Demolition Man
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- Analyse par Cédric Belconde le 18 mars 2011
No school like the old school
Ce qu'il y a d'amusant dans la culture du divertissement, ici le cinéma, c'est que l'on peut aisément passer d'un extrême à l'autre. Par exemple le spectateur des années 2000 acclamera un Die Hard 4 politiquement correct tout en se montrant très indulgent avec son opposé, tels ces Expendables à la violence décomplexée.
Evidemment on ne peut pas faire l'impasse sur les exigences des studios qui aiment à dicter ce qui est bon ou mauvais pour le public, mais même les grands pontes d'Hollywood sont capables de passer d'un extrême à l'autre.
C'est ce qui fait de Demolition Man, un film intéressant à plus d'un titre. Tout simplement parce qu'il représente une forme de divertissement qui se fait plutôt rare de nos jours et que les thèmes abordés dans le film avaient des allures de prophétie en ce qui concerne les actioners des années 2000.
Réalisé en 1993 par un Marco Brambilla tout droit sorti de la pub, le film commence en 1996 dans un Los Angeles apocalyptique où le pire criminel de son époque Simon Phoenix (jouissif Wesley Snipes) a établi sa planque en retenant une trentaine d'otages. Très vite, John Spartan (Sylvester Stallone), que l'on surnomme le Demolition Man à cause de ses méthodes expéditives, décide d'attaquer seul Phoenix et sa bande.
Lors de l'affrontement des deux hommes, Phoenix active une bombe qui réduit le bâtiment en cendre causant la mort des otages. Suite à cette erreur de procédure, Spartan est condamné à une cryogénisation de 36 ans pendant laquelle il subira un lavage de cerveau.
Le film reprend plus tard en 2032, dans une société où la non-violence est de mise. Cependant cet équilibre va être perturbé par la décryogénisation précoce de Simon Phoenix sur qui, apparemment, le lavage de cerveau n'a pas fonctionné. Afin d'arrêter ce genre de criminel la police décide de libérer John Spartan pour lui faire face. S'en suit un gigantesque déchaînement de violence dans une société alors habituée au pacifisme et au calme.
A l'époque de sa sortie, Demolition Man avait tout de l'actioner bourrin qui faisait régulièrement un carton en salle acclamé par une large partie du public. Avec son concours de stars d'action, son côté bigger than life un peu rude et une orientation série B plutôt assumée, c'était le genre de bande encore tendance dans le paysage cinématographique des 90's. Par contre, regarder ce même film de nos jours (comprenez fin des années 2000), revient à découvrir un vestige d'un ancien temps où le politiquement correct n'avait pas sa place dans ce genre de divertissement.
Et si Demolition Man annonçait déjà les tares qu'allait subir le blockbuster d'action des années 2000 ?
Pour comprendre la suite de mon analyse, il faut avoir été un minimum habitué à des productions d'action, des moins subtiles (Commando, Cobra, Justice Sauvage) aux pointures du genre (Piège De Cristal, Rambo, RoboCop) et les comparer à la plupart de leurs héritiers des années 2000, Die Hard 4 en tête.
Le film s'ouvre sur une note plutôt violente : un Los Angeles ravagé par la guerre des gangs (les émeutes de L.A. n'étaient pas loin), le gigantesque panneau Hollywood en flamme, un ciel noir étouffé par la fumée de diverses explosions. Puis arrive John Spartan, iconisé comme tout bon héros d'action qui se doit, il arrive à vaincre à lui seul les sbires de Phoenix et on aura même droit à son sempiternel chef ronchon (le même acteur qui joue le supérieur de Riggs et Murtaugh dans L'Arme Fatale d'ailleurs) qui désapprouve ses méthodes. Mais très vite Spartan va subir un échec et sera condamné à la cryogénisation. En quelques scènes, Brambilla nous expose l'époque dans laquelle vivaient Spartan et Phoenix, un monde plutôt violent où le pire pouvait arriver.
Après le générique d'ouverture, nous voici arrivé en 2032 à San Angeles, une gigantesque mégalopole utopique où il fait bon vivre et où tout les habitants font preuve d'une candeur à la limite du ridicule. La libération forcée de John Spartan et de Simon Phoenix va bousculer donc pas mal de choses.
Si une partie du métrage repose sur le cocasse de la situation avec nos deux compères découvrant un monde à l'opposé du leur, ces derniers vont très vite montrer leur vraie nature à une société qui rejette toute violence mais aussi toute liberté.
Et c'est bien de cela dont il s'agit dans nos films d'action actuels : la censure !
CASSAGE DE COUDE ET MER JUSQU'AU COU
Lorsque que nos deux "hommes des cavernes" arrivent dans le futur, ils sont dépassés par cette ambiance ripolinée. S'ils disent un gros mot, ils reçoivent une amende pour "infraction au code de moralité du langage", alors que c'est ce qui fait le sel de tout bon film d'action. En anglais comme en français, on a le droit à une avalanche de "motherfucker, shit, fuck" et autre "enculé" qui caractérisent tant nos personnages.
Ce n'est pas tout, la cigarette est interdite, alors que Spartan réclame une "Marlboro" disparue de la circulation. L'alcool est interdit, le sexe par contact physique est interdit...
Si l'on compare tout cela à Die Hard 4 (oui, je vais souvent citer ce film), tout va dans ce sens là , John McClane ne boit pas, ne fume pas mais qu'est-ce qu'il cause ! Et pour lui, plus question de sortir sa phrase mythique "Yipee-ki-yay, motherfucker", non, la fin de la phrase est censurée par un coup de feu et cette scène fera même office de bonus pour le DVD du film. Merci à ces messieurs de la Fox. Un autre exemple me vient à l'esprit, Alien Vs. Predator (toujours produit par la Fox), où, encore une fois, la célèbre réplique "You're one ugly mother..." ne passe plus. Allons bon, même dans Demolition Man, on peut entendre une petite fille dire "Va te faire foutre" à une journaliste sous les encouragements du héros.
HÉ LUKE SKYWALKER, UTILISE LA FORCE !
Autre chose intéressante, l'omniprésence des machines et de l'informatique. On doit bien reconnaître que notre époque actuelle est régit par la technologie, et nombreuses sont les fictions qui ont sauté sur l'occasion : que ce soit des séries comme Les Experts ou encore un film comme...ah oui Die Hard 4, film censé parler à la communauté geek par son renfort de blabla technologique. Notre McClane devient un vrai Jack Bauer prêt à en découdre avec des ennemis sur-équipés.
Les policiers du futur de Demolition Man sont dépendants de la technologie, alors que Spartan clame haut et fort qu'il faut revenir "à la bonne vieille méthode". Les habitants cherchent du réconfort auprès de machine froide qui sont censée leur redonner du tonus, alors que notre héros veut du sexe à l'ancienne, "bander, baiser, faire crack crack boum boum, s'envoyer en l'air quoi".
Même Simon Phoenix sera une pauvre âme manipulée par la technologie du futur. Le docteur Cocteau, le maître de la ville et méchant de service, va se servir de lui pour l'obliger à tuer un rebelle qui ne veut pas se soumettre à son régime pacifiste et ô combien castrateur. Et bien que Phoenix sache utiliser toutes les machines du futur, s'éclater avec des armes high-tech tels que le phaser gun ou l'electricity gun, ou encore manipuler comme un chef les bolides de la police, c'est Spartan qui sera forcé de gagner, parce que lui ne fait pas confiance en ce trop plein de technologie : il utilise des armes à feu provenant d'un musée, conduit une bonne vieille voiture à essence. Cocteau reconnaîtra même que la seule chose qu'il ne "contrôle" pas dans ce futur, c'est Spartan.
La plupart des films d'action des années 2000 compensent donc ce manque de violence et de grossièreté par un renfort de technologie numérique facile sans aucune idée de mise en scène pour un spectateur qui finit peu à peu par s'habituer à cela. Regardez des films de super-héros tels que Les 4 Fantastiques ou Ghost Rider et vous comprendrez.
VIVE LES HOMMES DES CAVERNES
Pour finir, encore un dernier exemple de ce politiquement correct qui salit la plupart des ex-bonnes franchises d'action, c'est l'aspect du héros.
Dans les années 80/90, le héros d'action étaient des types comme Schwarzenegger, Stallone, Willis, Seagal, Van Damme et autre Lundgren. Bref de vraies gueules complètement en phase avec leur personnalité badass !
Le méchant était, quand à lui, était une vraie pourriture qui n'hésitait pas à tuer n'importe quel innocent quand bon lui chante. Il n'y a qu'à voir la scène ou Snipes débarque dans le musée des armes en tabassant gratuitement des passants et en flinguant le premier gus venu.
John Spartan, son nom est bien trouvé : John le spartiate, bien loin du film consensuel de Zack Snyder 300, sorti en 2005, où des hordes de spartiates en mode Dieux du Stade n'arrêtent pas de beugler, de demander la permission à leur femme pour faire la guerre ou de pleurer comme des innocentes lorsque leur fils meurt. John Spartan est troublé une fraction de seconde par la mort de sa femme et met davantage un point d'honneur à retrouver son vieil ennemi, et par la même occasion se débaucher avec la jolie fille du film, je vois pas pourquoi il s'en priverait. Voilà un vrai dur à cuire !
"- Soyez heureux !
- Soyez enculé !"
John Spartan au Docteur Cocteau
Force est de constater que lorsque l'on regarde Demolition Man maintenant, on se sent un peu comme Sandra Bullock dans le film à réclamer un peu d'action et de rêver de cette bonne vieille époque où régnait la violence décomplexée, la grossièreté gratuite, où voir le héros fumer ou boire ne tombait pas sous la coupe de la censure, où une femme nue ne signifiait pas interdire le film au moins de 16 ans... Vous me direz que tout cela n'est que du cinéma, certes, mais tout ces petits actes isolés semblent avoir été crées par des personnes désireuses de faire du politiquement correct leur étendard en fantasmant un monde consensuel où le prêt à penser nous dictera notre conduite.
Alors si Demolition Man n'est qu'un gros film de série B, on peut applaudir le fait que toutes formes de censure ne peut qu'aboutir à l'éclatement de vraies émotions humaines comme la violence.
Et comme dans le film, il aura fallu attendre un vieux de la vieille pour nous offrir de l'action pure et dure, ce qu'a fait Stallone avec The Expendables, monument de l'action made in 80's à la violence outrancière pour nous rappeler que, oui, la grossièreté et la violence peuvent être amusantes et appréciables.
On ne saura jamais vraiment si Marco Brambilla sentait le vent tourner pour ce genre de divertissement à l'époque tout comme on ne saura jamais comment fonctionnent ces trois foutus coquillages ! Mais quand un actionner de SF nous fait prendre conscience de l'évolution malsaine des mÅ“urs, on ne peut que le féliciter.   Â
DEMOLITION MAN
Réalisateur : Marco Brambilla
Scénario : Peter M. Lenkov, Robert Reneau, Daniel Waters
Production : Joel Silver & Howard Kazanjian
Photo : Alex Thomson
Montage : Stuart Baird
Bande originale : Elliot Goldenthal
Origine : USA
Durée : 1h55
Sortie française : 2 février 1994
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