Le Syndrome Du Titanic
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- Critique par Nicolas Bonci le 15 octobre 2009
Il était un petit naïf
La pollution c'est nul, nous sommes des consommateurs inconscients et égoïstes bouffis de confort et nos sauveurs seront Pinault and pals. C'est ce qu'Arthus-Bertrand nous serinait il n'y a même pas six mois, et voici que Nicolas Hulot revient pour la deuxième couche.
Car dans le genre doublon et redite inutile, Le Syndrome du Titanic se pose en cas exemplaire. Et illustre l'effroyable incapacité des leaders d'opinion écolo, du moins en France, à varier leurs discours culpabilisants, à proposer des alternatives réalistes et surtout à mettre le doigt réellement où ça fait mal (ce qui les mène d'ailleurs à se faire régulièrement traiter d'éco-tartuffes).
Revenons un peu en arrière. Le 5 juin dernier, Yann Arthus-Bertrand présentait sa collection de screensaver à douze millions d'euros à l'occasion de la journée mondiale de l'environnement. C'était beau, pour peu que l'on fasse fi du long discours qui y était accolé, principalement axé sur les responsabilités des populations dans les désastres écologiques que connaît la planète. Nous ne sommes pas du genre à renier le devoir de responsabilité de l'individu, mais quand celui-ci devient la principale cible critique des discours verts, évacuant du débat tout autre paramètre tel que le système et environnement social dans lequel l'individu évolue (le privant bien souvent de toute alternative de choix de vie ou de consommation), et, pire encore, éloignant les industriels et acteurs politiques de la démonstration, il y a quelque chose qui nous gratte. En même temps on était prévenu : le film ne s'ouvrait-il pas sur une animation assez abominable suggérant que notre home, notre refuge à tous sont la Fnac, la Redoute, EDF et cie ? Le bénéfice du doute pouvait laisser penser à de la maladresse de graphiste mal inspiré, jusqu'à ce qu'une dernière partie, censée redonner un peu d'espoir aux spectateurs, n'enfonce le clou en présentant des actions positives et concrètes exclusivement issues de divers gouvernements.
Home fini, nous étions bons pour nous fouetter mutuellement à coup d'orties fraîchement coupées, et vénérer ces dirigeants politiques et grands groupes commerciaux qui daignent sauver nos maladresses !
Le salut viendra du capitalisme, et tant pis s'il est grandement responsable de ce qui arrive, on n'est pas là pour sauver la planète, mais un système remis en cause. Et si vous n'aviez pas compris, Nicolas Hulot, élève de quatrième, vous présente son exposé :
Alors voilà : en fait on est tous pareil, et le cycle de la vie, c'est bieng. L'eau qui coule, qui irrigue, fait pousser les arbres, et qu'on boit, c'est bieng. Les arbres qui poussent, empêchent l'érosion, enrichissent la terre et abritent les animaux, c'est bieng. Les animaux qui mangent d'autres animaux, pour que nous on mange de plus gros animaux, c'est bieng.
Mais la guerre et la pollution, c'est pas bieng :(
Et ça dure 90 minutes comme ça, sur un ton mi-alarmiste mi-naïf, exténuant dès les premières minutes, horripilant par la suite tant les évidences sont défoncées par la finesse d'un Captain Obvious sous prozac.
Comme pour Home, c'est beau (en même temps vu le budget repérages, ça peut) (en même temps ça pique des idées à l'incontournable Baraka et à Notre Pain Quotidien) mais comment peut-on débarquer aussi longtemps après la bataille (Une Vérité Qui Dérange a trois ans) et ne strictement rien apporter au sujet ?
Mais on n'en voudrait pas trop à Hulot d'être si désespérément creux, naïf et dépressif s'il ne commettait l'erreur, dans sa volonté aveugle de dénoncer un monde courant à sa perte, de tout mélanger, transformant son documentaire en clip pour rebelles adolescents. Ainsi on voudrait bien savoir quel peut être le rapport entre la répartition des richesses dans le monde, la violence à la télé et les jeux vidéo. Oui, vous ne rêvez pas : dans une séquence incroyable, qu'on penserait sortie d'un reportage de TF1 daté de 1992, Hulot superpose des plans de spectateurs africains regardant une série B sur un petit poste de télé dans une remorque, des japonais hypnotisés s'adonnant à des jeux de tir dans une salle d'arcades puis, après un gros plan sur les yeux d'un des joueurs, paf, une vue depuis un viseur d'un lance-missile en Irak. Aberrant.
Si le documentaire écologique au cinéma doit passer par un tel niveau de crétinerie réac, de pensée confuse et vaseuse, sans aucune construction analytique ni proposition élaborée, mettant tous les maux du monde sur le dos de ceux qui souffrent le plus de la misère et de la pollution, je préfère largement la fiction, tel que No Pasaran et surtout Happy Feet.
LE SYNDROME DU TITANIC
Réalisateurs : Nicolas Hulot & Jean-Albert Lièvre
Scénario : Nicolas Hulot, Jean-Albert Lièvre, Antoine Le Bos & Mathilde Jounot
Production : Eric Altmeyer, Nicolas Altmeyer, Jean-Albert Lièvre…
Photo : Nedjma Berder & Lionel San-Kenguistel
Montage : Cécile Husson & Vincent Delorme
Origine : France
Durée : 1h33
Sortie française : 7 octobre 2009