Semi-Pro
La main au panier
On en était venu à se demander ce qui pouvait susciter chez les distributeurs un tel rejet des films où Will Ferrell faisait le guignol. Comique reconnu et adulé dans son pays, l'acteur est ici un parfait anonyme et pâtit régulièrement des sorties techniques inexplicablement répétées pour chacune de ses apparitions.
Aussi le plaisir fut-il intense lorsque Ô miracle, Semi-Pro s'afficha sur plus d'une centaine d'écrans dans nos contrées cyniques et coincées. Ça n'a l'air de rien au premier abord, mais en l'état actuel des choses, éviter de faire la fine bouche est déjà une avancée en soi.
Il faut dire que l'humour du bonhomme est encore loin d'être universel. Rarement basé au dessus de la ceinture mais toujours adepte d'un comique de situation aussi absurde que débile (et par conséquent jouissif), les conneries de Will Ferrell ont tout, conjuguées à l'aura comique de leur auteur, pour faire fuir la clientèle arriérée et bien-pensante (ceux qui aboient au blasphème à l'entente du mot "bite" peuvent dores et déjà vendre leur ticket et aller revoir Bienvenue Chez Les Ch'tis). Bref, les éclats de rire se font rarement attendre et finalement, on n'en demande pas plus. Malheureusement, ses nouvelles aventures au temps de la ABA auront eu beau nous conquérir d'avance, le potentiel en amont d'un tel projet se retrouve bien malgré nous entaché de gags sympathiques mais anti-novateurs pour finalement ne révéler qu'un honnête divertissement, bien loin du jubilatoire Les Rois Du Patin qui avait anéanti nos zygomatiques il y a quelques mois.
Sur fond d'Amérique funky des années 70, Kent Alterman et son scénariste Scot Armstrong livrent un show décalé à souhait dans lequel Will Ferrell ne manque pas de se livrer à fond dans l'outrance, ce qui est suffisamment aguicheur en soi pour faire oublier le manque d'audace et de génie de péripéties qui ne brilleront pas par leur originalité. En sus d'un univers sportif sous-exploité, qui au final ne sert que de prétexte au festival de portnawak (là où Les Rois Du Patin l'explorait dans ses moindres recoins), certaines bonnes idées auraient peut-être méritées d'aller plus loin dans l'absurde (le concours de lancer francs, l'ours...) mais demeurent malgré tout assez grotesques pour accompagner la dose de non-sens émaillant les dialogues du métrage. En parfait accord avec les conventions propres à ce sous-genre qu'est la comédie sportive - dépassement de soi et compagnie – Semi-Pro retranscrit cette atmosphère disco avec brio qui achève notre opinion sur la sympathie du film. Woody Harrelson, décidément à l'aise dans tous les registres (il faisait récemment partie des forces de l'ordre dans Bataille A Seattle) et André Benjamin, le chanteur d'Outkast, rendent la vie dure à un Will Ferrell pourtant habité, mais moins omniprésent que dans ses précédents films.
Vous l'avez compris, si vous avez crachés vos poumons devant Ricky Bobby et vous êtes étouffés avec Anchorman, la déception sera de mise. Demeure malgré tout un spectacle rétro extrêmement sympathique, parfait chapiteau pour un Will Ferrell toujours aussi déjanté.
SEMI-PRO
Réalisateur : Kent Alterman
Scénario : Scot Armstrong
Production : Jimmy Miller, Joshua Church, Michael Aguilar…
Photo : Shane Hurlbut
Montage : Debra Neil-Fisher
Bande originale : Theodore Shapiro
Origine : USA
Durée : 1h31
Sortie française : 14 mai 2008