Mamma Mia!
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- Critique par Nicolas Marceau le 16 octobre 2008
Abats
C’est l’histoire de deux nénettes qui, en écoutant le best of d’ABBA, ont décidé d’en tirer un spectacle musical.
Le constat vous parait cassant et exagéré ? Et pourtant… Pas besoin de s’emmerder à écrire des chansons quand un groupe suèdois a aligné les tubes interplanétaires qui rendent bêtement heureux à leur simple écoute, il suffit de les reprendre tel quel. Pas besoin non plus de s’encombrer d’une histoire puisqu’il y a les chansons d’ABBA qui cartonnent toujours autant depuis trois décennies en club gay. Inutile également de faire preuve d’ambitions chorégraphiques puisque les spectateurs de Mamma Mia! viennent d’abord se décrasser les oreilles en (ré)écoutant du ABBA et pas pour en prendre plein la vue. Le bonheur, c’est simple comme une chanson d’ABBA en fait !
Rarement aura-t-on assisté à un tel renoncement artistique cette année qu’avec ce Mamma Mia! capitalisant exclusivement sur sa bande originale pas si originale pour s’attirer les faveurs d’un public conquis par avance (ABBA, c’est top quand même !). Vous voulez votre dose de SOS, Voulez-vous, Take A Chance On Me ou Honey Honey ? Pas de problème, ils sont tous là , avec leurs mélodies entraînantes qui donnent envie de hurler son bonheur à la face du monde entier. Les partitions n’ont subies aucune variation majeur histoire de ne froisser personne, au détail près qu’elles sont chantées comme s’il s’agissait d’un épisode de High School Musical. Il manque systématiquement cette dose de magie délicieusement kitsch qui permettrait à tous ces hits de décoller, la faute à une approche constamment orientée soupe FM pour faire rêver les midinettes. Il faut voir la blonde Amanda Seyfried et le fadasse Dominic Cooper se trémousser sur le sable en tenue légère sur Lay All Your Love On Me pour se demander si c’est bien à du ABBA et non à du AB Production que l’on assiste… Torse musclé imberbe pour lui, pose lascives de simili Britney pour elle, troupes de figurants masculins faisant les mariolles avec des palmes à l’arrière-plan et coucher de soleil à vomir filmé avec un tel cynisme que ça en deviendrait presque vexant. On est bien loin des réappropriations musicales intelligentes d’œuvres comme Moulin Rouge ou Happy Feet qui savaient prendre des libertés avec les mélodies tout en les inscrivant dans une véritable logique narrative assumant à 200 % l’exacerbation des sentiments (voir la maquette de Paris plongée sous les nuages durant la séduction de Satine chez Baz Luhrmann ou les cœurs dessinés par les manchots chez Miller).
Se reposant entièrement sur les tubes d’ABBA, la scénariste Catherine Johnson et la réalisatrice Phyllida Lloyd balancent une vague histoire de mariage en Grèce prétexte à rassembler les trois pères potentiels de la mariée qui ignore lequel est le bon. Les enjeux dramatiques resteront néanmoins à l’état embryonnaire puisque jamais aucun rebondissement ne viendra perturber ce juke-box rétro agrémenté de péripéties jamais préparées, jamais développées et jamais abouties. Le marié fait boudin quelques minutes à sa dulcinée parce que celle-ci lui a menti, les trois pères potentiels décident successivement d’accompagner leur fille devant l’autel mais cela sembleront oublier leur promesse au moment fatidique, un personnage révèle brusquement son homosexualité à la fin avant d’aller se frotter torse nu dans les bras d’un garçon sorti de nulle part…
L’intégralité du casting semble n’être là que pour s’offrir du bon temps au soleil, rarement concerné par ce scénario inepte qui a de toute évidence été improvisé pour caser un maximum de titres incontournables. Comment placer Money Money ? Facile, il suffit de dire que le personnage principal a des problèmes d’argent ! Et Super Trooper ? Intégrons une séquence de spectacle de vioques et le tour est joué ! Et quand y en a plus y en a encore, témoin cette scène totalement gratuite placée là juste pour le plaisir dans laquelle une copine de Meryl Streep s’amuse avec des minets sur une plage en entonnant Does Your Mother Know. En totale roue libre, les comédiens balancent leurs blagues comme s’ils se croyaient encore à la maternelle, au point qu’on en vient à être gênés pour eux. Car il faut voir Stellan Skarsgard et l’embarrassante Julie Walters marcher à quatre pattes sur un toit, Meryl Streep sauter sur son lit dans un ralenti ridicule ou l’intégralité des figurants faire strictement n’importe quoi pour le croire.
Bien partie pour tout rafler aux prochains Esquimaux Euhouards de L'ouvreuse, la version Céline Dion de The Winner Takes It All s’impose comme LE morceau de bravoure du métrage tant il incarne à la perfection - et durant quatre très longues minutes - tout ce qui ne tourne pas rond dans Mamma Mia!. En plus de reposer sur des enjeux artificiels placés là uniquement histoire d’injecter du drame à l’orée du dénouement ridicule (Meryl Streep en veut à son ex pour une raison X qui pourrait tout aussi bien être Y sans que ça change quoique ce soit à l’affaire), cette séquence nous permet d’apprécier deux grands acteurs en mode Ultimate Cabotinage, transformant ce qui est censé être une séquence dramatique en un grand moment de rigolade involontaire. A ma gauche : Meryl Streep chantant faux et puisant dans tous ses tics d’actrice à oscars : yeux humides, regard fuyant, basculement de la tête… Quand la musique s’emporte, elle s’emporte aussi, ne sachant plus quoi faire de ses bras et se mettant donc à les agiter dans tous les sens. A ma droite : Pierce Brosnan dans un grand moment de solitude. N’ayant de toute évidence reçu aucune consigne de la réalisatrice, il prend la pose d’un acteur de soap opera, mains dans les poches ou dans le dos, mine dépitée. Difficile de rester classe quand on fixe sa partenaire pendant quatre minutes. Alors Pierce se gratte la tête, regarde à gauche, regarde à droite, se regratte la tête en se demandant ce qu’il fait là , regarde en haut, regarde en bas... Il n’est pas aidé, avouons-le, par la mise en scène qui se borne à filmer ses personnages de très près avec un nombre limité de coupes (essayer un peu de braquer une caméra sur un acteur en lui disant "prend l’air concerné pendant quatre minutes non stop sans rien dire" et vous verrez qu’il y a peu de chance d’aboutir à un résultat convaincant). Une véritable épreuve pour les nerfs récompensée par le climax de la chanson où la réalisatrice s’est cru d’un seul coup à Bollywood, avec des plans en hélico sur un superbe décors au coucher du jour et une Meryl Streep faisant flotter son voile dans le vent avec un tel manque de naturel qu’on se croirait dans une pub pour tampons.
Faussement kitsch, faussement romantique, faussement drôle… Mamma Mia! est une insulte pour tous les fans d’ABBA, un revival trop formaté pour être honnête, s’appuyant uniquement sur des titres immortels et un casting de luxe pour rallier le public à sa cause. Ne comprenant strictement rien à l’essence même de la comédie musicale (la mise en scène n’est JAMAIS musicale ou chorégraphique), les deux auteurs de cet objet préfabriqué font penser à deux gamines de douze ans qui s’amuseraient dans leur chambre en se prenant pour des stars de la pop. Une impression confirmée par l’abominable générique de fin, véritable bonus de mauvais goût vomissant sa bêtise absolue en attendant d’être célébré dans quelques années dans tous les clubs branchés.
MAMMA MIA!
Réalisateur : Phyllida Lloyd
Scénario : Catherine Johnson
Production : Judy Craymer
Photo : Haris Zambarloukos
Montage : Lesley Walker
Bande Originale : best-of ABBA, dispo dans toutes les bonnes crèmeries
Origine : USA
Durée : 1h50
Sortie Française : 10 septembre 2008