Devil Story
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- Bobine minute par Guénaël Eveno le 13 décembre 2011
Le diable dans la boîte
Vieux mot tard que jamais ! L’ouvreuse ne pouvait pas décemment passer à coté de la réédition de Devil Story – Il Était Une Fois Le Diable, disponible sur le site de l’éditeur Sheep Tapes depuis le 12 septembre dernier. Un événement qui rend enfin au nanar ce qui appartient au nanar.
Auteur de Sacrés Gendarmes et Touch' Pas A Mon Biniou avec Sim (légendaire comique français), Bernard Launois réalise Il Etait Une Fois Le Diable en 1985 à Fécamp (Normandie), avec un budget rachitique et une équipe technique pas très volontaire. Le résultat est un film qu’on peut difficilement résumer, la somme illogique de différentes parties assemblées en dépit de tout sens cinématographique aboutit à de compulsifs fronçages de sourcils et bouches ouvertes de stupéfaction. On y suit une jeune femme qui se fait attaquer par un chat noir vindicatif et se voit contrainte de séjourner dans une auberge normande. Mais non loin de là sévit une créature difforme qui tue quiconque croise son chemin, créature que l’héroïne rencontrera lors de pérégrinations nocturnes hors de l’auberge. Son chemin croisera aussi celui d’une momie, d’une vieille bohémienne pas commode, d’un bateau zombie et d’un cheval bien encombrant que le tenancier de l’auberge s’échine à vouloir abattre lors de scènes sans fin dans lesquelles Launois redéfinit autant la logique des 180° du champ/contrechamp qu’il pousse le faux raccord aux frontières de l’obscénité.
Devil Story, c’est une suite de scènes interminables qui fait voguer le résultat final entre étrangeté involontaire, burlesque incontrôlé (les longs plans sur les giclés de sangs) et slapstick, quelque part dans des contrées lointaines du film d’horreur qu’il aurait dû être. Il Etait Une Fois Le Diable connaîtra tardivement le succès échoué à tous ces films involontairement mauvais, mais sympathiques, appelés nanars, devenant un phénomène du genre et un des étendards de Nanarland.
C’est donc naturellement que la maison d’édition vidéo Sheep Tapes, fondée par une poignée de nanarlandais, ouvre son catalogue avec cet objet étrange. Une première fournée qui montre à n’en pas douter leur amour du nanar. Présenté en 16/9 et dans une image honnête pour le format (contrairement au visuel intérieur de la pochette, ce n’est pas de la VHS !), le film est accompagné d’un grand nombre de bonus aussi intéressants qu’originaux. Dans le documentaire Il était une fois the Devil Story, on pourra suivre la genèse de… Devil Story, découvrir que ce barjot de Frank Hennenlotter (réalisateur de Basket Case et Elmer, Le Remue-Méninge) en est fan et visiter les souvenirs de tournage de Bernard Launois et Véronique Renaud.
Le réalisateur gouailleur mais désabusé évoque un tournage fait avec les moyens du bord et des techniciens qui ont retardé le tournage du film, obligeant à tourner vingt minutes de scènes supplémentaires pour en arriver aux soixante-douze escomptées. Quand à l’actrice, elle revient avec une sincérité touchante sur l’expérience qui a mis un point final à sa carrière. Un mockumentaire, dans le style du Forgotten Silver de Peter Jackson, vient tromper notre exégèse sur la question. Nous apprenant par des témoignages divers (Christophe Lemaire, Jean-Francois Rauger, Rurik Sallé…) qu’en son temps Devil Story fut un phénomène de société, détrônant au box office des films comme Trois Hommes Et Un Couffin, Rambo 2 ! Malheureusement, une choquante et obscure découverte devait reléguer le film aux oubliettes, jusqu’à son exhumation par un sataniste cinéphile.
Un documentaire d’époque de France 3 Normandie, un commentaire-audio du réalisateur et quelques featurettes sympathiques viennent compléter le programme. Et si vous avez encore peur de tenter le diable seul dans votre salon, vous pourrez vous faire accompagner des 400 spectateurs de la 6ème Nuit Excentrique immortalisés sur piste sonore. Un public qui a pris bien du plaisir à (re)découvrir en salle ce pur produit du terroir.