Wolf Creek 2
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- Critique par Nicolas Zugasti le 11 mai 2015
Taylorisme meurtrier
Terminé depuis 2013, et d'ailleurs présenté en clôture du PIFFF de cette même année, Wolf Creek 2 débarque enfin chez nous. Une sortie directe en vidéo vraiment regrettable tant des représentants du genre aussi visuellement léchés se font rares sur grand écran.
Depuis le formidable Solitaire et son croco géant en 2008, le talentueux Greg McLean peinait à revenir derrière une caméra. Il n'avait pourtant pas totalement disparu puisqu'on le retrouvait en 2011 à la production du remarquable Red Hill de son compatriote Patrick Hughes (qui a commis depuis une erreur de parcours avec Expendables III), dont la parenté thématique avec McLean est indéniable. Et c'est avec plaisir mais aussi une certaine crainte qu'on le retrouve dirigeant une séquelle de son premier long-métrage, l'impressionnant Wolf Creek. Un double retour réjouissant car McLean a su créer une nouvelle figure de l'horreur particulièrement intrigante avec Mick Taylor, le boogeyman de l'outback, d'autant que le cinéaste évite parfaitement l'écueil de la redite en proposant une orientation différente. Certes il y a toujours ces touristes parcourant les étendues magnifiques de l'Australie avant de se faire cueillir par Mick (il faut bien renouveler son cheptel) mais puisque la menace est connue, impossible de jouer sur la surprise et l'ambiguïté (aussi bien du personnage que des événements, vécus comme dans un cauchemar éveillé) sur lesquelles reposait le premier volet.
Dès lors, le film va entièrement se borner à suivre le parcours de ce redneck psychopathe à la poursuite de ses proies souillant le sol de son pays adoré. Et c'est à un véritable show Mick Taylor auquel nous avons droit, car grâce au talent de son interprète, l'épatant John Jarratt, Wolf Creek 2 évite de sombrer dans le cynisme et le second degré, parvenant à jouer avec brio sur la corde raide entre humour et horreur graphique afin d'instiller l'effroi. Si, comme les touristes malmenés, on peut avoir tendance à sous-estimer Taylor et ricaner sous cape de son allure de demeuré, ses actions nous rappellent toujours avec fracas qu'il doit être pris très au sérieux.
Reprenant les éléments qui ont fait la renommé du premier opus, Greg McLean s'amuse à les imbriquer différemment afin d'altérer notre confort de visionnage puisqu'en s'ingéniant à mettre son tueur en vedette, il oblige incidemment à partager son point de vue. Le panneau de présentation, exactement le même que dans Wolf Creek, alerte que peu des milliers de disparus dans l'arrière pays sont retrouvés, ce qui instaure une familiarité qui va être mise à mal dès la séquence pré-générique qui suit. Pas de trekkers perdus dans l'immensité désertique du bush australien mais une patrouille de police qui, pour tuer l'ennui, décide d'asticoter le seul véhicule dans les environs. Dommage pour eux, c'est celui de Mick Taylor.
Une entrée en matière remarquable car face à cet abus de pouvoir caractérisé, nous avons tendance à prendre fait et cause pour la "victime" et à se réjouir des sanglantes représailles. Le ton est ainsi donné, l'action sera plus gore et décomplexée. Ce que l'on perd en ambiance pesante est compensé par une approche frontale où va pouvoir s'exprimer pleinement la dangerosité du tueur. Néanmoins, Wolf Creek 2 n'use pas exclusivement des éclaboussures et sait œuvrer dans un registre plus décalé. Notamment par l'usage intradiégétique de musiques rythmant les actions de ce taré, que ce soit The Lion Sleeps Tonight retentissant dans l'auto-radio du camion avec lequel Taylor percute de malheureux kangourous ou lorsqu'il élimine un couple de vieux fermiers au shotgun au son de la valse de Strauss Le Danube bleu, jouée intégralement dans sa tête. Ce qui renforce une proximité malsaine et déstabilisante avec cet équarrisseur, seuls le spectateur et Mick entendant ces airs.
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Véritable croquemitaine hantant les contrées désertiques visitées par des randonneurs, Mick Taylor incarne la sauvagerie de cet arrière-pays. Et McLean de reprendre le sillon déjà tracé par le premier Wolf Creek puis Solitaire en mettant en scène la confrontation entre les représentants de l’urbanité et de la ruralité, du profane et du sacré, du civilisé et du sauvage. Car Mick défend âprement son territoire. Comme face à ce couple de jeunes voyageurs allemands dans une succession de scènes progressant de l'inquiétant au Grand Guignol. Et lorsque la petite amie s'enfuit, le film change de braquet et Mick de centre d'intérêt : la jeune femme traumatisée est récupérée par un étudiant anglais qui va de fait devenir la nouvelle cible. Imperceptiblement, le film s'oriente alors vers un développement plus cartoonesque, Mick Taylor jouant le rôle du coyote et l'étudiant celui de Bip Bip. Le redneck va alors s'amuser à poursuivre sa pauvre victime en usant de moyens renvoyant à d'évidentes références cinématographiques, comme lorsqu'au volant d'un poids-lourd il rejoue à sa manière le Duel de Spielberg. La tonalité générale est donc diamétralement différente, on pourrait même dire complémentaire.
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Sous ses allures de spectacle rigolard sans véritable assise narrative, cette suite bénéficie tout de même d'une certaine progression dramatique qui prendra son essor au moment de la confrontation dans l'antre du démon, impressionnant lieu que McLean parvient à rendre particulièrement oppressant. Et tout en prenant bien soin de ne pas marcher sur des plates-bandes déjà visitées, Wolf Creek 2 renoue subtilement avec son modèle ; comme dans le premier opus, on note que la bascule définitive dans l'horreur s'opère par le biais d'un fondu au noir qui intervient très précisément à chaque fois au deux tiers du film.Â
Wolf Creek 2 est certes moins probant et marquant que les deux premières œuvres de Greg McLean mais offre tout de même énormément de réjouissances, notamment dans sa manière de dépeindre son brutal anti-héros. En tout cas, voici un bon palliatif pour patienter jusqu'au prochain projet du réalisateur australien, 6 Miranda Drive, thriller supernaturel avec Kevin Bacon et Radha Mitchell, avant un prochain volet des aventures de Mick Taylor.
WOLF CREEK 2
Réalisateur : Greg McLean
Scénario : Greg Mc Lean & Aaron Sterns
Production : Helen Leake, Greg McLean, Silvio Salom, Steve Topic...
Photo : Toby Oliver
Montage : Sean Lahiff
Bande originale : Johnny Klimek
Origine : Australie
Durée : 1h46Â
Sortie française : 7 avril 2015 en DTV