Green Room

Entre chiens et loups

affiche green room

Le festival de Cannes 2015 est rangé aux archives mais la Quinzaine des réalisateurs a laissé des traces. La plus surprenante vient cette année de l'auteur de Blue Ruin.


Un groupe de punk part sur la route pour un important concert mais une fois sur place le contact leur dévoile un plan foireux. Tentant de se racheter, il leur transmet l’adresse d’une salle de concert dans laquelle ils pourront se remplumer, un club tenu et fréquenté par des néo-nazis. Après un show teinté de provocations, l’un des musiciens est témoin d’un meurtre en coulisses. Ils n’ont alors pas d’autre choix que de s’enfermer sur place. Car à l’extérieur, les proprios et les membres du mouvement sont bien décidés à en finir avec les témoins gênants, quitte à ramener l’artillerie lourde. La nuit promet d’être infernale...

Green Room

Il y a deux ans, Jeremy Saulnier bousculait la Quinzaine avec Blue Ruin, deuxième long-métrage du réalisateur (après un Murder Party toujours inédit), revenge movie au goût de néo-Noir sélectionné au pied levé qui souffla par la suite les spectateurs de nombreux festivals. Ce succès offrit à Blue Ruin une exploitation tardive en France, plutôt restreinte, mais tout laissait présager que le nom de Saulnier frapperait plus fort. Green Room reprend ce background néo-Noir malsain pour le confronter cette fois frontalement au survival avec une approche physique en quasi huis-clos et une atmosphère claustrophobique à des contrées du moindre repos. 
Loin de prendre prétexte du milieu punk rock/metal underground pour installer un film de survie lambda, Green Room en est imprégné corps et âme. D’une reprise bien sentie des Dead Kennedys à des références habilement intégrées aux dialogues et aux décors, Saulnier, qui a grandi dans le milieu et joué dans plusieurs groupes, développe son intrigue dans le détail. Mais plus que d’investir intelligemment un territoire peu exploré au cinéma, tout ceci appuie la crédibilité du film et de l’action. Saulnier laisse délirer sa bande de punks sans les prendre de haut, nous n'aurons donc pas de sur-caractérisation comique ni de jeu de massacre second degré, mais à ce qui s’apparente bien au cauchemar d’une bande de gamins, au demeurant sympathiques, capables de réactions qui font sens dans la situation à laquelle ils sont confrontés. La brochette de jeunes acteurs, menée par Anton Yelchin (Terminator Renaissance, Odd Thomas), Alia Shawkat (Maeby de Arrested Development) et Imogen Poots (le récent Broadway Therapy) soutient avec honneur ce niveau de crédibilité.

Green Room

Green Room évite également de se complaire dans le gore comme de nombreux survival ont pu le faire ces dernières années. A l’instar d’un Peckinpah, Saulnier sait rattacher la douleur à la violence. Elle apparaît brutalement, dure peu, et occasionne des dégâts tout aussi brutaux. La tension soutenue et ces partis pris de réalisme radical placent le film dans la continuité des survivals des années 70/80. L'auteur et son équipe ne prendront toutefois pas la route des Chiens De paille, d’Assaut ou de La Colline A Des Yeux en misant sur le hors-champ, développant d’entrée un affrontement qui donne accès aux deux camps. Il en ressort une menace à visage humain d’autant plus dérangeante qu’elle est personnifiée au plus haut lieu par le taulier du rade incarné par Patrick Stewart, qu’on a connu plus altruiste dans le rôle du Professeur Xavier. Ces hommes extrêmes sont, comme dans Blue Ruin, bousculés par des histoires privées à l'origine d'un enchaînement de situations incontrôlables, doublées ici de choc idéologique. Confrontant ses punks au chaos guerrier et au besoin impérieux d’une aide policière, Saulnier se garde bien de juger, éludant tout discours politique au profit d’une confrontation de l’instant dont l’issue n’est à aucun moment prévisible. Une confrontation qui fait ressortir les aptitudes et la volonté de chacun des protagonistes, et dévoile ce qu’ils ont acquis au-delà de leur groupe d’appartenance.
Green Room ne fera pas de quartier et convaincra sûrement les sceptiques face à la langueur de Blue Ruin que Jeremy Saulnier a sa place parmi les réalisateurs les plus prometteurs du moment.


Green Room sera diffusé au Forum des images le dimanche 7 juin 2015 dans le cadre de la reprise de la Quinzaine des réalisateurs.


GREEN ROOM
Réalisation : Jeremy Saulnier
Scénario : Jeremy Saulnier
Production : Anish Savjani, Neil Kopp, Victor Moyers, Macon Blair
Photo : Sean Porter
Montage : Julia Bloch
Bande originale : Brooke Blair & Will Blair
Origine : USA
Durée : 1h34
Sortie française : 27 avril 2016




   

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