Californication

I want to be loved

Affiche Californication

Suite à la retraite de la série X-Files (dont l’enterrement a eu lieu l’été dernier paraît-il), on pronostiquait la carrière flamboyante de Duchovny telle celle d’un playboy titillant la libido féminine.


Car il faut savoir que le succès de ces dossiers classés X a déclenché des passions que l’on n'osait pas espérer (la série Sex Files n’a pas été crée par hasard) et si cette popularité s’est autant développée, c’est moins pour son hommage au cinéma de genre que pour la relation ambiguë de nos agents stars que Chris Carter a su brillamment traiter sur la grande majorité des saisons ; les couvertures suggestives de plusieurs magazines montrant le couple prouvaient bien à quel point la tension sexuelle qui s'en exhalait pouvait faire fantasmer chaque individu un tant soit peu réceptif. Cette conséquence n’a rien de hasardeux, puisque les acteurs Gillian Anderson et David Duchovny avaient réussit à représenter de part leurs physiques et leur image un certain idéal de séduction réciproque et graduelle.


L’AFFAIRE NON CLASSÉE
Depuis, The X-Files est un peu tombé dans l’oubli et la réactivité envers la citation culte "I want to believe" s’est considérablement affaiblie, à l’inverse des gestes discrètement affectueux du couple Mulder/Scully, noms devenus légendaires au même titre qu’un Sherlock Holmes (sifflement à la Mark Snow inclus). Nonobstant ce culte, la carrière des deux acteurs s’est mise à considérablement vaciller. Car même s’ils enchaînent régulièrement les projets, on ne peut pas dire que leurs derniers rôles aient marqué les mémoires. C’est donc avec un enthousiasme débordant qu’on retrouve L’ex-martien (avant son rendez vous raté avec Chris Carter et Gillian Anderson) en tant qu’acteur et producteur exécutif sur une nouvelle série.
En revenant au format qui a fait sa gloire, Monsieur Duchovny ne fait pas dans la demi-mesure, il exhibe fièrement ce qui se tapissait dans l’ombre de son sombre costume du FBI, se complaisant à ébrécher l’image qu’il avait façonnée, surtout quand le sujet en question s’oriente vers l’étude de mœurs. Cette thématique est récurrente dans les séries actuelles, que ce soit de manière caricaturale (Desperate Housewives), crue (Six Feet Under) ou puritaine (Les Feux de l’Amour ?), en version unisexe (Coupling UK) ou féministe (je vous laisse deviner). Ces œuvres permettent souvent d’éplucher un sujet naturellement obsédant pour les interrogations qu’il inflige et un besoin continuel de se rassurer et de se recentrer. Dans ce sens, la série télévisuelle, plus que le cinéma, se délecte à explorer les expérimentations des relations qu’elle met en scène.
La durée étant un puissant avantage, les auteurs prennent généralement le temps de répertorier leurs fantasmes les plus fous et de conter les extravagantes rencontres charnelles de leurs projections fictionnelles. Du Casanova Christian Troy mettant dans son lit la mère et sa fille à la débridée Samantha Jones s’éprenant d’un jeune mannequin de dix ans son cadet, tout est possible et envisageable.
Le nouveau personnage de Duchovny n’est donc qu’un fantasme de plus, substituant ou nourrissant le désir d’attiser nôtre libido assoupie. Californication (titre sublime emprunté aux Red Hot Chili Peppers) porte très bien son nom puisqu’en jonglant perpétuellement avec plusieurs sujets, jamais elle ne s’éloignera des songes voluptueux de Hank Moody, le personnage principal.

Californication
 


IN THE MOODY FOR LOVE

Ce quadragénaire auteur à succès n’est pas du tout satisfait de la dernière adaptation cinématographique de l’un de ses livres et son inspiration se fait absente depuis longtemps. Il est pourtant soutenu dans son désespoir par son agent Charlie (Evan Handler, que l’on a pu voir dans Sex And The City) et sa conjointe, celui-ci désespère d’ailleurs de le voir refuser tout emploi altérant son intégrité. Même son ex-conjointe Karen (Natascha McElhone, Truman Show, Ronin) et sa fille (Madeleine Martin) toujours présentes pour lui, ont du mal à encaisser l’aigreur qu’il affiche en permanence. En fait, Moody compense son néant artistique en se laissant entraîner par le courant de la débauche où circulent alcool, cigarettes, drogues et sexe. Cela peut paraître contradictoire quand on sait que Moody continue à convoiter la mère de sa fille, qui, malgré l’impassibilité dont elle fait preuve, résiste mal à son charme et se voit tout de même obligée de le côtoyer pour Becca. Cette adolescente sensible et intelligente aime son père ouvertement, elle le protège, l’admire et l’accepte même si celui-ci  a une énorme difficulté à assumer leur relation.
Le beau-père de Becca, Bill, négatif de Hank, n’est pas la caricature du mec lourd mais plutôt l’incarnation du gentil garçon que l’on estime mais qui ne passionne pas. Tolérant et protecteur, son rôle sert un peu de faire valoir et n’évoluera pas durant la saison, une constante importante qui nous servira de repère. Sa fille de seize ans, Mia (Madeline Zima) est l’inverse, un objet de désir empoisonné, liant les tentations irresponsables de Moody et la nécessité d’assumer sa paternité.

Mais Hank a déjà des difficultés à s’assumer lui-même, son stade quasi dépressif le poussant à être désagréable, blasé et désinvolte, un comportement si grossier qu’il dissimule à peine un certain malaise intérieur qu’il espère expulser mais qu’il ne cesse de macérer indéfiniment. Notre personnage va à fortiori déclencher des situations embarrassantes, en enchaînant déclarations assassines et comportements turbulents tout en adoptant une démarche flegmatique et exaspérante. Mais malgré cette image de loser ultime, Moody réussit à attendrir, à faire sourire grâce à sa pertinence et son charisme, lui permettant par la même occasion d’aligner un nombre considérable de conquêtes.
Des jeunes femmes tout d’abord fans d’un auteur persuadé de la dévaluation de ces œuvres lors de leur passage sur grand écran, un passage tout juste utile à réunir des stars bankable et à déformer ses discours pour l’ajuster à l’imagerie "romantoc" du cinéma dit féminin.

Californication
 


LE SECRET DE SON SUCCÈS
Cette approche intéressante de l ‘univers du business artistique a de quoi surprendre tellement elle est engagée de manière frontale grâce à l’agent de Moody. Leurs discussions sont l’occasion pour les auteurs de cracher leur venin, jouant sur les obligations artistiques et l’image public qu’ils se doivent d’entretenir. Dommage que cette partie, de loin la plus réussie, soit la moins développée, car sur ce point la série tire sur tout ce qui bouge, se plaisant à décaper le vernis d’un système drogué par les apparences. Au travers des propos sardoniques de Hank, on se retrouve face à une représentation défigurée au feutre rouge, comme un chirurgien marquant sur un corps les parties refaites et à refaire. Car Hank n’aime pas trop le jeu de l’apparence et se sentir obligé d’en faire l’apologie va à l ‘encontre de ses convictions.
C’est cette insolence qui permet à Californication de démarrer de manière originale et stimulante. Mais ces dialogues percutant et cette insolence vont laisser placer peu à peu à un esprit trash, putassier et surtout terriblement creux.

Car passé ce portrait dévastateur, tout cela aurait pu s’avérer fort passionnant si cela n’avait pas bénéficié d’un traitement antithétique, le romancier persévère dans une rédemption futile où il projette de récupérer la place qu’il a perdue sentimentalement. Parallèlement, ses déboires sexuels et ceux de son agent nous sont déballés avec un curieux décalage. Voir Hank se faire boxer lors d’un coït, régurgiter avec son partenaire lors d’un ébat furtif, ou rêver de fantasmes typiquement masculins (tel l’intro polissonne et maligne) est carrément jouissif, mais l’est moins lorsque les auteurs tentent de lorgner sur le déviant Nip/Tuck en proposant du triolisme, de la fessée ou du sado-masochisme soft. La représentation du sexe vu au départ comme un acte impulsif et libérateur symptomatique du mal-être mute alors en un banal catalogue d’expérimentations sexuelles. Si bien qu’il paraît laborieux de comprendre la finalité de tout ce spectacle ou le sensationnel et l’émotionnel fusionnent sans réelle cohérence.

Idem pour la vie sociale de Hank : mauvais père, mauvais mari et presque mauvais ami, il se reconstruit petit à petit par une démarche maladroite et parviens difficilement à convaincre son entourage. C’est ici que la troisième partie, celle qui clôtura honteusement la saison, commence à prendre forme. Californication prend alors des airs de Sex And The City masculin dans lequel le héros se raccroche à son amourette de fac. On nage donc en pleine comédie romantique où l’amoureux discret finira par obtenir ce qu’il mérite car le public aime les happy end et que les auteurs aiment jouer sur ce genre de suspense en prenant le spectateur à contre-pied. Mais même si cette manière de courir plusieurs lièvres à la fois s’apparente au style Moody, elle finit par faire passer la série pour un vulgaire divertissement dont les auteurs cherchent plus un moyen d’attirer l’audience que de raconter une véritable histoire.

Californication
 


LA VELLÉITÉ EST AILLEURS

Du coup, l’impression d’avoir été berné se fait grandement ressentir. Si la série de Ryan Murphy jouait sur le vulgaire, c’était pour mieux faire ressortir les malaises d’une société focalisée sur l’apparence et le besoin d’exister. Ici, le show fonctionne telle une girouette, capable de prendre une direction et son opposée l’épisode suivant. Le plus grand coup arrive sur le final qui se trouve être l’antithèse de l’intro du pilote. Une prise de risque énorme qui ne pourra certainement pas fonctionner sur deux saisons risquant  l’énorme "jump the shark" qui pourrait bien faire couler le navire. Au final, Californication ne devient que la réponse tardive de Showtime au Sex And The City de HBO. Showtime qui n’a pourtant pas besoin de copier sur le voisin pour prouver qu’il peut le surpasser (Dead Like Me et Dexter en sont la preuve).

On se contentera donc d’apprécier le retour de David Duchovny à l’écran, sortant de son format habituel et personnalisant sa prestation de père en crise. Une composition qui colle bien au sujet même si certains détails font figures de clichés (et hop la clope au bec tous les matins). Mais ces détails font partis du quotidien de Hank, morose et démotivant, qu’il restitue avec un naturel qu’on pourrait qualifier de suspect. Nous renvoyant presque l’image de l’acteur usé par un mécanisme dont il est le principal engrenage. Une parabole discrète et intimiste nous rappelant à quel point l’homme est subitement passé de la gloire à l’anonymat depuis qu’il ne drague plus son binôme. Le personnage et l’acteur forment à ce niveau une symbiose surprenante laissant supposer que le sujet et l’interprète n’ont pas été choisis au hasard.

Mais le dénouement de la première saison va-t-elle permettre d’approfondir cette dramaturgie ? On ne peut rien pronostiquer pour le moment tant Californication évite d’être prévisible quitte à perdre son public en route. Ce qui est sûr, c’est  qu’à ce rythme, on risque de perdre à nouveau notre pote Duchovny, qui a réussit avec ce nouveau rôle à prouver qu’il savait donner du corps à ses personnages. Depuis qu’il n’a été qu’un homme invité à la fête de mariage dans Working Girl (ne pas détourner l’attention une seconde pour le voir), chacune de ses compositions (qui se souvient de lui dans Beethoven ?) (nd nicco : moi. Scène du repas dans le jardin, table qui se renverse) l’ont fait progresser et il faut bien admettre que son physique a beau nous rappeler en permanence qu’il a été chargé des investigations du bureau fédéral, il reste le gars sexy qui porte très bien le poids de années. Son succès suivra-t’il le mouvement ? On veut y croire.


CALIFORNICATION
Realisation :  Scott Winant, John Dahl, Stephen Hopkins, Bart Freundlich,Scott Burns, Michael Lembeck, Ken Whittingham, Tucker Gates, David Von Ancken
Scenario : Tom Kapinos, Gina Fattore, Eric Weinberg
Production : David Duchovny, Melanie Greene, Tom Kapinos, Gina Fattore , Lou Fusaro, Tom Keefe, Ildy Modrovich, Eric Weinberg, Scott Winant
Interprètes : David Duchovny, Natascha McElhone, Evan Handler, Madeleine Martin, Madeline Zima, Rachel Miner, Pamela Adlon, Damian Young
Origine : USA
Année : 2007