28 Semaines Plus Tard
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- Critique par Nicolas Bonci le 20 septembre 2007
Jour de colère
Les spectateurs pointilleux du premier film se demandaient si les infectés pouvaient être assimilés à des zombies (si, c'est important). Ils ont maintenant la réponse : Non. En effet, 28 semaines après le début de la contagion, les contaminés énervés sont tous morts de faim (comprendre "plus de gens à manger", et non "plus de filles à …"). C'est sur ce postulat étonnant, conséquence logique et bien vue de ce "détail", que commence le second opus de la franchise.
Tout comme dans Land Of The Dead, les rescapés reconstruisent un semblant de société dans un ensemble de hauts buildings entourés d'eau. Sauf qu'ici, la menace étant dissoute, les choses se passent de manière plus civilisée. Jusqu'à ce qu'une expédition malheureuse de deux ados en quête de souvenirs ramène une porteuse du virus qui n'en présente pourtant pas les symptômes.
A partir de cette dizaine de minutes d'exposition, précédée d'une séquence d'intro composée de plans à couper le souffle (Carlyle courrant à perdre haleine et des dizaines d'infectés apparaissant en crête de colline au lointain, mazette, c'est beau), les choses sérieuses commencent et n'iront qu'en empirant sans temps mort pour les pauvres protagonistes. Un flot de rage et de violence se déverse sur la petite communauté, conséquence directe d'un acte motivé par l'amour et la culpabilité. Flot intensifié par une mise en image brutale (superbes inserts en vue subjective de l'infecté) et le sens aigu de l'ellipse de Fresnadillo. Les séquences d'horreur et de panique se succèdent dans un chaos pas toujours lisible mais parsemés d'idées et d'images très marquantes d'où transpire une férocité à glacer le sang (Robert Carlyle est génial, comme d'hab).
Ce qui donne matière à s'étonner, c'est avant tout l'apparente facilité qu'a Fresnadillo pour changer de style et s'adapter à un genre. Du thriller calme et académique qu'était Intacto, il passe ici au style vif et hystérique, avec caméra portée, image granulée dont la tinte varie selon la scène et le drame qui se joue, montage haché, etc. Il est de plus aidé par un script malin, qui transforme les contraintes du scénario en idées de mise en scène : le déroulement logique du récit implique des héros lâchés en pleine ville, de jour, et que les infectés aient quasiment tous mangé du napalm au petit matin. Difficile dans ce cas d'engendrer de la tension. Fresnadillo fait donc en sorte de réduire dès qu'il peut le champ de vision de ses personnages : en les coinçant dans une impasse en prise avec un tireur embusqué, en les engouffrant dans des nuages massifs de gaz lacrymogène, ou en les faisant atterrir dans un sous-sol totalement obscur, scène bien flippante dont le procédé rappelle malgré tout bien des films (Le Projet Blair Witch par exemple).
Si la charge anti-militaire de 28 Jours Plus Tard ralentissait beaucoup trop le dernier acte du métrage, elle est ici le moteur du récit, à travers une armée US venue évidemment donner sa propre idée de l'ordre, mais dont les lacunes ont des conséquences directes sur la dramaturgie : les enfants échappent à la vigilance de gardes peu concernés et découvriront l'infectée, leur grand "Plan Rouge" d'urgence consiste juste à parquer la population dans une salle polyvalente sans blindage ni moyens de défenses, et lorsqu'ils se trouvent débordés, ils n'ont d'autres alternatives que d'abattre tout le monde, y compris les personnes saines (le film de Fresnadillo rejoint sur ce point The Crazies de Romero). Pour les héros, cette armée se révélera finalement être un ennemi au même titre que les infectés, voir plus. En effet, durant les dernières séquences, à part une scène "hélico cinq lames pour un rasage plus propre", les survivants ne font qu'essayer d'échapper aux snipers, au largage de napalm et aux soldats équipés de lances flamme.
Il faudra un dernier face-à -face symbolique pour rappeler la menace du virus (et lancer un hypothétique 28 Mois Plus Tard). Face-à -face hélas expédié beaucoup trop vite, mais quelque part, cela résulte du regrettable traitement du conflit qui aurait pu donner vraiment plus d'impact émotionnel au métrage : la culpabilité qui ronge le père suite à l'abandon de sa femme. Sur l'instant les voies choisies par les scénaristes impressionnent, mais sur la durée du film elles amoindrissent la puissance dramatique, le spectateur n'ayant plus que quelques personnages assez fades à suivre. L'effet de surprise n'étant plus là , les nombreux plans d'hélico sur un Londres désert ne suffisent pas à combler ce déficit de frissons et d'empathie.
28 WEEKS LATERÂ
Réalisateur : Juan Carlos Fresnadillo
Scénario : Juan Carlos Fresnadillo, Rowan Joffe, Jesus Olmo & Enrique Lôpez Lavigne
Production : Danny Boyle, Alex Garland, Enrique Lôpez Lavigne…
Photo : Enrique Chediak
Montage : Chris Gill
Bande originale : John Murphy
Origine : GB / Espagne
Durée : 1h41
Sortie française : 19 septembre 2007
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