Q's Day : True Romance

L'amour avec des gnons

Quentin Tarantino

Si True Romance est souvent considéré comme le meilleur film de Tony Scott, du moins le plus apprécié, il doit sans aucun doute cette reconnaissance au travail scénaristique de Quentin Tarantino qui livre un script sans faille, à tel point qu’il en subvertirait presque la réalisation de Scott.


Un script aux dialogues ciselés derrière lequel Tony Scott a su remarquablement s’effacer même si le britannique opéra quelques modifications. Exit la fin tragique et le récit morcelé voulus par Q.T. D’ailleurs, si le film se conclut par un happy end, c’est en grande partie "la faute" aux talents d’écriture de Tarantino puisque Scott s’est à ce point pris d’affection pour Clarence Affiche True RomanceWorley qu’il ne pouvait le laisser mourir. Si Tarantino regretta un premier temps ce choix et celui d’un film finalement plus linéaire, il dû admettre leur pertinence car la structure originelle telle que pensée par Q.T se retrouva appliquée dans Reservoir Dogs, première réalisation par défaut après le refus de financement du premier projet envisagé, True Romance, alors jugé trop risqué pour un débutant. Il fut cependant satisfait du résultat et réellement impressionné (et peut être même ému) de voir ses mots mis en scène avec justesse par un autre. D’autant plus que le scénario en question regorge d’éléments autobiographiques, le personnage de Christian Slater étant la représentation filmique de Tarantino (fan de pop culture, on le découvre discourant sur son idole Elvis Presley avant de s’enquiller un triple programme consacré à Sony Chiba, les références cinématographiques jalonnant sa vie…).

Surtout, ce scénario donne les clés de son œuvre à venir car il illustre parfaitement la nature profonde du réalisateur, véritable cinéaste-spectateur qu jouera et jouira ici d’une double mise en abyme : Clarence / Tarantino est un boulimique de pelloche dont la fuite le conduira au cœur de sa passion puisqu’il conclura un deal avec un producteur de séries B, tandis que sa vie entière est sous influence cinématographique (ses attitudes, ses postures, sa manière d’envisager le monde qui l’entoure), il basculera derrière l’écran jusqu’à faire correspondre ses fantasmes cinéphiles avec la réalité.


True Romance
 

Le travail de caractérisation fourni par Tarantino est tellement abouti qu’il semble même prendre le contrôle de la réalisation. Pourtant Tony Scott s’était déjà lancé dans une histoire d’amour extrême avec l’excellent Revenge mais se focalisait alors sur une poignée de personnages principaux afin de donner encore plus de poids à leurs actes. Non seulement True Romance s’avère aussi intense mais le récit parvient avec une limpidité déconcertante à s’articuler et donner de l’importance à tous les personnages secondaires gravitant autour du couple Alabama / Clarence. Des rôles confiés aux bons soins de Brad Pitt, Gary Oldman, Denis Hopper, Christopher Walken, Chris Penn, Tom Sizemore ou James Gandolfini qui ne sont pas du tout là pour cachetonner en tant que guest star. Bien que possédant un temps d’exposition finalement assez réduit, Tarantino réussit à chaque fois à les définir suffisamment profondément pour que leurs interventions soient marquantes et déterminantes. La palme revenant à la confrontation Walken / Hopper dont la tension crescendo culmine dans un moment de pure émotion alors que l’on ne fait que croiser ces personnages. Tony Scott soumet donc sa virtuosité au rythme imprimé par Tarantino, sa réalisation énergique remplacée par des plans plus posés, plus longs mais sans jamais oublier de demeurer dynamiques. Enfin, saluons la construction du récit dont les diverses pistes narratives peuvent laisser craindre une certaine confusion mais qui se rejoindront et se relanceront pour enfin aboutir au même moment lors du gunfight final, véritable explosion de toute la tension accumulée.

True Romance
 

Et puis True Romance est surtout l’occasion d’un magnifique portrait de femme, Alabama Whitman, qui nous apparaît fragile, influençable, un peu idiote mais qui se révèlera être une sacrée dure à cuire avec la tête sur les épaules. Un personnage contrasté de femme forte comme les affectionne Tarantino et qu’il ne cessera de mettre en scène dans tous ses films. Reservoir Dogs et les genres explorés au travers de sa filmo laissent peut être l’impression d’un réalisateur voué à la satisfaction de la gent masculine (ça flingue, ça gicle, ça explose…) mais il ne cesse pourtant d’illustrer une condition féminine constamment mise à l’épreuve et dont Boulevard De La Mort constitue sans doute le plus beau manifeste.

Déjà auréolé d’une solide réputation après le retentissant Reservoir Dogs, Tarantino concrétisera les espoirs placés en lui deux ans plus tard à Cannes avec
la Palme d’Or attribué à Pulp Fiction. Entre les deux, il convient pourtant de ne pas occulter  True Romance, constituant une émanation remarquable de l’univers du réalisateur,  qui est parvenu à exprimer sa vision par l’intermédiaire de Tony Scott. Ce dernier tellement marqué par l’excellence du script à sa disposition qu’il en donnera une version hyperbolique avec Domino.


TRUE ROMANCE
Réalisateur : Tony Scott
Scénario : Quentin Tarantino & Roger Avary
Production : Samuel Hadida, Harvey et Bob Weinstein, Bill Unger…

Photo : Jeffrey Kimball
Montage : Michael Tronick & Christian Wagner
Bande originale : Hans Zimmer
Origine : USA

Durée : 2h00
Sortie française : 3 novembre 1993

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