Au Bout De La Nuit + La Personne Aux Deux Personnes
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- Critique par Nicolas Zugasti le 30 juin 2008
L'aaamour du risque...
Rassurez-vous, pas de couple Hart à l’horizon mais un bon petit polar hard boiled. Rien de mieux pour ce refaire la cerise (ça et une bonne despé !) après la désillusion du dernier Romero. Sacré risque aussi quand le film en question est une adaptation d'un scénario d'Ellroy par le scénariste de Training Day et S.W.A.T, David Ayer.
Les écrits du maître du polar noir d’ébène sont difficilement transposables à l’écran, voir le raté Le Dahlia Noir de De Palma. Pourtant, c’est pas ce qui va effrayer Ayer dont c’est le deuxième film (après un premier essai, le méconnu et intéressant Bad Times). Petit coup de gueule contre ce titre français tout pourri qui fait plus penser à une pub pour un parfum qu’à un ilm sévèrement burné. Le titre original, Street Kings, étant beaucoup plus évocateur. Sans doute faut-il y voir une volonté de capitaliser sur le succès critique du film de James Gray La Nuit Nous Appartient… Les voies du marketing seront décidément irrémédiablement et à jamais impénétrables !
Tom Ludlow est le meilleur flic de la ville de Los Angeles. Le plus timbré et le plus violent aussi. Un chien fou qui ne se remet pas du traumatisme causé par la perte de sa femme et dont l’attitude auto-destructrice en fait le meilleur candidat aux missions suicides mise au point par le chef de sa section (Forest Whitaker, impérial. Comme d’hab’). Mais quand son ancien coéquipier se fait salement dessouder dans une supérette (une exécution ahurissante de violence, même hors-champ), les choses changent. Afin de laver les soupçons pesant sur lui et surtout retrouver et punir les responsables, Tom va devenir le grain de sable d’un engrenage bien près de lui péter à la gueule.
C’est sanglant, c’est très violent (le sauvetage de deux fillettes prisonnières de sud-coréens est assez hallucinant), c’est parfois assez glauque et mis à part les personnages féminins, il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Interprétation solide, on retiendra celle de Chris Evans qui après sa performance dans Sunshine de Boyle prouve qu’il vaut cent fois mieux que ce blaireau de Johnny Storm, une atmosphère pesante et une réalisation énergique.
Ayer doit beaucoup aimer The Shield car il en emprunte certains codes visuels (caméra portée, multiples gros plan, décadrages…), les lieux (les quartiers chaud de south L.A., les gangs qui y pullullent), la structure de la strike team de Vic McKey et jusqu’à un de ses interprètes, Forest Whitaker. Bref, on navigue en terrain connu. Un peu trop balisé parfois tant certains clichés abondent et on se dit que l’esprit de Ludlow doit être sacrément embrumé pour pas voir qu’il se fait enfumé de tous les côtés. Mais ne faisons pas la fine bouche, s’il n’est pas aussi travaillé que le génial La Peur Au Ventre de Wayne Kramer, Au Bout De La Nuit est très efficace et sans concession. On aurait aimé que la main-mise du pouvoir politique sur l’action dans la rue soit plus développée mais en restant constamment aux basques de son maverick, Ayer rend son film d’autant plus intense. Adaptation mineure, mais film réussi.
Gros regret, qu’ils aient adapté le scénario au Los Angeles contemporain quand on sait qu’à l’origine, l’action se déroulait après les émeutes raciales de 1992. Sachant que David Fincher, Oliver Stone ou Spike Lee étaient pressentis à la réalisation, on se dit que l’on est passé près d’un sacré brûlot contestataire.
Pas parfait mais sacrément revigorant, de quoi se remettre d'aplomb et partir à l'attaque d'un autre film risqué vu le concept casse-gueule sur lequel il repose. Le titre est déjà tout un programme : La Personne Aux Deux Personnes.
Les réalisateurs Nicolas et Bruno, auteurs des hilarants Messages A Caractère Informatif reviennent avec une comédie qui a du style (Jean-François Style !) où ils organisent la rencontre, que dis-je, le télescopage de l’humour de les nNls, du héros veberien et du monde enchanté de la COGIP.
Jean-Christian Ranu (Daniel auteuil) est un comptable timoré et renfermé travaillant depuis 19 ans (il va bientôt les fêter) à la COGIP. Son entreprise, sa seule famille.
Tout change le jour où descendant manger son sandwich jambon/beurre, il se fait renverser par le 4x4 du has-been des eighties Gilbert Gabriel (énorme Alain Chabat).
Dès lors, Ranu va devoir cohabiter avec l'esprit de ce chanteur mort, ce qui va générer des gags et une profonde évolution.
Si l’on retrouve l’univers singulier de la COGIP fait de décors, de vêtements et de coiffes datées seventies, de minitels et autres archaïsmes, en revanche la verve habituelle des auteurs ne s’extirpe que trop rarement. Si le rapprochement avec l’humour Nul est plutôt logique et fonctionne pas mal même en sourdine, le personnage de Ranu tout droit sorti du Placard de Francis Veber parvient avec difficulté à servir de lien. Sans doute aurait-il fallu moins s’appesantir sur l’inadaptation sociale de Ranu et jouer à fond la carte du délire. Le rêve où Ranu et Gabriel démastique, tout de blanc vêtus et en chantant ( !), les employés de la COGIP, laissait augurer d’une fin cataclysmique. En un sens elle l’est mais à un degré plus personnel, plus intime.
D’ailleurs, Nicolas et Bruno étonnent par leur parti-pris d’une peinture finalement assez authentique de la vie d’entreprise (z’ont dû être cadres dans une filiale de la COGIP quand ils étaient petits) et en parvenant à rester maître de leur récit. On ne peut que saluer leur jusqu’au -boutisme et la chute finale vraiment très drôle.
On retiendra surtout du film des séquences marquantes (la visite médicale, la composition de hits sur un Bontempi dernière génération que-sans-connaître-le-solfège-on-y arrive-quand-même, la présentation d’un bilan financier qui se termine par un hymne à la gloire de la COGIP, entre autres) et un emploi de la caméra subjective qui renvoie ce cher Romero à ces chères études !
Et non, ce n’est pas une attaque gratuite.
Une comédie drôle (ne riez pas ! Avec ce qu’on s’est tapé depuis le début de l’année, c’est déjà énorme !) et divertissante qui peine malgré tout à retrouver le charme des Messages A Caractère Informatif. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce film décalé, à l’humour très fin, avec un regard compatissant et plein de tendresse sur tous ces freaks sociaux, est à découvrir, vite.
Allez hop, j'Y ret...
Ah ben non, c'est fini pour moi cette année. Que voulez-vous, la vie de famille m'a rendu moins endurant que dans mes vertes années...
Courage au reste de l'équipe qui risque sa santé mentale à chaque instant. Heureusement que l'antidote Speed Racer est à portée de main...
STREET KINGS
Réalisateur : David Ayer
Scénario : Kurt Wimmer & Jamie Moss d'après le roman de James Ellroy
Production : Lucas Foster, Erwinn Stoff, Alexandra Milchan…
Photo : Gabriel Beristain
Montage : Jeffrey Ford
Bande originale : Graeme Revell
Origine : USA
Durée : 1h49
Sortie française : 25 juin 2008
LA PERSONNE AUX DEUX PERSONNES
Réalisateur : Nicolas & Bruno
Scénario : Nicolas & Bruno
Production : Alain Chabat
Photo : Laurent Dailland
Montage : Reynald Bertrand
Bande originale : Nicolas Errèra
Origine : France
Durée : 1h27
Sortie française : 18 juin 2008