Cold In July
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- Critique par Guénaël Eveno le 10 juin 2014
Pères et impairs
Après avoir abattu un cambrioleur, un père de famille consciencieux et respectable glisse dans un univers de peur, de violence et de faux-semblants.
Dès son deuxième long, Stake Land, Jim Mickle décrivait un monde où régnait la sauvagerie. Sous des dehors contemplatifs et mélancoliques, Stake Land montrait la violence brute des vampires et humains qui peuplaient son Amérique post-apocalyptique. Le rapport entre Mister le chasseur et le jeune Martin, ainsi que le point de vue omniprésent de ce dernier, coloraient paradoxalement le film d’un grand humanisme, une sorte d’espoir dans le chaos.
Puis vint We Are What We Are, remake amélioré d’un film de cannibales peu recommandable qui porta à un point de rupture l’adjonction du contemplatif et de l’horreur sans véritable point d’ancrage affectif. Comme ce fut le cas pour John Hillcoat (La Route, auquel Stake Land fut souvent comparé) qui partage cet intérêt pour le chaos et la contemplation, Mickle pouvait prétendre à une reconnaissance critique. Mais malgré la beauté plastique de ses bandes et leur force symbolique, le jeune cinéaste demeurait handicapé par le genre qu’il avait élu, cloisonnant son succès aux festivals de fantastique.
Son incursion dans le film Noir pourrait bien changer la donne. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes cette année, Cold In July est l’adaptation d’une nouvelle de Joe R. Lansdale, auteur de Bubba Ho-Tep et Jonah Hex. Mickle et son inséparable acteur/co-scénariste Nick Damici (le Mister de Stake Land) en tirent logiquement un film pessimiste et violent mais toujours porté par le point de vue de l’innocent projeté dans un monde qui n’est pas le sien.
Cold In July déroute, ouvrant des voies qu’il emprunte en fait peu pour mieux explorer un traitement qu’on n’aurait pas soupçonné. Le récit débute comme un thriller paranoïaque : Richard Dane (Michael C. Hall) tente de défendre sa famille contre les conséquences d’un acte de légitime défense. Russel (Sam Shepard), le père de sa victime, être insaisissable, veut se venger. Etouffante, cette première partie nimbée de notes carpenteriennes et d’apparitions fantomatiques confirme l'attachement du réalisateur au fantastique. Le choix de Michael C. Hall pour interpréter Dane se révèle de plus déterminant par la complicité développée avec les spectateurs à travers Dexter. Aussi différent soit son personnage, la familiarité nous le fait aussitôt adopter comme pivot central de l'histoire. Â
Mais cette première partie dissimule un tout autre intérêt, car c’est vers James Ellroy que Mickle lorgne par la suite avec la réunion de trois personnages d’horizons divers amenés à opérer leur propre justice. Le réalisateur n'y manque pas de dénoncer la brutalité policière, le port d’armes à feu et les failles du système judiciaire américain, mais s’intéresse surtout aux faiblesses de ses personnages, notamment chez Russell qui a pour son fils un rapport qui confine plus à la propriété qu'à l'affectif. Un intérêt pour les névroses de ses personnages qui n'empêche pas quelques notes d’humour sur les particularités de son trio d’enquêteurs, allégeant considérablement la noirceur de ce Cold In July. Un compromis qui rend cette descente aussi attachante que l’était la traversée de Stake Land, toute proportion gardée de par la gravité de son sujet.
COLD IN JULY
Réalisation : Jim MickleÂ
Scénario : Jim Mickle & Nick Damici d'après Joe R. Lansdale
Production : Daniel Wagner, Rene Bastian, Adam Folk, Joe R. Lansdale, Linda Moran...
Photo : Ryan Samul
Montage : John Paul Horstmann
Bande originale : Jeff Grace
Origine : USA
Durée : 1H49
Sortie française : 24 décembre 2014