Terminator 3 - Le Soulèvement Des Machines

He’ll be back to the future

Affiche Terminator 3 - Le Soulèvement Des Machines

Douze ans après un jugement dernier évité de justesse, le terminator revint sur les écrans tenir sa promesse mais sans James Cameron pour présider à sa destinée. Crime de lèse majesté ? Pas du tout ! Car revoir sur son home cinema Terminator 3 - Le Soulèvement Des Machines n’est pas qu’un bon moyen de tester le rendu sonore de ses enceintes !


A la fin de Terminator 2, Le Jugement Dernier, Sarah Connor retrouvait la foi dans l’Humanité grâce au sacrifice du T800 qui, en se plongeant dans une cuve de métal en fusion, neutralisait la création de Skynet et du même coup empêchait tout retour du cyborg-star. Mais c’était sans compter sur l’opiniâtreté de Mario Kassar et Andrew Vajna qui après avoir bâti sur les vestiges de leur firme disparue Carolco leur nouvelle boîte de production C2, parvinrent à récupérer les droits de la saga des mains d’un Cameron refusant catégoriquement de ranimer son exosquelette aux yeux rougeoyants.

A l’annonce de la mise en chantier d’un troisième Terminator, le fan commençait à rêver de voir se concrétiser un développement conséquent des visions dantesques d’un futur apocalyptique où l’Homme tenterait de survivre à la Machine telles que façonnées et évoquées avec parcimonie et force par les deux premiers films. Le fan commençait même à devenir dingue d’impatience à la perspective d’enchaîner pratiquement dans la foulée par un quatrième opus. Ah ça, ce serait autre chose que l’incompréhensible tambouille philosophico-pouêt-pouêt des Wachowski. Mais le fan commença sévèrement à douter lorsque se succéda une cascade de nouvelles laissant présager du pire : absence de Cameron derrière la caméra, qui de fait entraînera la défection de Linda Hamilton, arrivée en lieu et place du maître du monde de Jonathan Mostow, solide artisan alors auteur des efficaces mais pas non plus renversants Breakdown et U-571 et chargé de filmer un scénario co-écrit par John Brancato et Michael Ferris, un duo responsable de pas grand-chose jusque là (en tout cas rien de mémorable) mais coupable tout de suite après du script de Catwoman de Pitof ! A peine annoncé, voilà que le projet sent déjà le sapin (pour ne pas dire sous les aisselles).

Dix ans après avoir empêché l’apocalypse, John Connor (Nick Stahl parvenant sans mal à faire oublier Edward Furlong), désormais orphelin, vit dans la peur d’être de nouveau la cible de robots venant du futur et se réfugie dans l’anonymat (pas de carte bleue, pas de vie sociale, pas d’attache pour ne pas laisser de traces) pour échapper à un destin intimidant. Mais il se rappelle à lui sous les formes plantureuses d’une Terminatrix (Kristanna Loken) chargée d’éliminer ses futurs lieutenants puisque lui demeure indétectable. Parmi les victimes potentielles du courroux machinique figure Kate Brewster (Claire Danes), une vétérinaire appelée à devenir une fière guerrière et dont Connor va croiser par hasard la route. Seule l’arrivée d’un T800 permettra de redonner un semblant d’équilibre aux forces en présence. Mais face à la puissance de la terminatrice, la seule solution reste la fuite éperdue vers l’inéluctable…

Terminator 3 - Le Soulèvement Des Machines
 

Malgré les réserves légitimes engendrées par le choix de placer Mostow à la barre, il s’avère que Terminator 3 est finalement un digne successeur qui renoue en outre avec la noirceur dépressive et l’urbanité du premier tout en constituant un écho respectueux du second par le biais de rappels plus ou moins subtilement intégrés : le T800 conserve sa programmation de ne tuer personne comme le confirme un scan ne faisant apparaître aucune victime après une altercation musclée avec des flics, une scène commune dans un paysage désertique permettant de faire le point et le plein d’armes avant le climax, même accoutrement en cuir du T800 ici arraché à un chippendale se produisant dans un bar ce soir-là réservé aux filles au cours d’une séquence lolesque en diable (regards concupiscant de l’assistance féminine à l’entrée d’un Schwarzy nu, ce dernier s’adressant ensuite à la main du strippeur avant d’enfiler une paire de lunettes rose en forme d’étoiles du plus bel effet - sic - Eh, j’avais bien précisé plus ou moins subtilement !), la Tx reprenant les caractéristiques liquides du T1000… Autant de reprises donnant l’impression d’interférences dans le cours de l’avenir, un déraillement marquant indubitablement et discrètement le retour vers une ligne temporelle que l’on pensait inopérante depuis la fin du précédent épisode.

Sans ostentation ravageuse, Mostow parvient à tisser des liens entre les trois récits et renforcer la cohérence de la mythologie. Ce qui est loin d’être le cas du reboot sorti l’année dernière s’apparentant plus à une bisserie italienne friquée qu’à une véritable renaissance(sans compter le catastrophique désordre narratif causé par l’oubli gênant d’éléments inhérents à la saga : Connor découvre avec stupéfaction l’existence d’un robot fait de chair et d’acier à l’effigie de Governator, entre autres pitreries). Mostow se révèle comme l’option la plus judicieuse car le réalisateur a l’intelligence de ne pas se mesurer à Big Jim sur son propre terrain d’expérimentations, conscient qu’il endosse un costume a priori trop grand pour lui. Il le ramène donc à une taille plus modeste certes mais pas moins efficiente. La poursuite mettant en jeu un camion grue, une camionnette, des voitures de police et un camion de pompier dans les rues de Los Angeles est tout simplement incroyable de tension et de lisibilité. Alors que Cameron en 1984 et surtout en 1991 révolutionnait (déjà) le médium en faisant du développement technologique et technique un des éléments déterminants de la narration, Mostow, lui, déploie plutôt son talent dans une réalisation plus classique mais tout aussi ambitieuse dans sa manière de fusionner effets digitaux et prises de vues réelles (les doubles numériques des Terminators lors de cette poursuite sont indétectables).
Pas d’angles tarabiscotés ou de mouvements d’appareils vecteurs d'émotions, ce qui n’empêche pas la fluidité et l’énergie de scènes d’action spectaculaires, Mostow adopte une réalisation plus fonctionnelle que celle de Cameron pour illustrer un pitch improbable afin de le rendre crédible, prenant soin de définir avec précision situations et personnages sans avoir recours à de longs tunnels explicatifs inutiles. Voir à ce titre la manière d’amener progressivement la compréhension qu’un virus informatique de grande ampleur se développe dans cette société réticulaire en nous montrant d’abord le dysfonctionnement des appareils les plus communs (lignes téléphoniques H.S, lecteur de code barre), introduisant ensuite la super Intelligence Artificielle Skynet conçue par l’Armée et dont la prise de contrôle serait l’ultime solution pour endiguer la menace informatique, puis enfin la vision des prototypes robotiques, aperçus au cours de la sublime séquence cauchemardesque ouvrant le film, maintenant en train de s’autonomiser (un état que l’on comprend lorsque la lueur verte rassurante d’un œil d’automate vire à la couleur rouge menaçante). Une prise de conscience d’un soulèvement des machines qui va de pair avec la prise de conscience de John Connor quant à son rôle à jouer maintenant et plus tard.

C’est d’ailleurs cette harmonisation entre morceaux de bravoure incroyablement excitants (la poursuite dans L.A, les confrontations entre le T800 et la Tx dont se détache l’affrontement brutal dans les toilettes) et préoccupations intimistes qui donne sa valeur à cette séquelle qu’il convient de considérer comme une véritable plus-value à l’univers crée par Cameron et pas comme un film de S.F d’action explosif mais anecdotique. Terminator 3 se montre même plus réussi que le deuxième en termes de caractérisation, Mostow et ses scénaristes centrant cette fois-ci les enjeux autour d’un John Connor, torturé, dépressif et refusant d’assumer son statut de futur messie. Le film n’hésite pas à s’octroyer des instants plus calmes au milieu du tumulte ambiant voire carrément au cœur de l’action pour de surprenantes révélations (Kate est la future femme de John, le T800 aujourd’hui à ses côtés est celui qui l’a tué ou le tuera…) et surtout permettre des échanges qui approfondiront les rapports entre Kate et John.

L’absence de Sarah Connor, loin d’être rédhibitoire est même admirablement contourné par le personnage de Kate Brewster qui s’affirme au fur et à mesure du récit comme un personnage similaire possédant le même type de caractère en acier trempé. Il faut donc plutôt parler d’une présence diffuse presque fantomatique comme le laisse à penser la découverte du tombeau de sa mère. Plus que tout flashback voire flashforward désignant son enseignement, ses renseignements comme un poids trop lourd à porter, Mostow nous montre l’espace d’une séquence mémorable de violation de sépulture l’héritage de violence qu’elle lègue à son fils et contenu dans ce cercueil vide de tout cadavre mais remplit d’armes de toutes sortes. Pour s’en sortir, John Connor devra s’y plonger bien malgré lui (au propre comme au figuré : il trouve une échappatoire en s’introduisant entre ces quatre planches pour se protéger des balles) mais sa renaissance en homme d’action ne sera pas immédiatement effective.

Terminator 3 - Le Soulèvement Des Machines
 

Iconoclaste héros d’action, John Connor l’est d’autant plus qu’il se débat en pure perte pour retrouver une liberté d’action irrémédiablement condamnée par un futur tissant sa toile inextricable. John Connor subit, survit, s’enfuit, autrement dit passe son temps à réagir plutôt qu’agir (c’est Kate qui se saisit d’une arme à terre pour dégommer le robot fonçant sur eux depuis l’autre bout du couloir).
Du moins jusqu’à ce que la possibilité d’anéantir Skynet lui soit donnée. Ou plutôt qu’il ne se l’imagine, l’interprète d’après les dernières paroles prononcées par le père de Kate agonisant. Car le but premier du T800 était certes de protéger Kate et le futur leader de la résistance mais surtout de l’amener à passer de la réaction à l’action. Ce qu’il fait en toute fin en saisissant le micro-récepteur. Le T800 n’est qu’un agent du déterminisme à l’œuvre depuis les débuts, oublié et neutralisé un temps dans Terminator 2, qui revient ici en force pour soumettre la volonté de John Connor. Il est condamné à mener la bataille et Terminator 3 est une succession d’évènements devant l’amener à en prendre conscience et surtout l’accepter de gré ou de force. C’est là que réside la puissance de ce film injustement sous-estimé, avoir su détourner les codes et motifs du blockbuster estival pour livrer une fiction plus complexe et risquée qu’il n’y paraît, demeurant en phase avec un univers créatif préexistant. Un film reposant sur le combat de sentiments humains récusant naturellement l’idée d’une fatalité, d’une causalité insupportables. Une lutte incarnée à merveille par ce cyborg sans cesse de retour, une figure représentant tout autant le fantasme d’une puissance incommensurable et d’une vie éternelle comme la peur de l’éradication de toute humanité (voir le visage défiguré du robot de chair, image qui traversera - et définira ? - la saga).
Effectivement, c’est la détermination qui définit la démarche des terminators mais Terminator 3 souligne peut être plus qu’aucun autre film de la trilogie leur terrifiante mission consistant moins à truffer de plomb Sarah Connor, son fils ou ses futurs alliés qu’à déposséder l’humanité de son libre-arbitre.


TERMINATOR 3 : RISE OF THE MACHINES
Réalisateur : Jonathan Mostow
Scénario : John D. Brancato, Michael Ferris, Tedi Sarafian
Producteurs : Gale Ann Hurd, Mario Kassar, Andrew Vajna, Colin Wilson…

Photo : Don Burgess
Montage : Nicolas De Toth & Neil Travis
Bande originale : Marco Beltrami
Origine : Etats-Unis
Durée : 1h49
Sortie française : 6 août 2003