Masters Of Horror - Saison 2

La mort nous va si bien

Affiche Masters of Horror 2

"Ils reviennent d’entre les morts !" Tel est l’aphorisme adéquat qui pourrait précéder l’annonce de cette nouvelle livraison de la série Masters Of Horror. L'attente du premier arrivage nous avait fait baver d'exaltation mais le résultat avait refroidi une grande partie des spécialistes du genre. La faute incombait peut-être à une saison trop irrégulière divisant fans et profanes.


Mais il est bon de rappeler que le concept relève plus de l’exercice de style que de l’œuvre mûrement réfléchie puisque l’intention première est d’adapter un scénario avec limitation de format (une heure environ), de budget et de temps. Il est donc important de souligner que sur l’intégralité de ces "essais" certains peuvent se targuer d’avoir donné poliment des leçons à certaines productions ciné que l’on doit endurer en salle.

La première saison a donc ranimé un enthousiasme jusqu’à présent léthargique chez certains nostalgiques en offrant le retour fracassant de figures emblématiques tels que John Carpenter, Dario Argento ou Stuart Gordon mais aussi la consécration de certains auteurs envers le genre grâce à leurs contributions (Takashi Miike et Lucky McKee en tête).
Il est aussi intéressant de retrouver dans une majorité d'épisodes une thématique intéressante, décortiquant avec plus ou moins de finesse les mécanismes du comportement féminin (les épisodes de Coscarelli, Argento et McKee en sont les meilleurs exemples). Ce sujet, involontairement approché ou pas, enrichissait l’intérêt de cette série. Un autre thème récurent est abordé dans cette nouvelle cuvée, mais cette fois de manière plus abstraite et par conséquent plus riche, car s’agissant de la perte de l’autre et ses conséquences. On découvre ainsi différentes tentatives de qualités et de teneurs dissemblables, prouvant par ailleurs que la série a atteint une certaine maturité tout en conservant sa singularité, dues sûrement à un grand nombre de récidivistes : Carpenter, Argento, Dante, Gordon, Landis et Hooper  rempilent (Garris aussi mais ça étonne autant que ça motive), pour le meilleur et pour le pire.

Pour le pire, avec John Carpenter avec son Pro-Life à première vue intéressant. Mettant en scène un Ron Perlman campant un extrémiste religieux qui prend d’assaut une clinique pour récupérer sa fille étant à terme d’un enfant très spécial, cet opus est une énorme déception. Alors que Cigarette’s Burns symbolisait avec pertinence les motivations artistiques du prêtre de l’horreur, Pro-Life mêle maladroitement sa filmographie (de The Thing au Prince Des Ténèbres en passant par Assaut) et présente de manière caricaturale l’extrémisme religieux.
Les motivations sont pourtant claires mais une impression de travail bâclé se fait ressentir et Big John de nous livrer un opus creux et anecdotique. Dommage pour un réalisateur qui aurait bien voulu réaliser "La fin absolue du monde".

Masters of Horror 2
 

Pas découragé, Mick Garris poursuit sa quête de reconnaissance et tente d’adapter une nouvelle de Clive Barker. Pari presque réussi avec Valerie On The Stairs, car même si le réalisateur-producteur réussit à donner du corps à son histoire, pourtant déjà vue, d’écrivain voyant son œuvre prendre vie (lorgnant parfois sur Lecture Diabolique), il rate une fois de plus sa cible en négligeant certains aspects techniques, les effets et les personnages donnant un aspect grand guignol déplacé à l’ensemble malgré la présence d’un Christopher Lloyd sous exploité qui fait tout de même plaisir. Une nouvelle tentative manquée mais moins insupportable que Chocolate.

Idem pour Tobe Hooper, qui semble bien avoir déserté le camp. The Damned Thing,  relatant l’histoire d’un village dont la population s’entretue, n’est pas sans rappeler Stephen King. Mais cinquante minutes sont plus qu’insuffisantes pour développer un récit qui ne mène… à  rien. Le scénario est complètement englouti au milieu de scènes inutiles et des figures systématiques de la réalisation, moins abondants que dans Dance Of The Dead malgré tout. Reste une intro bien expéditive et quelques plans gores mais tout laisse supposer que Hooper a vendu son talent dans un vide grenier.

De son côté, John Landis, qui jalouse l’épisode Jenifer de Argento, a décidé de ne plus snober la production et tente enfin de surprendre en nous pondant Family, un épisode heureusement très éloigné de son premier. Il n’hésite donc pas à prendre modèle sur les élites en livrant un métrage plus sanglant, décrivant, non sans une bonne dose d’humour noire, l’histoire d’un serial killer très particulier qui tente de se reforger sa propre famille en utilisant les squelettes des victimes qu'il a au préalable repérées. Mais son idéal sera perturbé par l’emménagement d’un nouveau couple en face de chez lui. En détournant les clichés des séries conservatrices (qui a dit Sept A La Maison ?) et ses codes (acteurs, musiques et photographie), Family devient un portrait sympathique et satirique de l’idéal américain, dont le final, bien pensé, brise sans finesse un genre ultra codifié, quitte à perdre en profondeur.

Stuart Gordon, lui, est insortable. Il se complaît une fois de plus, dans son style si personnel mais de manière plus diluée pour Black Cat, inspiré librement de l’œuvre de Poe, où l’auteur lui-même est le principal protagoniste, se retrouvant confronté à sa folie créatrice. Les connaisseurs reconnaîtront aisément la patte (de chat ?) du créateur de Re-Animator malgré la retenue. Si l’ensemble peut paraître parfois laborieux, l’aliénation croissante de l’écrivain joué par l’acteur fétiche de Gordon est bien menée. La conclusion, prévisible mais tellement évidente, clôture (ndlr : oui, vaut mieux pour une conclusion) cet épisode en laissant bonne impression.

Masters of Horror 2
 

Dario Argento, qui avait surpris son monde avec le mémorable Jenifer, change un peu de cap avec Pelts, conscient qu’il tient avec Masters of Horror un moyen de libérer ses pensées les plus glauques. Prince du giallo attendu au tournant, Argento livre un exercice encore plus épuré que son premier ouvrage, où les séquences d’automutilations extrêmes s’enchaînent sans discontinuer (on dirait presque une compilation best of), avec une sauvagerie rarement atteinte dans un programme télévisé. Son histoire de peau de bête éveillant la culpabilité et la faiblesse de chacun d’entre nous n’est qu’un prétexte pour le réalisateur de Suspiria, qui cherche surtout à choquer son monde. Le propos idéaliste est donc rapidement mis à l’écart pour laisser place à l’horreur pure désamorçant un peu  la dramaturgie (encore faut-t’il la trouver), mais le résultat aussi surprenant que repoussant force le respect, et Argento ravive notre foi pour la suite de Inferno.

Il en est de même pour Joe Dante, qui continue grâce à la série à assouvir son besoin de dénoncer les travers de notre système. Son pamphlet contant la propagation d’un virus provoquant chez l’homme des réactions nuisibles à la femme prend la forme d’un portrait sévère sur la misogynie et les rouages des relations hommes/femmes (ça aurait bien colle à la première saison), tout en se permettant de mettre en avant le caractère primitif de l’homme. Loin de ses délires habituels, le créateur de Gremlins joue la carte du pessimisme teinté d’une once d’ironie. Si la mise en scène et le rythme pêchent par manque de moyen, la conclusion clairvoyante revalorise l’épisode et le classe parmi les meilleurs de la saison. Dante est pour le moment le plus constant et le plus appréciable de la confrérie.

Alors que les récidivistes se lâchent et réussissent à créer des surprises (pas forcément agréables), les néophytes tentent aussi de se démarquer, autant sur les intentions que sur l’approche de leurs projets, si bien que notre mécontentement devenir important.

La palme revient à Ernest Dickerson, qui nous avait pourtant surpris avec son sympathique long métrage des Contes De La Crypte : Le Cavalier Du Diable, série B plutôt efficace. Il change ici de registre et nous filme un V Word orienté vers une sorte d’hommage intimiste contant l’histoire d’un jeune vampire torturé par sa condition qu’il tente de renier. Cela commence plutôt bien, avec un air rétro kitch assumé et une volonté d’éveiller notre nostalgie, mais passé le premier tiers ce clone bâclé des Frontières De L’Aube se prend un peu trop au sérieux et le sur-jeu constant de Michael Ironside, dont la seule présence suffit souvent à sauver les meubles, finit par affaiblir l’intérêt, et ce malgré les quelques séquences de frousses et une poignée de plans gore. Cet épisode est sans nul doute le plus insignifiant de la saison.

Mais The V Word est talonné par Dream Cruise, réalisé par le représentant asiatique du groupe, Norio Tsuruta, qui a bien du mal à faire oublier l’épisode de Miike. Sa ghost story teintée de thriller surnaturel rappelle trop les œuvres qui l’ont inspiré. Ce traitement peu excitant d’une fusion culturelle de spectres tient plus de la foire que du symbolisme. Il n’apporte rien à un genre qui n’en avait de plus pas besoin, si ce n’est un hommage plus respectueux et surtout moins débilitant.
 
Toutefois, des hommages plaisant, il y en a et We All Scream For Ice Cream en fait indubitablement partie. Tom Holland n’essaie à aucun moment d’épater la galerie et construit son épisode autour d’une trame très simplifiée mais pourtant efficace lorsqu’il utilise les figures imposées de l’horreur. Cette vengeance de clown vendeur de glaces croquemitaine (ça c’est de l’entité maléfique) n’est en aucun cas sérieuse ni prétentieuse. Construit de la même manière que le Ça télévisé, distillant une atmosphère comique et gore mêlant maladroitement les Freddy et autres Killers Klowns From Outer Space, l'opus d'un Holland bien conscient de la faible teneur de son sujet enfile donc clichés, personnages grossiers et séquences crades avec un enthousiasme débordant (à la manière de ses précédents films). Un épisode loin d’être parfait mais pourtant très attachant.

Masters of Horror 2
 

Une bonne dose de délire décomplexé se fait aussi ressentir à la vision de The Washingtonians. Peter Medak, qu’on n'attendait pas vraiment dans ce domaine (La Mutante 2), narre l’histoire d’une famille confrontée à des partisans cannibales de George Washington voulant récupérer un document compromettant sur ses pulsions carnivores. Avec un pitch aussi tordu (pour ne pas dire Z), difficile de ne pas céder à la farce et Peter Medak l’a bien compris, remplissant hardiment sa tâche, livrant un épisode très décalé, loin de l’horreur au sens propre mais dont l’esprit satirique lorgne franchement vers l'incontournable Matt Groening. Un final chaotique clôture ce "Master Horror Show", le dernier plan assez cocasse symbolise d'ailleurs à lui seul le ton de ce métrage faible mais amusant.

Pour Rob Schmidt, c’est un autre problème. Traitant le fond de son sujet avec le plus grand sérieux dans Right To Die, il applique une mise en scène classique de série B. On le préfère largement lorsqu’il a carte blanche, car sa contribution s’amuse à disserter sur l’euthanasie à travers l'histoire d'un homme (interprété par Martin Donovan) confronté à la probable perte de sa femme, mortellement blessée suite à un accident de voiture. Si la durée ne suffit pas pour aboutir à un propos abouti, Schmidt exploite toutes les facettes du genre (il n’est pas avare en effusions de sang et érotisme), réussissant à insérer à plusieurs reprises des métaphores subtiles. Son essai est transformé lors d’un final chargé en symboles, à la fois touchant et souriant, exprimant de manière poétique la vie de couple. On espère que le réalisateur de Détour Mortel réitèrera ce genre d’œuvre dans un proche avenir.

Masters of Horror 2
 

Pour terminer, la palme d’honneur revient sans conteste à Brad Anderson, qui affine son style et maîtrise de plus en plus ses ambiances dans Sounds Like, qui se révèle être un véritable exercice de style sur la perception du son et ses conséquences sur le comportement. A la manière de McKee, l’auteur du Machiniste fait de la récupération. Fidèle à son thème de prédilection, la culpabilité, omniprésente dans ses deux derniers films dont il conserve la structure, tout en utilisant le son comme narrateur. Le résultat est déroutant même si on ressent qu’Anderson a dû être freiné par les contraintes imposées par la production. Son personnage au système auditif  perturbé, sans que l’on sache pourquoi, est exploité avec profondeur (les autres intervenants ne sont que très secondaires), le final oscillera entre l’expérimental et le psychologique, mélange risqué qui porte pourtant ses fruits.

Dans l’ensemble, la saison 2 se révèle bien plus intéressante, accumulant un lot de grosses déceptions et d’agréables découvertes, mais tendant surtout vers une plus grande diversité dans les tonalités, ce qui éveille forcément notre curiosité.
Le prochain rendez-vous est déjà fixé vu que Showtime a refilé la bête à Miramax. Une nouvelle qui effraie car le budget et les règles risquent de changer et d’enlever tout le charme de ce programme unique. Si Garris a de forte chance de refaire partie de la fête, il n'est rien de certain pour les autres. La seule chose que l’on puisse espérer et qu’ils ne vendent pas leurs âmes au diable, à moins que ce soit lui le véritable maître de l'horreur.


The Damned Thing
Réalisation : Tobe Hooper
Scénario : Richard Christian Matheson
3/10

Family
Réalisation : John Landis
Scénario : Brent Hanley
6/10

The V Word
Réalisation : Ernest Dickerson
Scénario : Mick Garris
1/10

Sounds Like
Réalisation : Brad Anderson
Scénario : Brad Anderson
7/10

Pro-Life
Réalisation : John Carpenter
Scénario : Drew McWeeny & Scott Swan
3/10

Pelts
Réalisation : Dario Argento
Scénario : Matt Venne
7/10

The Screwfly Solution
Réalisation : Joe Dante
Scénario : Sam Hamm
8/10

Valerie on the Stairs
Réalisation : Mick Garris
Scénario : Mick Garris
4/10

Right to Die
Réalisation : Rob Schmidt
Scénario : John Esposito
6/10

We All Scream for Ice Cream
Réalisation : Tom Holland
Scénario : David J. Schow
5/10

The Black Cat
Réalisation : Stuart Gordon
Scénario : Stuart Gordon & Dennis Paoli
6/10

The Washingtonians
Réalisation : Peter Medak
Scénario : Richard Chizmar & Johnathon Schaech
6/10

Dream Cruise
Réalisation : Norio Tsuruta
Scénario : Naoya Takayama
2/10




   

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