Le Réveil De La Force : De nouveau l'espoir ?

Objectif Luke

Affiche Star Wars Episode 7 : Le Réveil De La Force

Il ne suffit pas d'un logo Star Wars surmontant un texte introductif défilant sur la célèbre musique de John Williams pour revendiquer le statut d'héritier du Retour Du Jedi.


[Cet article révèle des éléments clés de l'intrigue]

Nous n’en sommes plus à ressasser un passé pré-impérial en comblant les trous laissés béants vingt ans auparavant. Si cela fait plus de trois décennies que le futur est inventé par un Univers Etendu (UE) qui a bercé de nombreux fans, réunissant les enfants de Solo et Leia, des personnages comme le Grand Amiral Thrawn, Mara Jade ou un Jedi Fou, le canon demeure figé sur Endor dans une danse de la victoire célébrant la chute de l’Empire. Trois décennies de merchandising, de suppléments, d’éditions spéciales, de prélogie ont fait monter la pression, leur focalisation sur les acquis laissait présager que l’UE constituerait à jamais ce futur, et ça n’aurait pas été un mal. Mais voilà que l’empire Disney rend George Lucas plus riche de quatre milliards de dollars et relève le défi de reprendre l’histoire où elle avait été laissée en 1983. Et le nom de J.J. Abrams n’avait pas de quoi soulever des montagnes. Le créateur de Lost avait montré de nettes améliorations de ses qualités de metteur en scène avec Super 8 et Star Trek : Into Darkness mais demeurait le spécialiste du lancement de séries télés et de la retape de franchises "geek". Il apparaît à la vision de cet Episode VII que le choix d’Abrams et son chaperonnage par Lawrence Kasdan (scénariste sur L’Empire Contre-Attaque et Le Retour Du Jedi) demeure le mouvement le plus habile de Disney dans sa reconstruction du mythe Star Wars.

Star Wars Episode 7, Le Réveil De La Force

L’expérience d'Abrams à la télévision l'a amené à prendre conscience de l’importance d’une structure familière, de repères fixes qui aident à poser des personnages sur la durée sans s’aliéner le public. Les scénaristes ont ainsi repris le canevas d’Un Nouvel Espoir pour broder Le Réveil De La Force. Outre la structure, ce nouveau Star Wars reprend des lieux et situations similaires, donnant à voir une multitude de têtes connues dans une sorte de pèlerinage calquant le parcours initiatique de Luke Skywalker. Mais l’agencement de ces récurrences éloigne le syndrome craint du fan service pour se porter au service de la nouvelle intrigue : les personnages de la trilogie originelle sont devenus des archétypes en retrait, figures gravées dans le marbre venant soutenir les nouveaux personnages dans leur mission, leur stagnation témoignant de la volonté de ne plus en faire des héros actifs. En dépit de son temps de présence à l’écran, Han Solo ne sert qu’à passer le relais à Rey et à dramatiser la chute de son fils, Leia n’est qu’une personnification de leader et de mère blessée, R2D2 un deus ex machina posé dans un coin, Luke un fantôme insaisissable, résurgence lointaine du Obi-Wan Kenobi de l'Episode IV. Cette galerie du passé n’apparaît que lors du deuxième tiers du film, laissant le champ libre à la nouvelle génération qui peut ainsi évoluer dans son propre contexte avant d’être lancés dans le sillage des héros de la Rébellion. Le Réveil De La Force déroule les aventures d’un Stormtrooper repenti (John Boyega, vu dans Attack The Block), d’une intrépide orpheline (Daisy Ridley, très convaincante) et d’un fils en perdition (Adam Driver, connu des habitués de la série Girls). Sans doute venue de la plume de Kasdan, cette proximité temporelle, recadrage thématique par rapport à Clone Wars ou à la prélogie, parvient à placer naturellement cet Episode VII dans la continuité directe du Retour Du Jedi.  

Star Wars Episode 7, Le Réveil De La Force

La trilogie Star Wars n’était pas qu’un cocktail de Tolkien, Kurosawa (Le Château De L'Araignée), Flash Gordon et légende arthurienne. Elle possédait une magie, un ingrédient secret que même son principal créateur n’a su identifier au point de perdre la formule complète en chemin. Parfois confus et dispersé, Le Réveil De La Force ne parvient à capter ce qu'a fait la force d’Un Nouvel Espoir. Mais les qualités de mimétisme de J.J. Abrams entrevues avec Super "Amblin" 8 donnent à son opus des moments qui témoignent d’un net sursaut qualitatif par rapport à la prélogie, plaçant les enjeux à hauteur d’homme et prenant la peine de poser ses personnages en brisant l’action : la représentation de la solitude de Rey sur un thème évocateur et bucolique, le plan de la séquence d'introduction sur le Stormtrooper souillé qui dévoile son arc sans qu’il n’ait besoin de retirer le masque, la confrontation du regard du Sith Kylo Ren avec ce soldat anonyme ou encore le face-à-face entre Han Solo et son fils. Tous ces moments et bien d’autres rejoignent les figures signifiantes et purement cinématographiques de Star Wars, n'ayant rien à envier au plan de Luke devant les soleils couchants de Tatooine, à la rencontre avec Obi-Wan ou bien au sacrifice du Maître Jedi sous les yeux de son apprenti. Luke, Leia et Han se sont construits par leurs confrontations directes aux péripéties les forçant à révéler leur caractère, ce qu'avait abandonné une prélogie baignée d'un halo froid et tragique, mettant de côté l'humour et les personnages complices. Sans se hisser à la hauteur de leurs pères, la relève gagne le capital sympathie suffisant à l’issue de cette première aventure pour qu’on ait encore envie de les suivre.

Star Wars Episode 7, Le Réveil De La Force

Intrigue linéaire, confrontations directes, décors dépouillés, la franchise Star Wars n’a jamais été meilleure que lorsqu’elle visait l’épure. On retrouve cette épure dans le paysage du Réveil De La Force, le cadre est nettoyé du trop plein des années de la République Palpatine, les CGI sont mariées aux maquettes, J.J. Abrams réduit drastiquement les effets de transition décoratifs pour des raccords directs lorgnant vers une modernité et calque sa mise en scène sur Lucas. L’apparition du Maître Sith possède à cet égard une ampleur étrange, mettant en valeur leur relation tandis qu’Un Nouvel Espoir ne faisait qu’illustrer les échanges Vador/Palpatine. Et malgré le canevas appliqué, Abrams et Kasdan se sont visiblement plus à déjouer les codes du film matriciel, détournant les attentes plus qu’ils ne les comblent : le pilote qui envoie les plans à la Résistance n’occupera pas un grand rôle dans le film, la prisonnière se libère toute seule, la bataille n'est pas le climax, la célébration finale ne clôt pas l'épisode.  

Star Wars Episode 7, Le Réveil De La Force

Enfin, il y a l’éternel équilibre rompu de la Force, centre de gravité de toute l’épopée Star Wars, brisé dès qu’un Maître Sith trouva son Padawan. D’un empire, la menace s’est muée en un parti très puissant qui renvoie sans aucun complexe aux partis politiques : le parti nazi par une galvanisation du peuple et un salut équivoque, mais aussi les partis nationaux actuels et historiques dans leur nostalgie du passé (le Stormtrooper en est tout un symbole). Dans leur volonté de mimétisme avec l’Episode 4, Abrams et Kasdan ont ajouté une dimension terroriste à grande échelle qui brouille les cartes, tout en donnant sa légitimité à la Résistance alors que la République reste très faible. Le Réveil De La Force est à ce niveau bien confus, aux antipodes de la simplicité rectiligne d’Un Nouvel Espoir. Mais comme ce fut le cas pour Obi-Wan, Luke devra trouver un disciple pour rétablir la balance, Abrams se simplifiant in fine la tâche en faisant glisser Rey sur les traces de Luke. 

Star Wars Episode 7, Le Réveil De La Force

Outre un rythme déficient, que soulignent quelques ellipses gênantes, et un score qui ne parvient pas à identifier les nouveaux protagonistes par ses thèmes, cet Episode VII passe le test, notamment avec sa dernière scène, lorsque le réalisateur affronte le personnage fondateur du mythe et ose le réintégrer dans le paysage : par un geste symbolique, un Maître Jedi rencontre son Padawan et la magie revient au bout de deux heures prudentes. Ce faisant, J.J. Abrams a ramené Star Wars sur de bons rails, on ose toutefois espérer que Rian Johnson (Looper) saura faire preuve de nettement plus d’audaces pour hisser les aventures de cette nouvelle génération au niveau de ses aînés.




STAR WARS: THE FORCE AWAKENS
Réalisation : J.J. Abrams
Scénario : J.J. Abrams, Lawrence Kasdan & Michael Arndt d'après l'oeuvre de George Lucas
Production : J.J. Abrams, Bryan Burk, Kathleen Kennedy, Tommy Gormley, Lawrence Kasdan, Michelle Rejwan...
Photo : Daniel Mindel
Montage : Maryann Brandon & Mary Jo Markey
Bande originale : John Williams 
Origine : USA
Durée : 2h15
Sortie française : 16 décembre 2015




   

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