sang dans la cuisine, trace conduisant tout droit à la cave, et ne se pose pas de questions. Cela ne suscite pas non plus le moindre étonnement de la part de la maîtresse de maison. Cette ambiance très "ah oui, Anne, vous me nettoierez aussi ce bout de cervelle contre le mur, vous serez gentille" crée une certaine distanciation par rapport à l’inquiétude que le film devrait susciter à cet instant. Ne parlons pas du gamin jouant le jeune Bob, qui ressemble à un Christophe Lambert jeune avec sa tête d’hydrocéphale.
Le côté gore outrancier, s’il n’est pas forcément une mauvaise chose en soi, tombe ici un peu comme un cheveu dans la soupe : au détour d’une scène, on voit ainsi une chauve-souris attaquer le Dr Boyle qui a eu la mauvaise idée de visiter la (bat)cave. Et le sang de gicler à flots de la main du docteur et du corps du chiroptère (tout le monde sait qu’il y a deux litres de sang dans une chauve-souris, c’est connu).
Mais aussi et surtout, le gros problème du film est probablement son manque de rythme, carence assez récurrente chez Fulci.
Et pourtant. Et pourtant, malgré tous ces défauts, La Maison Près Du Cimetière reste un bon film, agréable et dont le manque de concession et le refus de happy end font du bien en ces temps de Hollywoodisme galopant.
QUELLE VILLA ACCANTO AL CIMITERO
Réalisateur : Lucio Fulci
Scénario : Lucio Fulci, Giorgio Mariuzzo & Dardano Sachetti d'après un sujet de Elisa Briganti
Production : Fabrizio De Angelis
Photo : Sergio Salvati
Montage : Vincenzo Tomassi
Bande originale : Walter Rizzati
Origine : Italie
Durée : 1h27
Sortie française : 24 mars 1982
Commentaires
to be a amusement account it. Glance complex to more added agreeable
from you! By the way, how could we communicate?
S’abonner au flux RSS pour les commentaires de cet article.