Z Nation - Saison 3
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- Série TV par Guénaël Eveno le 2 janvier 2017
Escale à Murphytown
En deux petites saisons, Z Nation a redonné des couleurs aux zombies ! La troisième fournée, bientôt diffusée sur Ciné+ Frisson, confirme l'écriture d'un bel objet mythologique et le capital sympathie de sa poignée de personnages.
Pour Karl Schaeffer et Craig Engler, les deux showrunners, bien du chemin a été parcouru depuis le lancement de la série en 2014 sur SciFi : leur road movie à travers une Amérique post-apocalyptique a recréé un véritable petit monde, prouvant que la qualité ne s’évalue pas toujours à l’aune du budget. Pourtant ce n’est certainement pas l'association The Asylum / SciFi qu’on aurait cru capable d'apporter un ravalement à l'édifice défraîchi des zombies. La collaboration entre la chaîne et la boîte de production a vu naître ces dernières années de nombreux mockbusters tournés dans la forêt du coin mais surtout l’essor de la sharksploitation dont l’avatar le plus célèbre reste la saga Sharkanado. Z Nation a hérité de The Asylum son budget famélique et son esprit rentre-dedans, mais son sel bien particulier provient de Karl Schaeffer, déjà créateur de Eerie, Indiana dans les années 90 pour NBC.
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Trois ans après l’extension d'un virus zombie, une antidote est testée sur des prisonniers. Peu après s’être fait injecter une dose, Alvin Murphy se fait mordre par une horde de zomblards. Il ne se transforme pas et devient, à son corps défendant, le seul espoir de l’humanité. Un groupe de survivants se constitue alors autour de lui pour l’amener à un laboratoire de Los Angeles où son sang sera analysé pour produire un vaccin. Et Z Nation de virer rapidement en road trip rock’n roll à travers une Amérique perdue dans laquelle chacun reconstruit le monde selon son point de vue, se vautrant bien souvent dans les plus bas instincts : le tir au zombie devient sport national, on rencontre des groupes de cannibales, des chrétiens illuminés par la résurrection des morts, des communautés féministes qui règlent leur compte au "mâle dominant"... Garnett, Warren, Addison, Mack, Doc, 10K et Cassandra, qui survivaient jusqu’alors entre horreur, western et post-apo, trouvent une nouvelle raison de se battre en escortant ce messie atypique, guidés par leur boussole, Citizen Z, jeune patriote bloqué dans une base de la NSA en Antarctique qui jouit d'une vue globale sur le chaos ambiant.
Quelle est la recette pour survivre deux ans en territoire zombie avec trois sous alors que le mort-vivant "de luxe" est devenu l’animal de compagnie du dimanche soir de millions de téléspectateurs ? Karl Schaeffer a planté sa tente aux antipodes de The Walking Dead : son groupe conserve des raisons d'espérer à travers le chaos, fait preuve d'humour (parfois noir) et se révèle par l'action et l'image plus que par le dialogue. Et Schaeffer et son équipe ne s'imposant aucun réalisme, de nouveaux zombies assez surprenants sont fournis chaque semaine par la compagnie de SFX de The Asylum, Synapse.
Après une première saison centrée sur la cohésion de groupe et la confrontation avec des communautés de survivants, Z Nation a avancé à vitesse grand V lors d'une seconde livraison de haut niveau, révélant des développements inattendus suite à l'explosion nucléaire concluant la première année et l'urgence d'un remède se faisant encore plus prégnante. En phase de transformation, Murphy, recherché, convoité et souvent las de son statut, prend de l’importance au point de devenir un mythe à travers le pays. La communauté frappadingue hebdomadaire est toujours au rendez-vous, mais se distille surtout au cours de cette seconde saison ce sentiment de voir du pays en compagnie d’une bande de potes dont les caractères se précisent avec les combats endurés à et mesure que se dessine la mythologie du show. L'arrivée à Los Angeles à l’issue de cette année ouvrait de nombreuses perspectives pour un Schaeffer qui affirmait avoir cinq ans d’idées pour son feuilleton. Cette troisième saison confirme que toutes les cartouches n’avaient pas été tirées.
[A partir d’ici, spoilers sur la saison 3]
CHACUN CHERCHE SA FOI
Les promesses du laboratoire de Los Angeles parties en fumée, chacun se retrouve face à ses peurs, sans but, Murphy le premier.
Avec Alvin Murphy, Keith Alan a hérité d’un rôle en or, à la mesure de son charisme tant l’évolution du prisonnier pleutre en messie constitue un des principaux fils rouges de Z Nation. La fin de la première saison, dans laquelle il perdait sa peau, était à ce niveau sans ambiguïtés. Le Murphy show de la saison 2 inaugurait un personnage conscient de sa force mais instable, tel un adolescent en roue libre. Cette troisième année voit le dernier espoir de l’humanité dans sa troisième phase d’évolution, responsable communautaire mais en opposition avec ses compagnons de voyage, décidé à en finir avec les humains pour organiser sa nouvelle race d’hybrides mi-hommes mi-zombies. Pour ce faire, il s’installe à Spokane, Washington, où la série est tournée depuis ses débuts, et commence à mordre les survivants qui deviendront ses disciples. Cette escale à Murphytown amène la série vers des horizons plus classiquement dramatiques, laissant de côté l'esprit punk de Z Nation pour davantage développer une satire sur les enjeux politiques actuels.
Murphy entend donner à ses disciples sécurité et sérénité dans un monde d’affrontements et de chaos. En échange, ils abandonnent de leur plein gré leur liberté, deviennent des demi-zombies asservis à la volonté de leur maître qui les contrôle psychiquement. Un contrat social un peu pipé en somme. Motivée par les idées du défunt Garnett, Roberta Warren défend bec et ongles le libre arbitre, elle qui croit toujours au retour de la civilisation. L’affrontement entre l’anti-héros et ceux qui l’ont conduit jusqu’ici devient inéluctable, mais c’est à travers le personnage de 10K que ce conflit entre liberté et sécurité se cristallise dans un étrange épisode où le jeune homme lutte intérieurement pour rejoindre ses amis.Â
Par les interrogations de ses protagonistes, Z Nation tend un miroir à des Américains qui devaient élire leur futur président dans un contexte pour le moins bordélique. Dans un épisode satirique diffusé une semaine avant les élections (Election Day, 3x09), Schaeffer et les siens présentaient les escrocs de l'apocalypse Sketchy et Skeezy McLain en campagne électorale dans une communauté touchée par la maladie. Malgré l’incrédulité de Doc et Addy, le discours magique de Sketchy parvenait à convaincre les survivants de l’apocalypse que la grande Amérique de jadis pouvait renaître s'ils donnaient de l’argent pour construire un mur et les isoler des zombies. S'il n’est pas innocent que les morts-vivants ont conquis le grand public à une époque où la peur de l’autre et l’individualisme avancent de concert, les scénaristes de Z Nation n'hésitent pas à rappeler que c'est aussi lors des périodes les plus noires que la politique devient le terrain de jeu des escrocs.
Schaeffer et son équipe profitent de la proximité créée avec les personnages pour programmer un maximum d’épisodes loners autour d’un à trois personnages maintenant que le groupe est morcelé par la ligne narrative de Murphytown. A l'instar de la premières saison, ces épisodes se recentrent sur les rencontres d'autochtones atypiques (Doc est particulièrement gâté à ce niveau) et le combat intérieur des protagonistes, retranscrit par des trouvailles de mise en scène évitant encore aux personnages à se confier les uns les autres.Â
LA POURSUITE INFERNALE
Le double épisode inaugurant l'année (No Mercy, 3x01 & 3x02) est un flashback au cÅ“ur de la saison 2 nous présentant The Man (Joseph Gatt, vu dans Banshee), chasseur de prime tenace lancé à la poursuite de Murphy par les membres de Zone A, mystérieuse organisation de milliardaires. The Man établira une infiltration à Murphytown, mais face à la protection rapprochée du nouveau nabab, il décidera de se rabattre sur la fille de Murphy, Lucy, abandonnée bébé à un couple qu’il avait mordu pour les garder sous contrôle.Â
Lorsque nous retrouvons la petite Lucy, elle a déjà gagné quelques années et possède les mêmes capacités de communication avec les zombies que son père, ce qui en fait ses principaux compagnons de jeu. Si la partie à Murphytown est inégale, la réapparition de Lucy redonne instantanément à Z Nation son énergie primitive, notamment par ses retrouvailles avec Doc et Addy à l’occasion d’un superbe épisode qui revient sur les origines de la gamine (They Grow Up So Quickly, 3x11). Puis par sa capture par The Man, relançant l’action jusqu’à la fin de la saison : décidée à sauver Lucy, Addy engage une course poursuite infernale avec The Man. La jeune femme incertaine de la première saison a entre-temps connu elle aussi une métamorphose qui trouve son climax dans Duel (3x14), un affrontement de quarante minutes avec le ravisseur exacerbé par l'incandescente conviction d'Anastasia Boranova. Pendant ce temps, Lucy grandit en accéléré, sème des indices zombies pour aider Addy à retrouver sa trace et devient le nouveau terrain de jeu fantasque des auteurs de Z Nation, au point qu’elle en vient à constituer la principale intrigue, remisant la conclusion de Murphytown à un segment anecdotique.
C’est donc dans une confusion digne de la fin de la première saison que se termine cette troisième fournée, à ceci près qu'un grand pas a été franchi dans la réalisation et l'iconisation de ces anti-héros. Programme phare de SciFi avoisinant chaque semaine le million de téléspectateurs, Z Nation a bien heureusement été reconduite pour une quatrième année de treize épisodes !
Z Nation - series 3
Showrunners : Kar Schaefer & Craig Engler
Scénario : Karl Schaefer, Daniel Schaefer, Dan Merchant, Michael Cassutt, Steven Graham, Jennifer Derwingson, Tye Lombardi, Jodi Binstock, Delondra Williams, Craig Engler, Natalia Fernandez, Abram Cox
Réalisation : Abram Cox, Dan Merchant, Alexander Yellen, Jason McKee, Juan A.Mas, Jodi Binstock, Andrew Drazek, Youssef Delara, Jennifer Derwingson Â
Photo : Alexander Yellen, Frederico Verardi
Montage : Anders Hoffman, Fred Beahm, Andrew Drazek...
Bande originale : Jason Gallagher
Origine : USA
Durée : 15 x 42 minutes
Sortie française : mi-janvier 2017 sur Ciné+ Frisson
Commentaires
Cette imbrication d'intrigues souvent incompréhensibl es est fatigante.
On est loin de l'univers dystopique fun ( décérébré =)) des deux premières saisons, dommage.
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