The Walking Dead - Saison 2

Off the dead

Affiche The Walking Dead saison 2

Malgré une fin en demi-teinte de la première saison du show zombiesque d’AMC, tous les espoirs de voir cette nouvelle fournée véritablement décoller étaient permis. Plus dure sera la chute…


Les débuts de la série s'avéraient plutôt bons et annonçaient un renouveau dynamique et hargneux de nos amis les non-morts. Les importants taux d'audience ont même amené la chaîne à produire plus d'épisodes (de six on passe à treize). Malheureusement, des coupes sombres dans le budget et des orientations (désorientation?) artistiques peu opportunes, c'est le moins que l'on puisse écrire, (dont le départ de Darabont lui-même) ont fait exploser les défauts de la saison inaugurale.

Pourtant, cela partait plutôt bien avec un premier épisode de très bonne tenue (certes, sans doute pas aussi intense que celui initialement prévu par Darabont). Après l'explosion du CDC, nos plus trop fringants survivants sont contraints de reprendre la route afin de trouver sinon un nouvel Eden du moins un autre ilôt plus ou moins paisible où se reconstruire. Ils parviennent sur une portion d'autoroute encombrée de véhicules accidentés ou abandonnés avec parfois à leur bord les conducteurs et passagers n'ayant pu échapper à la catastrophe. C'est l'occasion de se réapprovisionner et réparer le camping car de Dale. Pendant que chacun s'affaire, une meute de rôdeurs surgit de nulle part. Grimes et sa troupe ont juste le temps de se cacher sous les véhicules, l'odeur de mort ambiante dissimulant leur présence olfactive. Tandis qu'Andréa planquée dans le camping-car doit affronter un mort-vivant dans l'habitacle exigu, Daryl aide T-dog blessé au bras à échapper aux zombies. Une tension maximum où chaque action ou non-action des membres de la communauté réaffirme leurs personnalités. Alors que l'on pense la vague partie, la petite Sophia est surprise sortant de sa cachette par deux retardataires se lançant à sa poursuite à travers les bois avoisinants. Rick s'élance aussitôt, intercepte Sophia, la cache sous une souche d'arbre et s'active pour démolir la tronche des deux poursuivants. Et l'on voit alors sur son visage une dureté et une détermination glaçante. Malheureusement, en revenant sur ses pas, il constate que Sophia a disparu. Lui et Daryl se lancent désespérément à sa recherche. Une disparition qui ravivera l'inimité à l'égard de Rick et ses décisions.
Encore pas mal de dialogues mais pas inutiles puisqu'ils servent de mises au point (Andréa reprochant à Dale d'avoir empêché son suicide librement choisi, Shane et Lori sur leur relation, Lori met les choses au clair avec une partie du groupe concernant le leadership de Rick en prenant fait et cause pour lui) ou expriment des sentiments et positions qui seront logiquement bouleversés par la suite. Ce qui ne sera pas vraiment le cas ou si faiblement.

Par ailleurs, l'arrivée dans une église en lisière de forêt est intéressante en abordant brièvement la notion de foi et présentant ce signe comme une échappatoire illusoire (le clocher que l'on entend sonner n'existe pas, c'est un simple enregistrement pré-programmé) ou pervertie (les trois occupants des bancs des fidèles sont trois zombies, formant là une image impie réjouissante et marquante). A la disparition de la gamine s’ajoute la blessure mortelle de Carl. Alors qu’il accompagnait Shane et son père, s’arrêtant un instant pour admirer un cerf, une balle ciblant l’animal l’atteint de plein fouet. Ainsi, entre une foi déniée et l’espoir d’un renouveau intrinsèquement porté par les enfants passablement compromis, la série augurait d’une potentielle exploration de la noirceur humaine et la lutte contre le désespoir. Ce ne fut pas franchement le cas ou les maigres tentatives étaient par trop insipides.
La ferme providentielle où réside un vieux patriarche nommé Hershell en mesure de secourir Carl et sa famille constitue un arrêt forcé que les récents évènements (disparition de Sophia, course contre la montre pour sauver le fils de Rick et Lori, la cohabitation forcée avec leurs hôtes) pouvaient légitimement rendre mouvementé. La seule chose de véritablement actif fut leur muscle linguinal.

The Walking Dead saison 2
 

Ce fut un tel enchaînement de dialogues inutiles et d’incohérences criardes, un tel renoncement à ce qui avait été mis en place qu’arriver au bout de cette seconde saison fut particulièrement pénible. Passé l’agacement de voir ce potentiel partir en lambeaux, vint poindre un ennui profond. Car malgré quelques éclairs de bonnes idées ou de séquences suffisamment agitées pour sortir le spectateur de sa torpeur, la série s’est enferrée dans une narration ronronnante où le soap moisi du bulbe prenait le pas sur la moindre amorce de cinégénie. La reformulation d’une communauté humaine engendrée par l’apocalypse zombie permettait d’établir des questionnements intéressants sur ses conditions de survie, son mode de fonctionnement, les limites à ne pas dépasser. Mais si la nouvelle dynamique de groupe ainsi instaurée en exacerbant les tensions et les émotions par une confrontation permanente avec la mort est primordiale pour la construction du récit, elle ne saurait se substituer à son horreur fondatrice : les zombies. Or, ces derniers disparaissent peu à peu du cadre, devenant une menace de plus en pus vague. A tel point que les apparitions sporadiques de spécimens épars sont à la limite de provoquer l’étonnement : damn, un zombie !?
Pour une série de mort-vivants, ça la fout mal. On en est pas encore à un image subliminale mais si le budget continue à baisser, on pourrait bien y venir un jour…

La baisse des crédits alloués, voilà une des causes structurelles qui peut expliquer les atermoiements et la dilution excessive des intrigues. Le public est pourtant au rendez-vous mais la chaîne en difficulté financière doit opérer des réductions. Et comme deux fois plus d’épisodes ont été commandés, il faut tricher. Seulement, la solution choisie de s’attarder sur les circonvolutions affectives des personnages en ne faisant intervenir et / ou apparaître des zombies que parcimonieusement est loin d’être une panacée. Car alors, pratiquement chaque nouvel épisode devient une chorale de pleurnicheries ne débouchant sur rien d’autre qu’un sentimentalisme égocentrique.

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Que chacun soit partagé par ses doutes, des interrogations légitimes (comment évoluer au sein du groupe, comment prendre la bonne décision, quelles conséquences, etc.) est une chose mais les bouleversements individuels n’ont que peu d’impact sur le destin collectif. On assiste plutôt à des histoires se croisant sans que des répercussions majeures n’adviennent. Certes, la recherche de Sophia occupe tout le monde mais cela reste une toile de fond de plus, les persos passant le plus clair de leur temps à se déchirer, à confronter leurs points de vue mais sans que jamais les positions des uns ou des autres ne soient remises en cause. Bien sûr, il y a des révélations, des changements (une est enceinte, Andréa se radicalise et se découvre un potentiel de femme d’action, les zombies dans la grange, les relations entre Shane et Rick s’envenimant sérieusement…) mais chaque point d’orgue est d’avantage envisagé comme un choc instantané plutôt qu’un élément dramatique qui transformerait la relation aux autres. D’accord, ils se trouvent sur les terres d’Hershell et ils doivent par conséquent se soumettre à ses règles et recommandations mais toute notion d’urgence, de danger imminent semble s’évaporer (et ce ne sont pas les morts de deux personnages majeurs dans la deuxième partie de saison pour tenter de redonner du souffle qui changeront la donne). Avec des zombies traînant seulement dans les sous-bois avoisinants et les ressentiments larvés de ceux contestant le leadership de Rick, difficile de faire peser une tension ou chape de plomb et encore plus de formaliser la précarité de leur situation.
Alors oui, ils adoptent tous des mines déconfites (voire constipées pour certains), Hershell ne cesse de rappeler régulièrement qu’une fois Carl remis sur pied et la petite Sophia retrouvée ils devront s’en aller mais cela demeure insuffisant pour engendrer la moindre instabilité sous-jacente. De même, alors que la série semblait s’engager sur la voie de la ré-exploration des mythes fondateurs de la conquête de l’ouest avec cette nécessité pour survivre de reconquérir des territoires, cette deuxième saison se mue en une sorte de Petite Maison Dans La Prairie post-apo où toute hargne, toute acidité, toute aridité sont engluées dans la guimauve.

Il faut bien occuper l’attente des survivants, aussi des idylles se multiplient et en plus du couple vedette Lori / Rick, s’en forment d’autres tout aussi horripilant (Daryl et la mère de Sophia, Carol ; Shane et Andréa ; Glenn et la très jolie Maggie). Certes, leurs relations respectives sont contrariées mais n’ont que peu d’intérêt dramaturgique puisque aucune n’a de véritable prise sur le récit en cours ou ne dégageant un enjeu particulier. Du moins, mis à part le triangle amoureux Rick / Lori / Shane mais comme le reste, ils ont tendance à faire du surplace et ressasser les mêmes ressentiments.

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Impossible en l’état de désigner un fautif majeur aux nombreux problèmes structurels de cette saison mais plutôt une corrélation de choix malheureux. Le départ forcé de Darabont a évidemment été très préjudiciable de même que la volonté de raccrocher les wagons du comic de Robert Kirkman. De même, l’importance donnée aux différents états d’âme au détriment des zombies ne saurait se justifier uniquement par une diminution des crédits. Cela découle aussi de choix narratifs car même sans multiplier leurs interventions gores, il y a toujours moyen de suggérer leur prégnance, voire de substituer leurs corps décharnés par un danger tout aussi mortel comme d’autres humains plus agressifs que nos progressistes léthargiques. Il y a bien une amorce en ce sens à partir de l’épisode 8 mais elle est bien trop timorée et surtout gérée n’importe comment.
Rick, Hershell et Glenn tombent dans un bar sur deux étrangers suspects, Rick les descend après une confrontation tendue quant leurs potes se pointent. S’en suit un échange de coups de feu et l’un des opposants blessé à la jambe est recueilli par le bon samaritain au chapeau de sheriff. Une fois pansées ses plaies, Rick et Shane le conduisent dans un endroit éloigné de la ferme où ils comptent l’abandonner avec une chance sur deux de se faire bouloter. Cette mise en place n’est en fait qu’un prétexte à une baston entre les deux ex-coéquipiers décidés à s’expliquer. Après l’arrivée de tout un tas de zombies, retour à la case départ pour nos trois loustics qui retournent à la ferme. Là, le jeune intrus est promptement molesté par Daryl afin de lui faire cracher le morceau sur la localisation de son groupe. Pourquoi maintenant ? Mais parce que le jeune impudent connaissait Maggie bien avant la catastrophe et sait donc où elle crèche. C’est sûr que d’autres humains belliqueux ne représentent pas alors une menace suffisante... (sic)

Vient ensuite le dilemme concernant son sort : le tuer ou le laisser s’enfuir. Plus qu’un tourment moral, il s’agit aussi de préserver la sécurité du groupe. Le vieux Dale va prendre position et essayer de rallier le plus de compagnons possibles à son choix de le laisser vivre. Outre des dialogues interminables (en un seul mot) ne faisant pas avancer le schmilblick et donnant encore moins une certaine vigueur, nous avons droit à une remarquable séquence de palabres dans le salon où la réalisation n’arrive à aucun moment à dynamiter un temps soit peu des échanges pourtant décisifs pour la vie d’un homme. A cette platitude et la redondance des propos, il faut ajouter l’attitude de girouette de certains indécis changeant presque d’avis d’une phrase à l’autre.

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Autre sujet de crispation, la direction d’acteurs quasi inexistante. Pratiquement tout le monde recycle ses quatre expressions favorites (quatre en étant large) quand des personnages ne sont pas purement et simplement laissés en second voire troisième plan.
Voir, par exemple, Andréa arborer constamment sa moue mi ironique, mi désabusée est très rapidement fatigant. Mais c’est avec Shane que la série s’est vraiment planté dans les grandes largeurs. Et pourtant, cet antagoniste de Rick et de son éthique avait un immense potentiel malheureusement gâché par un jeu d’acteur de plus en plus outrancier (c’est limite si au comble de son dérèglement psychologique il ne roule pas de yeux) et une pénible mise en valeur de l’alternative qu’il figure. Vraiment dommage car c’était le plus intéressant, notamment lorsque dans l’épisode 3, alors que lui et Otis, un des protégés d’Hershell, doivent aller récupérer de quoi opérer Carl en pleine ville infestée de zombie, il doit résoudre rapidement et de manière extrême le dilemme qui se présente (quelle vie privilégier ?). Mais cet élément dramatique et ses répercussions seront très mal exploités par la suite. Ou plutôt, seront comme beaucoup d’autres trop dilués sur la durée pour conserver toute leur saveur.

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Alors quoi ? Il n’y a vraiment rien à sauver ? Heureusement si mais c’est une telle portion congrue que l’on a presque la sensation qu’il ne s’est pas passé grand-chose. Au-delà du premier épisode globalement réussi, il faut retenir l’escapade de Shane et Otis ; l’entraînement au tir très poussé d’Andréa par Shane, les menant à explorer un quartier zombifié ; la mort d’un des personnages principaux et surtout l’enterrement qui a suivi où une séquence montre les compagnons du défunt casser du zombie tandis que la prière de recueillement constitue le fond sonore de cette réaction violente, ce décalage entre le son et l’image créant enfin une sensation de malaise. Et puis, il y a l’épisode 7, chant du cygne de Darabont puisque c’était le dernier épisode dans lequel il était impliqué, qui est rattrape presque une première moitié de saison poussive. Tous les éléments trèèès patiemment mis en place jusque là induisent alors une évolution puis une explosion des comportements, Shane en premier lieu qui agit enfin en prenant la destinée du groupe en main – il refuse la proximité passive avec les zombies enfermés dans la grange et décide de les éradiquer – bouleversant ainsi la hiérarchie établie.

D’autant que dans le même temps, Rick essaye désespérément de temporiser avec Hershell en se soumettant à une de ses directives qui consiste ici à récupérer (à pécher) des zombies empêtrés dans les marécages pour les amener dans cette fameuse grange. Un épisode 7 qui apporte une conclusion magnifique à ce premier acte. Enfin il se passait quelquechose, enfin les positions de chacun étaient bousculées, enfin un final dantesque qui renoue avec celui grandiose du tout premier épisode de la saison 1. Un épisode 7 en résonance avec les plus forts moments de l'épisode initial (Rick butant la petite fille zombie en ouverture, Rick achevant la moitié de zombie rampante dans le parc). En tous cas, un épisode magistral qui redonne du souffle à une série qui en manquait (du moins dans cette saison 2) cruellement.

The Walking Dead saison 2
 

Quant à l’accélération tardive dans derniers épisodes, elle laisse pour le moins dubitatif devant un enchaînement narratif si mal agencé, les sautes d’humeur incongrues des persos et les actions contradictoires d’un épisode à l’autre. Si l’épisode final génère un chaos bienvenu en voyant une horde de zombies migrant de la ville pour débarquer dans la ferme et foutre le dawa, cela aura été si mal préparé (leur transhumance ne nous aura été montré que dans le pré-générique de cet épisode 13 ! Magnifique montée en puissance progressive s’il en est…) que l’on regarde ce spectacle de destruction sans aucune affection.

Cette deuxième saison aura au final trop tiré sur la corde de sous-intrigues ne nécessitant pas une telle dilution et aura voulu se la jouer Lost du pauvre en privilégiant les tourments des protagonistes sauf qu’ici ils peinent à s’interconnecter avec des enjeux narratifs plus poussés et un dessein complexe. Reste les visions d’une silhouette encapuchonnée tirant deux zombies enchaînés venant sauver in extremis Andrea et la masse sombre d’une prison désaffectée surplombant le dernier plan assez intrigantes pour titiller la curiosité. En espérant que la troisième saison n’emprunte pas la voie d’un Prison Break-like mais au point où l’on est rendu…


THE WALKING DEAD - SEASON 2
Réalisateur : Ernest R.Dickerson, Gwyneth Horder-Payton, Guy Ferland, Michelle MacLaren, Bill Gierhart
Scénario : Franck Darabont, Robert Kirkman, Tony Moore, Charlie Adlard, Glen Mazzara, Scott M.Gimple, Evan T. Reilly, David Johnson, Angela Kang

Production : Franck Darabont, Robert Kirkman, Gale Ann Hurd, Glen Mazzara…
Photo : David Boyd
Montage : Julius Ramsay, Hunter M. Via, Nathan Gunn
Bande originale : Bear McCreary & Rohn Schmidt
Origine : USA
Durée : 13 x 45’




   

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