La 9ème Nuit Excentrique
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- Dossier par Guénaël Eveno le 2 avril 2013
Pour quelques nanars de plus
Ce 23 mars 2013, la Cinémathèque de Paris a pour une année de plus vibré au rythme des nanars sélectionnés par ses soins et le site Nanarland.
Une place à la Nuit Excentrique ça se mérite. Les nombreux vaillants ayant passé la froide matinée du samedi 2 mars à se les geler afin d’acquérir le précieux graal qui leur permettrait de profiter une nuit durant des quatre nanars sélectionnés, des cuts excentriques (bandes-annonces et extraits de films) et des jeux concours, ne le savent que trop bien. Ils savent également qu’une Nuit Excentrique se vit du début à la fin, preuve en fut cette salle qui ne s’est pas désemplie jusqu’au bouquet final et dont les cris portaient toujours autant après le premier qu’avant le dernier film.
Plus de douze heures hosted by Jean-François Rauger, programmateur de la Cinémathèque, à la cravate fort convoitée et au phrasé fleuri. Dans la cuvée d’extraits nanars et de BA 2013, le nom le plus prononcé fut celui de Cuneyt Arkin, célèbre acteur turque à la filmographie foisonnante et diversifiée (le plus connu de ses films étant Turkish Star Wars), les productions Asylum et leurs effets spéciaux rudimentaires soulevèrent bien des commentaires, les films du terroir émurent le nanardeur nostalgique et quelques curiosités aux dialogues surréalistes (dont le à peine croyable Deux Sœurs A Enc**er) firent partie des découvertes défrichés avec talent par les équipes dévouées.
Sans plus attendre, engageons-nous dans la programmation de cette édition 2013.
Une fois n’est pas coutume, un péplum ouvre le bal de cette nuit : Vulcan, Dieu Du Feu. Nous nous retrouvons malgré nous au cœur des problèmes familiaux des Dieux de l’Olympe. Vénus abuse de son don de séduction. Papa Neptune décide donc de la marier à Mars ou à Vulcain. Vénus s’en fiche, car elle suivrait n’importe qui. Mais à force de minauder comme une cruche, elle provoque une bagarre et les deux dieux sont exilés sur Terre et punis pour deux mois (!). Vexé, Mars embarque la biatch et décide de passer une alliance avec le roi des Thraces, un type à tête de cinglé. Ils construiront ensemble une tour géante qui leur permettra, sans doute dans quelques siècles, d’atteindre l’Olympe et de botter les fesses de Jupiter. Vulcain se fait capturer par des hommes-lézards, puis décide d’empêcher la folie de Mars avec l’aide de la charmante Etna et du nain Géo.
Le polythéisme romain n’a jamais brillé pour la sagesse de ses dieux, mais la représentation quenous en fait Emmimo Salvi a de quoi ouvrir des procès en diffamation. Une scène avec des escaliers entourée de fumigènes fait office de Mont Olympe, où ce gros fainéant de Jupiter (qui a son amour propre, et l’accent de Graham Chapman) préfère regarder ce qui se passe plutôt qu’intervenir, ce qui aurait épargné un film. Venus est une Paris Hilton-like qui parvient miraculeusement à ne pas avoir l’air plus intelligente que l’originale. Vulcain incarne le Dieu sans peur et sans reproche dont la force reste encore à prouver : n’hésite-t-il pas à maltraiter un pauvre nain pour le forcer à le suivre dans sa quête en cheval / poney... Il y a du Willow dans ce nanar, mais il ne faut pas y chercher des batailles remarquables, le climax final renvoyant plutôt à une relecture  de La Guerre Des Boutons par quelques adultes attardés (dont un sosie de Frère Tuck). Vulcan Dieu du feu remplit donc parfaitement son contrat de mise en bouche. On peut donc passer la deuxième.
Le gros morceau de cette Nuit Excentrique est un film de sexploitation belge (très mal) nommé Brigade Anti-Sexe (ou Die Porno Bestie). Sorte de film Noir shooté en noir et blanc au début des années 70, il décrit les exactions d’un maniaque sexuel qui pénètre ses victimes avec des éléments d’automobile. Lassé par les appels du taquin (qui va jusqu’à lui dire qu’il est chauve au téléphone), le légendaire commissaire Jason (prononcez à la française) fait appel à une brigade spéciale. Mais il aurait mieux fait de s’y atteler tout seul car ses super-flics sont de gros poseurs qui se contentent de transporter les cadavres des victimes inconscientes en faisant des commentaires graveleux et mysogyno-morbides du type "Tu veux toucher ses petits seins froids ?" ou "Il aurait mieux fait de lui fourrer son levier de vitesse, elle aurait eu moins mal", quand il ne prennent pas la pose sur la scène du crime en fumant leur cigare. Pour ne rien gâcher, les lascars filment leurs interventions stériles alors que le commissaire Jason vient en personne y assister, débarquant souvent de nulle part tel le chef de l’inspecteur Gadget. Les scènes de crime avec dialogues audiardiens bon marché s’enchaînent comme des boucles temporelles, entrecoupées des délires du psychopathe lors de la commission de ces forfaits.
Brigade Anti-Sexe traîne un coté malsain qui aurait pu le rapprocher de C’Est Arrivé Près De Chez Vous s’il avait été possible de le prendre au sérieux une seule seconde. Joseph W. Rental, alias François Xavier Morel, se perd souvent dans des scènes qui n’auraient pas dépareillé dans un film érotique bon marché ou défiant toute logique, comme lorsque l’une des victimes, à peine remise d’un viol à la boîte de vitesse, se fait copieusement tripoter par une infirmière de l’hôpital puis se donne avec plaisir à un inconnu, avant d’accepter sans aucun problème d’être l’appât qui permettra de coincer le tueur.
Si le contexte de cette nuit était parfait pour découvrir cette OFNI, l’effet du bestiau ne doit certainement pas être le même seul chez soi.
Rejeton de la Rambosploitation des années 80, The Intruder est une bande indonésienne qui met en vedette Sambo (ou Rambu dans la V.O), ancien soldat maintenant chômeur qui a la particularité de ne pas supporter les injustices. Il se mêle donc d’affaires qui ne le regardent pas, ce qui conduit sa copine à se faire tuer, et Rambu de devoir affronter le lubrique et impitoyable Mr. White une fois rentré sous les ordres de Mr. André, qui semble avoir un passé trouble avec le premier. Il s’entichera au passage d’une jeune femme qui devra elle aussi payer pour avoir flashé sur Rambu et supporté ses insupportables phases de mutisme. Après avoir subi la passivité de Jupiter et les poses de la brigade anti-sexe, il est réconfortant de voir Samba mettre du cœur à l’ouvrage.
Le néo-zélandais Peter’O’Brian, croisement improbable entre le chanteur Michael Bolton et une endive, fait de son mieux pour faire oublier Sylvester Stallone à travers de grandes tirades et des scènes d’affrontements surréalistes. La plus impressionnante et inexplicablement longue confrontation se déroule contre une armée de taxi-triporteurs rouges qui fait étrangement penser à des collisions d’auto-tamponneuses, lorsque ces mêmes autos ne se renversent pas toutes seules dans la boue. Une scène qui n’aurait guère dépareillée avec la musique de Benny Hill en fond sonore. Le spectateur ne sera pas en reste de fusillades, mais restera sur sa faim concernant le background de Ramba (daboum), s'il désire toutefois en savoir plus.
On ne plaisante pas avec les traditions, la Nuit Excentrique était amenée à se terminer sur un film de ninjas, et pas des moindres : Ninja : American Warrior. Probablement réalisé par Godfrey Ho, le film manie une histoire confuse dans la pure tradition du deux en un. L’intrigue mélange deux métrages, établissant un pont entre les personnages par des artifices à peine croyables. Deux acteurs ne jouant pas dans le même film travailleront donc ensemble pour mettre à bas les agissements d’une association de trafiquants de drogue à Hong Kong. La courageuse flic Amazonie et son collègue Ricky donneront du fil à retordre à la dénommée Mégère tandis que notre ninja blanc de la CIA s’attaquera au gros bonnet.
L’intrigue prend de nombreuses ramifications que le montage rend bien difficiles à comprendre, si bien que les auteurs se sentent obligés de temps à autre de s’arrêter pour faire gentiment un point sur l’histoire (bien aimable à eux). L’enquête se déroule au rythme de ces explications jusqu’à ce que le ninja blanc se voit obligé d’enquêter un peu plus loin, et se retrouve nez à nez avec son ancien frère d’arme de la guerre du Viet Nam, devenu le chef sans scrupule des trafiquants. S’ensuit un long réquisitoire contre cette chienlit de guerre qui a bousillé les meilleurs d’entre eux et détruit la fierté de beaucoup d’autres ainsi que quelques flashback au Nam pour se remettre dans le contexte, comme si le polar 70’s et le film de ninja n’avaient pas suffi. Bouffer à tous les râteliers, on y prend vite goût Ho !
Lorsque le mot "Fin" arrive sur l’écran, le jour a déjà pointé le bout de son nez, et quelques nouvelles bandes-annonces attendent encore pour prolonger une nuit qui compte encore, à n’en pas douter, parmi les meilleures de l’année.