Crémation et Internet
- Détails
- Instant critique par Nicolas Bonci le 2 avril 2009
La journée de la dupe
Hier, nous n'étions pas tellement d'humeur à la marade. Peut-être la faute à un contexte politico-culturel s'y prêtant moyennement. C'est dommage, nous aurions mis en ligne des articles bidons et holala, qu'est-ce qu'on aurait ri alors. Heureusement pour vous, artistes et politiques se lâchent dans la déconne, et pas seulement le 1er avril.
S'il y en a bien qui ne sont pas derniers pour la pitrerie, ce sont les membres de la majorité gouvernementale. Ils ont tellement de gags en stock qu'ils nous en sortent une demi-douzaine par jour. Dur pour les référencer. Mais c'est comme ça que ça fonctionne, une politique despotique fa… oups, j'ai failli godwiner. Non, c'est vrai, il faudrait avoir l'esprit mal placé pour voir dans les diverses manipulations et tractations de ce gouvernement quelques ressemblances avec des sociétés et époques moins glorieuses. Par exemple, seul le dernier des paranos verra dans le changement de point de vue éclair du site des jeunes de l'UMP sur la loi Hadopi autre chose qu'un poisson d'avril vicieux en avance sur la date. Historiens de la blagounette, nos confrères de PC Inpact archivent pour la postérité cette correction pravdienne.
Non, faut reconnaître que l'Etat n'est pas du tout liberticide, qu'il défend la culture et la connaissance à la moindre occasion. Alors évidemment que l'Hadopi c'est pour défendre le droit d'auteur, puisqu'on vous le dit. Comment ? La majorité n'en aurait strictement rien à faire des auteurs et de leurs droits ? Voyons, vous voulez dire comme lorsqu'un Président de la République ne cache pas son aversion pour un humoriste satirique au point de débarquer son président, en l'occurrence celui de Radio France ? Ou quand un Ministre ne se gêne pas pour clamer son mécontentement lorsqu'un cinéaste, un auteur, confère des propos critiques envers l'action de son ministère ? Ou quand la loi censée défendre les artistes sur Internet ne prévoit rien pour dédommager les indépendants ?
Haaaa, vous ne parlez pas du droit de l'auteur à s'exprimer, mais juste celui de se taire et en contrepartie de s'empifrer de thunes sur le dos du citoyen en crise qui achètera CD et DVD par palettes entières dès lors qu'on lui coupera son lien avec le monde entier, histoire de prouver en passant qu'il n'est pas rancunier le bougre. Oui en effet on ne parlait pas de la même chose.
Bon, rien à faire, on ne se déride toujours pas. Laissons donc agir un spécialiste :
C'est qu'il est drôle son sketch. Faut oser pleurer comme une pauvre victime "volée" par les internautes quand on sort un film sur les geeks. On se demande qui vole qui ici. J'oubliais, nous sommes dans le monde du bling bling, non dans celui des idées.
Dans le monde bling bling, on a le droit d'exprimer son soutien à une loi tant que l'on démontre sa méconnaissance totale du vocabulaire nécessaire (le "piratage" d'œuvres n'est pas du vol, mais de la contrefaçon ; oui c'est moins romantique mais c'est comme ça). Et pour prouver votre bonne foi de pauvre victime témoin de la nécessité de chasser les pirates, geeks et autres gus du royaume, la Ministre dont vous dépendez lancera qu'elle ne trouve pas d'artistes contestant sa loi. On n'est peut-être pas Ministre de la culture, mais nous on trouve. Et pas qu'un peu.
Ne pas savoir se servir de Google quand on défend la loi redéfinissant la politique des réseaux en France, c'est comique ou pas ? Désinformer et empêcher ses détracteurs de s'exprimer, c'est démocratique ou pas ?
Dans le monde bling bling, on peut surfer sur une mode par le biais d'un film opportuniste produit sur la base d'un scénario amateur traînant au bas mot ses dix années de retard sur le sujet par rapport aux productions analogues d'outre-atlantique. Des artistes victimes ayant de telles fenêtres d'expression et de telles facilités de production, on en redemande.
Sachez, cher Elie, que si c'est si facile de vous "voler", c'est surtout à cause des geeks qui vous servent de fond de commerce cette année. C'est dingue non ? Ce qui est encore plus dingue, c'est d'exploiter une culture d'un côté tout en prouvant de l'autre que vous n'avez que méconnaissance et mépris pour celle-ci sans que cela dérange qui que ce soit.
Comment faire pour réparer ? Donnant donnant ? Ce serait équitable. Ou vous et vos collègues allez prendre votre public pour des terroristes stupides jusqu'au bout de l'aveuglement unilatéral ?
Amis artistes "volés", qu'il paye ou pas, un public reste un public. Il vous suit, vous écoute, vous accorde une attention souvent en disproportion avec vos talents ou vos opinions. Il serait bienvenu de s'en souvenir.
Ce mépris consternant que vous affichez envers ces gens qui vous trouvent de l'intérêt sans que cela s'en ressente sur vos comptes bancaires suffit amplement à justifier la gratuité de cette audience, ainsi que la nécessité de mettre un terme à cette industrie du spectacle engendrant de tels monstres sémantiques : quand un artiste en vient à vilipender en toute impunité celui qui l'écoute, c'est qu'on a forcément oublié à quoi servait la culture.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, malgré toutes ces blagues de potaches, nous avons un peu de mal à nous taper des barres de rigolade.
C'est qu'il faut vraiment du talent pour faire rire avec la connerie.