Sur Ecoute - Saison 5
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- Série TV par Guénaël Eveno le 6 mai 2009
La grande illusion
Contraint de consacrer une grande part de son budget à l’éducation, le maire Carcetti réduit les fonds des services de police de Baltimore, occasionnant un non paiement des heures supplémentaires et des conditions de travail qui se dégradent.
Un ras-le-bol général se fait entendre. Un an a passé depuis la découverte des vingt-deux cadavres dans les vacants et la Major Crimes suit toujours Marlo dans l’espoir de résoudre l’affaire, mais sans grand succès. Carcetti perd l’appui du FBI en ne leur livrant pas le sénateur escroc Clay Davis. Il se voit contraint de dissoudre la Major Crimes en ne laissant que Lester et Sydnor pour coincer Davis. Lester se consacre ainsi à ce qui pourrait être l’affaire politique de sa carrière mais ne lâche pas Marlo. Ce dernier profite de la situation pour accélérer son ascension : il marche sur les plates bandes de Proposition Joe en essayant de se rapprocher du Grec, profite de sa liberté pour continuer à faire le ménage chez les autres membres de la Coop et sort Omar de sa retraite. Malgré la protection de son ami Michael qui a rejoint Chris et Snoop dans les basses besognes de Marlo, Dukie ressent de plus en plus son inutilité dans les corners. Au Baltimore Sun, le journaliste Gus Haynes suit le glissement de son journal par les restructurations et la montée en flèche d’un jeune ambitieux qui est prêt à tout pour doper sa carrière. Bubbs vit dans le sous-sol de sa sœur et fréquente un groupe de junkies anonymes mais son trauma l’empêche de se réhabiliter totalement.
McNulty rumine sur les promesses qui l’ont fait revenir à son poste et reprend ses mauvaises habitudes au détriment de son couple. Son retour aux homicides après la dissolution de la Major Crimes et l’impossibilité de recevoir une aide de quiconque pour coincer Marlo, Chris et Snoop sera la goutte d’eau qui le fera fabriquer de toutes pièces un tueur en séries s’attaquant aux SDF. Ainsi lui et Lester pourront obtenir les équipes dont ils ont besoin pour résoudre l’affaire des vingt-deux cadavres. Le Baltimore Sun se retrouvera vite complice de la spirale infernale que ce mensonge occasionnera.
Nous avons passé quatre saisons à écouter le pouls de Baltimore, recensant les impasses liées au jeu et vivant au rythme des acteurs de la ville. Première récompense du fidèle pour cette cinquième et dernière, la mémoire de Sur Ecoute fonctionne à plein régime. Ainsi les auteurs n’hésitent pas à rappeler l’anecdote du flagrant délit de McNulty au bordel pour mieux nous replonger dans la saison 2 et accompagner le mouvement de Marlo vers le Grec. On y revoit aussi au travers d’une scène les anciens ayant marqué l’histoire de Sur Ecoute et qui ont survécu à la plume exigeante des scénaristes (Avon, Poot, Nick Sobotka…).
C’est une saison un peu tronquée par HBO qui, selon Ed Burns, fait perdre quelques nuances à la série. Il estime que trois heures de plus auraient été parfaites pour éviter des raccourcis mais nous n’aurons au final que dix épisodes, dont un bouquet final dément d'une heure et demie. Dix épisodes et demi dans lesquels les événements s’emballent et ne laissent pas de repos au spectateur, chaque scèneétant aussi puissante que celles des avant-derniers épisodes "made in Pelecanos" des saisons précédentes. Mais ce n’est pas pour autant que les scènes sont boostées artificiellement, ni que l’abondance tue leur effet respectif. Le rythme interne des scènes et le soucis du détail restent intact. La conclusion tient ses promesses, respectant l’équilibre entre le bouclage en bonne et due forme de chaque personnage et l’intrigue qui guide la saison.
Que reste-t-il encore à dire lorsque tous les chaînons de commandement et les acteurs de la société ont été passés en revue ? Il y a heureusement encore des questions en suspens, et cerise sur le gâteau de plusieurs étages, David Simon s’accorde enfin à traiter la presse, le "quatrième pouvoir", la seule vue qui nous manquait pour avoir un tableau complet de la ville de Baltimore (et pouvoir "lire entre les linges"). Plus qu’une nouvelle couche, en expliquant les carences du Baltimore Sun, Sur Ecoute dévoile dans cette saison 5 la profession de foi de son auteur et la raison d’être de la série.
NEWSPAPER SHEEEEEEEIIT!
“The pond is shrinking. The fish are nervous. Get some profile, won a prize, maybe find a bigger pond somewhere. (...) For them it’s what this is all about. I’m too fucking simple minded for that. I just want to see something new everyday and write a story with it”
Gus Haynes
Si la saison 4 sur l’éducation était celle d’Ed Burns, celle-ci appartient à David Simon. Le co-créateur de la série sait de quoi il parle lorsqu’il nous ballade dans les locaux du Baltimore Sun, et pour cause, il y a traité des homicides pendant de nombreuses années. Après avoir tiré la sonnette d’alarme sur le jeu, ses conséquences et sur le trucage conscient de la vérité, il était temps de répondre à la question : pourquoi personne ne réagit ? La réponse de Simon est sans appel : les médias n’éduquent pas le public sur les phénomènes perçus comme trop complexes, et ce même public croyant aveuglément ce qu’on lui dit, tout ce qu’on a vu dans Sur Ecoute n’existe pas.
Comment nos chers journalistes en sont-ils arrivés là ? Les journaux sont en crise et le Baltimore Sun est un des premiers à en faire les frais. Il existe une course au profit qui donne moins de places pour l’information (85% des ressources proviennent de la publicité) et comme chez nous, Internet concurrence dangereusement la feuille. Loin de l’image idéale d’un journalisme régulateur des excès des puissants et qui contribua, faut-il le rappeler, à mettre à jour le Watergate, cette saison décrit une rédaction dans laquelle les pontes ont le dernier mot, où l’information n’est pesée que par son impact (on se fout de ceux qui sont morts dans le ghetto) et où on s’assied sur les sources quand il plaît.
Cet état des lieux ne date pas d’aujourd’hui. La falsification dans la presse était encore plus présente dans le passé alors qu’elle n’était même pas punie. Mais elle s’accompagne aujourd’hui de cette crise qui envoie voler les valeurs sûres. Lors d’un plan de restructuration, les plus compétents et informés sont licenciés pour faire des économies, laissant la place à une main d’œuvre plus jeune et à meilleur prix. On envoie ainsi voler le capital et les liens bâtis avec les sources par les vieux loups tels que Twigg, vétéran responsable des homicides (!) et on évite les investissements sur le long terme qui ont pourtant prouvé leur efficacité. C’est à travers Gus Haynes, (campé par Clark Johnson, éternel détective Lewis de Homicide et réalisateur de certains épisodes de la série) que nous explorons ce microcosme.
Gus est secrétaire de rédaction, donc symboliquement le gardien du temple. Intègre et perfectionniste, il est prêt à ne pas dormir une nuit par peur de la coquille (on fait aussi ça à L’ouvreuse) (ndsr : hein ?). Lorsqu’on a suivi durant quatre annnées la série, on connaît l’obsession de David Simon pour le détail et le parallèle paraît d’autant plus évident. Le co-créateur de Sur Ecoute est un mix entre Haynes et Twigg. Un parallèle achevé lorsque le secrétaire de rédaction n’hésite pas à rappeler à ses confrères qu’ils ont besoin de contexte pour traiter le problème des écoles, chose que Simon n’a pas manqué de rappeler dans les saisons précédentes. Le supérieur de Haynes lui rétorque qu’ils ne veulent pas d’une "série insipide détaillant les malaises de la société", mais du Dickensien, quelque chose qui puisse accrocher le lecteur. Il ajoute qu'en contexte, l’histoire serait moins intéressante mais beaucoup plus utile car moins lue. Du contexte, on en a eu durant cinq ans de Sur Ecoute, et les auteurs ont réussi à rendre toutes ces histoires passionnantes, faisant par la même mentir ce discours de mise à niveau des salles de rédaction. Il reste cependant beaucoup de bons journalistes tels que la jeune Alma et cette saison décrit une rédaction vivante qui n’hésite pas à se remettre en question. Mais comme ces gens ne tiendront pas les rênes, la situation est autant amenée à perdurer que pour les autres institutions visitées par la série. Les plus impliqués seront condamnés à l’exil ou à la stagnation car la presse est un peu le quatrième larron, un autre élément du jeu.
Ainsi le plus grand falsificateur du lot, l’ambitieux Scott Templeton, verra son étoile briller lorsqu’un mystérieux tueur en série de SDF arrivera en ville, lui-même étant loin de se douter qu’un autre menteur lui sert la soupe. Au lieu de la dévoiler la grande illusion créée par McNulty, la presse contribuera à la colporter.
LE BON, LA BRUTE ET LE MENTEUR
"The bigger the lie, the more they believe"
Bunk Moreland
Comme le veut la coutume de la série, la première scène annonce les ambitions de la saison : ici un test bidon sur une photocopieuse détecteur de mensonge à ses heures introduit le thème de la manipulation de la vérité pour parvenir à ses fins. Par une analogie limpide, on nous compare le système des flics pour obtenir des aveux et son implication dans le monde réel pour obtenir des résultats. Faut-il se mettre dans l’illégalité pour duper les escrocs ? Que faire quand on doit coincer le pire salaud qui existe ? Et si quelqu’un pouvait mentir à bon escient pour obtenir un résultat rendu impossible par les institutions ? L’intrigue de cette saison sera un mensonge, avec la complicité du spectateur. Une façon d’insister une fois de plus sur l’illusion entretenue et le rôle de chacun dans le maintien de celle-ci.
Posons d’abord le contexte. La dissolution de la Major Crimes faute de moyens lance le coup d’envoi d’un retrait de la surveillance de Marlo. Les corners redeviennent des zones de non droit, un western total où tous les coups sont permis. Le petit roi et son armée n’ont plus de liens et il peut supprimer un à un ceux qui se mettent au travers de son chemin. Mais quelqu’un va décider de mettre fin à cette situation. Ce quelqu’un c’est notre irlandais Jimmy McNulty. Bien sagement retiré avec Bea et ses enfants dans la saison 4, il revient ici plus en forme que jamais et fidèle à sa légende. Lassé des concessions qui ont dû être faites et de l’impasse sur l’enquête des vacants, il décide d’exploser les règles et se lance à son tour dans le western. L’espace d’une saison, Marlo contrôlera la rue et McNulty contrôlera la police, le premier ayant toujours un flingue d’avance et le second un plus grand mytho dans sa besace.
Parvenant à duper les médias et la mairie, McNulty obtient des heures supplémentaires et du matériel. L’espace d’une poignée d’épisodes, il devient la bonne fée des homicides qui distribue les heures comme on distribue des pains. Sur ce postulat, cette saison 5 offre de nombreux grand moment dans lesquels lui et Lester se laissent aller à une irresponsabilité teintée de génie : les débats des deux flics seuls au monde pour donner vie à leur imposture en fonction de leurs besoins, l’appel à Scott Templeton au Baltimore Sun, McNulty qui essaie de faire passer son histoire du ruban rouge pour obtenir une réaction de son collègue sur une ancienne affaire, la méthode débrouille pour se fournir les corps, ce moment anthologique où les "guignols" du FBI chargés du profilage du faux tueur font le portrait complet de son créateur, qui les écoute, bouche bée.
Malgré le plaisir qu’ils prennent à la décrire, les auteurs ne sanctifieront en aucun cas cette initiative, montrant à quel point elle peut devenir incontrôlable. McNulty et Lester nuiront à une enquête de Greggs sur un triple meurtre lié à Marlo et à l’enquête de Bunk sur les vacants. McNulty gâchera aussi sa grande chance en replongeant dans ses excès au détriment de son couple. La découverte de la vérité par les arroseurs arrosés causera bien des vexations. Faut-il dévoiler le mensonge ou trouver un autre mensonge plus gros pour couvrir le mensonge rendu nécessaire par le jeu ? Dans une scène en ascenseur montrée en vue subjective où l’on suit McNulty et Daniels, ce dernier fait comme si de rien n’était face à l’ampleur de la supercherie alors qu’il bouillonne de l’intérieur. Cette scène résume à elle-seule l’imposture gigantesque de l’administration.
La vérité officielle sera un mensonge de plus. Au centre de ce western, on ne pouvait pas conclure convenablement sans faire revenir Omar. Marlo le fait sortir de sa retraite en supprimant Butchie, et il se retrouve une fois de plus engagé dans une vendetta, brandissant sa croix et son code moral si spécial à la face du monde. Dans sa tragédie, Michael K. Williams bouffe l’écran comme jamais, et si Omar n’est guère épargné, son chemin de croix côtoie sa légende dans les rues de Baltimore, le rendant presque immortel. Chacune de ses scènes imprimera longtemps la rétine. Trois grandes figures de hors-la-loi s’engageant au-delà du jeu pour faire monter très haut le suspens et les enjeux de cette saison. Est-ce bien suffisant dans une ville où la machine est toujours plus forte que l’homme ?
VIVRE ET MOURIR A BALTIMORE
"World is bigger than that. This is what they tell me"
Dennis "Cutty" Wise
Les auteurs de Sur Ecoute ne se sont jamais privés d’exposer la tragédie de leurs personnages, enfermés dans cette ville et contraints d'y finir leurs jours. Dans la saison 1, Wallace fuyait Baltimore pour finalement revenir y mourir, lançant le début d’une longue série de maudits. En roulant vers Washington, Bodie avouait qu’il n’avait jamais quitté la ville et Cutty tournait en rond à sa sortie de prison. Ce lien indéfectible à Baltimore servait tant la tragédie installée par Simon et Burns que nos jeunes suivis dès la saison 4 devaient fatalement le rencontrer.
La fatalité se poursuit dans cette saison avec le retour d’Omar qui avait gagné sa place au soleil dans la saison précédente, avec la fuite avortée de Proposition Joe, mais surtout par la continuation de l’histoire de Michael et de Dukie, deux de nos quatre adolescents de la dernière salve en date. L'errance de Dukie à la recherche d'une place dans la rue est un des fils rouges de la saison. Son talent est son intelligence, mais il ne peut l'utiliser dans le cadre des corners et de cette ville. Il finit par se confier à Cutty (la seule scène du porte-flingue repenti, mais quelle scène !) qui lui dit que tout ne dépend pas de ce qu’on fait dans la rue sauf si on est dans la rue, mais ce n’est pas la seule façon d’être. Quand le jeune homme lui demandera comment il peut passer de Baltimore au reste du monde, Cutty n’aura pas de réponse à lui fournir car malgré le chemin parcouru, il ne la connaît pas. Michael sera quand à lui confronté à sa conscience et il se rendra compte que le rôle qu’il avait pris à la fin de la saison 4 n’est peut-être pas fait pour quelqu'un de sa trempe. Mais on ne s’engage pas dans cette voie sans mettre sa vie en jeu.
L’un des bienfaits collatéraux de l’illusion de McNulty est qu’elle permettra de mettre un coup de projecteur sur les SDF qui peuplent les rues de Baltimore. Une parfaite occasion pour continuer de suivre Bubbs, incarnation de ces oubliés de tous et illustration (pour changer !) du chemin du retour vers la dignité. Un article lui permettra de franchir le seuil de la maison de sa sœur, une symbolique très forte pour ce personnage qui n'a pas été gâté par le destin. La rédemption de Bubbs se déroule en même temps que la chute de Dukie. Ce n’est pas un hasard, comme ce n’est pas un hasard si les scènes les plus émouvantes de la saison (l’aveu de Bubbs sur Sherrod et la dernière scène entre Michael et Dukie) sont réservées à ces deux oubliés du système, certainement les personnages les plus attachants crées par les auteurs.
LES HOMMES PASSENT... LE JEU CONTINUE
"The tree that doesn’t bend breaks"
Marla Daniels
Que reste-t-il des promesses de réforme de la saison 4 ? Pas grand chose, pas même l’illusion que des bribes soient entretenues. Carcetti se retrouve face aux difficultés d’un maire, incapable de tenir les promesses faites à Daniels et à la ville. Déjà handicapé par le choix cornélien d’attribuer son budget aux écoles au grand dam de la police, il se tire une balle dans le pied en briguant le poste de gouverneur.
Cette saison est aussi celle dans laquelle Clay Davis se trouve acculé par un Lester qui joue sur tous les tableaux. Le sénateur ne pouvait qu’être un des points d’ancrage d’une étude approfondie du mensonge car il en est le maître. Sur le point de couler, il se bat pour rester dans leur jeu, quitte à utiliser les médias et à lever ses sympathisants. Il semble que Davis soit un adepte de la phrase de Bunk suscitée quand il se prend à la barre pour un Robin des Bois moderne alors qu’il s’enrichit sur le dos de la ville sous les applaudissements de tous : un exemple très actuel du fossé entre l’homme politique et ce qu’il transmet. Dans un monde où l’image est plus importante chaque jour et où les médias ne jouent pas vraiment leur rôle, il suffit de savoir communiquer pour se sortir de toutes les situations. Les citoyens ont une responsabilité dans le choix de leurs dirigeants, mais si personne ne les aide à décoder le vrai du faux, comment cette responsabilité peut-elle pleinement s’accomplir ? Dans ce cas, la loi des chiffres continue de tout régir et le vote enrichit le jeu. Les mécanismes du pouvoirs n’ont jamais été omniprésents que cette année, Burrell négociant son retrait avec l’ambitieuse Nerese, Rawls attendant dans l’ombre son heure de gloire, Valchek poussant tranquillement. Dans les hauts cercles, on ne parle que d’alliances et de garanties. L’avocat Lévy blanchît l’argent de la drogue, corrompt le Grand Jury et entre dans les secrets de la police par l’intermédiaire d’un Herc fraîchement privé (ce qui nous vaut un clin d’œil à sa caméra perdue lorsqu'il croise Marlo chez Lévy). Bâtie sur le mensonge, la promotion de Cedric Daniels le fera entrer dans ce cercle et il n’aura d’autre solution que de coopérer ou partir sans avoir eu la possibilité de réformer le jeu.
Les hommes ont changé mais ils continuent d’être manipulés par la grande machine. Malgré les espoirs placés dans le nouveau maire, l’administration Carcetti rejoint finalement l’administration Royce dans le cercle infernal de la médiocrité. La boucle est bouclé est le cercle se referme pour repartir pour un tour.
Comme un très bon roman, on reconnaît une très bonne série à la manière dont la conclusion dévoile le sens de l’œuvre, établissant le tout comme un ensemble différent de la somme de ses parties. Les dernières minutes de Sur Ecoute sur le morceau Way Down In A Hole sont à l’image du final de Six Feet Under sur le Breathe Me de la chanteuse Sia, à la fois puissantes et éclairant rétrospectivement toute la série. Pas besoin d’en dire plus, de faire quarante saisons, car tout ce qui pourrait être encore dit est contenu dans ce final. Sans qu’on se rende compte, les personnages roulaient déjà vers leur destin. On peut imaginer quel sera leur futur, évaluer le chemin parcouru, et surtout revoir la série sous un autre angle. A la lumière de l’œuvre, le chemin des quatre gamins de la saison 4 n’en sera que plus poignant, comme nous apprécierons les événements de la saison 1 comme le début d’une longue saga contant la naissance d’un monde, son développement, la venue d’un espoir et la continuation de ce monde. Une des plus grandes sagas de gangsters de notre époque, une tragédie moderne d’une rare puissance, la réunion inespéré de grands auteurs du polar contemporain et surtout un nombre incroyable de parcours se croisant, peut-être la plus belle galerie de personnages jamais vu dans une série TV.
HAIL TO THE KINGS!
“Brother when you were good. You were the best we had!”
Jay
Lorsque Gus Haynes lance sa tirade sur la presse (première citation), on le montre devant cette phrase de H.L Mencken gravée sur les murs du Baltimore sun : "As i look back over a mispent life, i had myself more and more convinced that i had more fun doing news reporting than in any other enterprise. It is really the life of kings”
David Simon et Ed Burns illustrent ici toute l’ambition du journaliste. Par opposition aux puissants de la série dont le but était d’arriver coûte que coûte au plus haut quelqu’en soit le sacrifice, mes véritables rois sont ceux qui aiment et servent leur métier. Il fallait que cette citation soit associée à Haynes / Simon, car à la lumière de l’œuvre menée sur ces cinq années, l’affirmation ne se limite pas à un seul corps de métier. Sur Ecoute est une élégie à ces hommes et femmes exceptionnels qui tentent de survivre dans la jungle urbaine et de donner le meilleur dans le rôle qu’ils ont choisi de prendre au quotidien, ces gens qui méritent qu’on parle d’eux plus que les vrais puissants. Le cheminement de tous ces personnages fait le sel de Sur Ecoute et on ne pourrait en enlever aucun sans porter atteinte à l'intégrité du show : les élucubrations de McNulty et son chemin vers la rédemption, l’histoire de Kima Greggs, l’enquêtrice des stups' qui a finalement trouvé sa place aux homicides, de Lester le limier imperturbable, de Bunk Moreland le détective intègre et besogneux, de la progression digne d’un flic de la rue comme Carver, de Prez l'investigateur devenu professeur, de Cutty et sa salle de boxe ou bien du consciencieux Sydnor, héritier illégitime de McNulty. Sur Ecoute a su porter aux nues ces personnages et croiser leurs parcours comme aucune autre série n'a su le faire auparavant. La proximité accordée à chacun d'entre eux est remarquable car elle a su également en créer une parrallèle avec la ville. C’est pour cela que l’enterrement final sonne comme une grande partie de rigolade entre potes et qu’on a bien du mal à quitter Baltimore à l’issue de ces cinq ans.
Une bien belle scène conclut un épisode de la saison : on y voit Kima et son fils Elijah à la fenêtre dire bonsoir à toute les habitants de Baltimore. Elle montre avec l'absence de grandiloquence et l'efficacité propre à la série à quel point Simon et Burns aiment Baltimore et ceux qui la composent, malgré tout les maux qu'ils ont pu lui attribuer. En gage de cette affection, Ils l'ont montrée pendant cinq ans telle qu'elle était et pas telle que les puissants avaient décidé qu'elle soit. Un dizaine d'Emmys ou un Pulitzer auraient été insuffisants pour récompenser ce travail mais eux ne demandent qu'une chose : que leur oeuvre puisse occasionner sur le spectateur une prise de conscience des véritables problèmes. Alors allions l'utile au plaisir, acquérons les coffrets des cinq saisons pour redécouvrir ce monument et le faire aimer au plus grand nombre. "Yes we can!"
THE WIRE - SEASON 5
Réalisation : Clark Johnson, Anthony Hemingway, Dominic West, Seith Mann, Agnieszka Holland, Dan Attias, Joy & Scott Kecken, Ernest Dickerson
Scénario : David Simon, Ed Burns, David Mills, Richard Price, Dennis Lehane, William F. Zorzi
Producteurs exécutifs : David Simon, Ed Burns, Joe Chappelle, Nina K. Noble
Photo : Russell Lee Fine, Dave Insley
Interprètes : Dominic West, Clarke Peters, Wendell Pierce, Seth Gilliam, Domenick Lombardozzi, Deirdre Lovejoy, Lance Reddick, Clark Johnson, Jermaine Crawford, Tristan Wilds, Michael Kenneth Williams, Andre Royo, Tom McCarthy...
Origine : USA