Partir

C'est subir un peu

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"Il suffit d'ouvrir les yeux pour se rendre compte combien le cinéma d'auteur académique constitue le pendant naturel du cinéma industriel, moins son antidote ou son refus que son négatif parfait, son double inversé."


Dans ce qui fut probablement son article le moins repris au sein de la presse cinéma, Jean-Baptiste Thoret bravait il y a de cela deux ans un tabou en lançant le pavé du conformisme artistique dans la mare de l'hypocrisie festivalière. Quiconque a déjà mis les pieds dans un comité de sélection, ou pire, discuté avec des professionnels de la procession (non, pas de coquille) sait combien y est apprécié le respect d'un cahier des charges facilitant la tâche de classification des uns et l'intégration des autres. Selon Thoret, cela amène les aspirants festivaliers à se choisir un ennemi commun pour mieux émuler leur réaction vis-à-vis d'icelui, réaction qui passe ainsi par un formatage sériel et profond des productions à ambition auteuriste : "Si le cinéma hollywoodien valorise la vitesse et le mouvement, le FAA (Film d'Auteur Académique) lui, met un point d'honneur à ralentir le rythme (on parle alors de beauté contemplative), à étirer la longueur des plans jusqu'à l'immobilisme total. Si le cinéma industriel a tendance à surligner ses effets et à saturer ses plans d'informations visuelles et sonores, le FAA, lui ne montrera rien ou très peu. Ici, tout se passe alors dans le creux de l'image, et ce qu'il y a à voir n'est surtout pas visible."

Tout ça pour vous prévenir de planquer les copines car on a encore relâché Sergi Lopez, qui en a évidemment profité pour pécho, le sagouin. Sabine Azéma (Peindre Ou Faire L'Amour), Alexandra Lamy (Ricky), Clotilde Hesme et Mathieu Amalric (Les Derniers Jours Du Monde) n'y ont pas résisté, alors ce n'est pas Kristin Scott Thomas qui va faire ici sa mijaurée. D'autant qu'elle est mariée à un Yvan Attal plus ennuyeux que lorsqu'il double Tom Cruise.

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"Hé ! Yé chuis le latin loveur offichiel dou chinéma franchais. Resichtance is foutile."


Pour illustrer ce terrible adultère, qui sera suivi d'une très douloureuse séparation (d'où le titre), Catherine Corsini laisse enfin de côté sa mise en scène monoforme (qui avait atteint les cimes de l'indigence en 2003 avec Mariées Mais Pas Trop) pour reprendre telle une élève appliquée et rigoureuse les motifs et normes du FAA des années 2000. Si cette reprise en main permet à Partir d'être, et de loin, le film le plus maîtrisé et agréable à suivre de son auteur depuis Les Amoureux (grâce à un script linéaire allant pour une fois à l'essentiel), on reste dubitatif devant le collage souvent artificiel de figures propres aux bandes festivalières, de celles dont on vante la "beauté contemplative" et le "creux de l'image". Une enfant, de profil, regarde une télé posée hors champ, masquée par un mur flou, et ce sont cinq années de drames intimistes familiaux qui vous reviennent à la figure. On n'y compte pas les champs/contrechamps alternant personnage coincé dans un bord de l'écran et très gros avant plan flou (encore du flou), ni même les dialogues introduits par de longs panoramiques sur lesquels s'ajoutent les indispensables flous/nets (toujours du flou…) (mais ce n'est rien en comparaison de Jean-Marc Vallée qui, dans le récent et idiot Victoria, autre prototype de FAA, nous régalait d'une compilation assez incroyable de tous les flous/nets possibles). Si un plan se révèle un peu large, on l'oblitère sur la droite (toujours sur la droite) avec une porte ou une armoire. Floue, évidemment. Par contre, est utilisée la profondeur de champ pour donner de l'importance à des plans complètement hors de propos, tel ce point de vue de la cuisine sur une dispute entre l'amant et la maîtresse, qui donne la cocasse impression que le four est ému par la scène.

Partir
est finalement l'exemple de projet qui ne peut s'apprécier pleinement, voire qui saoule souvent, du fait de sa fabrication sur moule bien trop appuyée, des fois jusqu'à l'absurde. On en arriverait presque à recommander à Corsini de s'inspirer de son héroïne, qui [spoiler !] n'hésite pas à tuer de sang froid la main qui la nourrit pour enfin vivre une existence libre bien que plus dangereuse [fin spoiler].
Mais être un FAA libéré tu sais c'est pas si facile.

4/10
PARTIR
Réalisatrice : Catherine Corsini
Scénario : Catherine Corsini
Production : Michel Seydoux
Photo : Agnès Godard
Montage : Simon Jacquet
Origine : France
Durée : 1h25
Sortie française : 12 août 2009




   

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