Les Beaux Gosses
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- Critique par Nicolas Bonci le 3 juillet 2009
Toy boys
On n'est pas finaud des fois… On est tous là , trépignant, à attendre que la nouvelle nouvelle nouvelle génération de le french cinema de le tour Eiffel prenne enfin la relève, qui en comptant sur les photocopieurs de thrillers US, qui en espérant voir s'élever d'amas de tripes en latex un soupçon de talent. En vain. Alors que si ça se trouve il fallait juste miser sur ce qui nous représente le mieux : les losers.
Les deux récentes petites pépites dans le genre, traitées par des acteurs de la subculture sans complexe, à savoir les graphistes, animateurs et hip-hoppeurs des Lascars et le bédéaste Riad Sattouf avec Les Beaux Gosses ci-présent nous rappellent que les couches populaires ont aussi le droit d'être au centre de fictions légères et déconnantes, où la réussite est avant tout une idée dont on se moque et non un opium médiatique.
Une langue. Cette langue lèche une joue. Entre cette langue et cette joue, un comédon infecté sous sa majestueuse coupole de pus. Et ben croyez-le croyez-le pas, ce premier plan du premier film de Riad Sattouf annonce l'interstice purulent dans lequel Les Beaux Gosses tendrait à prendre place dans notre cinématographie. Un film ni propre ni fantasmé façon Lol, Nos 18 Ans et toute tétine comedy enclavée dans le 16ème arr. (la joue), et ni gratuitement cul sous prétexte de faussement authentique à la manière d'un Et Toi T'es Sur Qui ?, Du Poil Sous Les Roses et autres froide séance de pédo-psychiatrie (la langue).
Non, le film de Sattouf prend clairement place dans une faille de l'espace et du temps. Intra-diégétique d'abord, avec son ambiance grisâtre aux couleurs passées pour un rendu moche mais joli (l'effet nostalgie), ses boutonneux arborant d'improbables coupes mulet et dégaines directement issues des 80's, ou du revival propre aux 2000's, on ne sait trop. L'auteur, de toute évidence, ne veut pas marquer son métrage dans une époque, et n'à que faire d'un traitement générationnel.
Plus globalement, ce que Sattouf semble désirer est étaler la complexité brute de l'ado débarrassée de l'attirail poético-psycho-rigide, comme pour nous émanciper de trente années d'influences eustachiennes et des ados "plus vrais que nature" totalement monodimensionnels limite neurasthéniques des Petites Amoureuses et cie. Chez Sattouf comme dans mon monde et sûrement dans le vôtre aussi, les ados sont tour à tour des machines à éjaculation dégainant la quéquette à la moindre occasion (un catalogue, une voisine) puis d'indécrottables romantiques prostrés dès qu'une frange surmontant des yeux de biche entre dans leur périmètre.
Cette bivalence, pour ne pas dire bipolarité, de l'ado est d'autant mieux mise en valeur que l'auteur procède exactement comme en BD, à savoir tasser ses personnages dans des cadres très archétypaux. Une des premières scènes explicitait clairement cette intention du réalisateur : Hervé, jeune héros de la chose, enfile sa tenue de la veille dès son réveil par un geste aussi anodin que naturel (tenue qu'il gardera tout le film, comme tous les autres personnages). Au-delà du gag "halala les ados sont crados", il faut d'avantage y voir un personnage de BD prendre vie, et avec lui toutes les caractéristiques de ce médium ; ce n'est qu'en d'infimes variations de fond et non de forme de ce cliché sur pattes (et de tous ceux qui l'entourent) que l'auteur cisèle sa vision et offre des portraits qui finalement paraissent bien plus humains, proches, touchants et crédibles que dans les pellicules où s'exercent à l'impro d'innocentes âmes recrutées pour leur faculté à "faire vrai" (c'est-à -dire mal jouer, buter sur les mots et scruter le monsieur derrière la caméra qui fait "ok c'est bon on continue"). Chaque protagoniste est construit sur ce schéma du double, jusqu'au petit second rôle du taré de la classe à qui l'on fait toutes les misères et qui va soudainement se déchaîner. Qui pour dire qu'il n'a jamais rencontré de telles "caricatures" ?
La mise en scène de Sattouf se fait logiquement dans la discrétion, et d'une car c'est un premier film, et de deux pour justement permettre à ces personnages "irréels" de respirer et évoluer en douceur tout en contribuant à diluer cette atmosphère de zone intemporelle. Et de trois pour mieux contraster les divers effets comiques telle que la scène du bus ou la vue subjective lors du premier baiser, l'ado stoïque se voyant ainsi imposée une énorme frimousse rose, puis sa mère, dans son champ visuel (le contraire de la scène équivalente chez Eustache, dont le héros fermait les yeux pour ne pas voir les autres).
Comme un signe, la dernière séquence repose essentiellement sur une figure spécifique au cinéma, le travelling, transformant les barreaux fixes du début, qui marquaient une frontière entre nos deux zouaves acnéiques et "la chose", en portail symbolique vers l'étape supérieure. Etape dans laquelle, pour la boutade et pour signer son film, l'auteur fait délaisser à tous ses jeunes protagonistes leurs sapes coutumières pour des tenues encore plus caricaturales et propres à aujourd'hui. Manière ultime d'assurer que l'adolescence est et restera cette même période d'ingratitude et de construction identitaire pour tout le monde et pour toutes les époques, période qu'on ne peut malgré tout se remémorer sans tendresse.
LES BEAUX GOSSES
Réalisateur : Riad Sattouf
Scénario : Riad Sattouf & Marc Syrigas
Production : Anne-Dominique Toussaint
Photo : Dominique Colin
Montage : Virginie Bruant
Bande originale : Laurent Benaïm
Origine : France
Durée : 1H30
Sortie française : 10 juin 2009