Twilight Chapitre 1 : Fascination

La tueuse de vampires

Affiche Twilight Chapitre 1 : Fascination

Il y a quelques jours, Isabelle, une fidèle lectrice de Mulhouse, nous écrivait ce mail :

"Kikoo lol L'ouvreuse !

Tout d'abord merci l'ouvreuse pour tous vos articles de kalité. Surtout ceux de Macfly, qui ait clérement le plus intelligent de la rédaction (et le plus beau). Anrevanche, je comprents pa pourkoi vous parlé pas de Twilight. Le magazine dont on ne doigt pas dire le nom à adoré, eux. Ce film ait trop bien. Moi je suis amoureuse du vampir, Edward Cullen. Il ait trô beau, il est gentil, il a de l'argent pas kom tous ces losers de pauvres, et en plus il est filmé tout bleu comme dans Die Hard vivre libre et voter à droite, le film préféré de l'avant-centre de l'équipe de foot karrête pas de me regarder à la cantine quand je mange de la sole.

Isabelle.
"

Merci beaucoup Isabelle pour ces compliments qui nous vont droit au coeur, et te voilà rassurée, car voici enfin venir la critique de Twilight que tu attendais tant.

Adapté du best-seller de Stephenie Meyer, Twilight nous conte l'histoire d'une jeune fille de 17 ans, Bella Swan, qui tombe amoureuse d'un vampire, Edward Cullen. Leur amour est impossible comme dans Romeo Et Juliette, et c'est même marqué sur l'affiche. Voilà. C'est donc pompé sur Buffy, et le reste on s'en fout un peu, puisqu'un mélange de stupéfaction et d'hilarité nous assaille dès la dixième minute du machin.
Festival ininterrompu de gags involontaires, Twilight accumule situations grotesques et séquences improbables avec une naïveté touchante. Les festivités commencent dès l'exposition, lors de l'entrée en scène des vampires dans la cantine du lycée. Difficile en effet de résister à ces monstres de pacotille marchant au ralenti, affublés d'un maquillage ridicule. Passons vite sur le fait troublant que le père de l'héroïne ressemble comme deux gouttes d'eau à Jean-Pierre Lavoignat, car quelques temps plus tard, Edward Cullen, bondissant d'arbre en arbre tel un Yamakazi qui aurait trop vu Les Noces Funèbres, répète à Bella environ cinquante-trois fois qu'il est un vampire. Au bout de dix minutes de surexplications, de périphrases et de reformulations visant à bien faire comprendre au spectateur (qui comme chacun sait est un débile mental) qu'Edward Cullen est un vampire, la fille, de retour chez elle, conclue en voix off : "J'étais au moins sûre d'une chose : c'était un vampire", déclenchant une vague de rire dans la salle de cinéma. Quelques temps plus tard, alors que le vampire en question a enfin réussit à pécho la meuf à coups de "Oui bien sûr, j'écoute Debussy", de "Téma ma grosse voiture" et de regards trop darks qui feraient passer le dernier gagnant de la Starac' pour le chanteur de Rammstein, Edward emmène sa conquête faire des bonds dans les sapins. Une séquence tout bonnement aberrante valant à elle seule le prix de la place, qui s'achève par un plan large des deux tourtereaux suspendus au sommet d'un pinacée. Un tableau surréaliste que n'aurait pas renié Salvador Dalí, directement suivi par une vision d'horreur : Bella en train de regarder comme une imbécile Edward qui joue du piano à queue. Au ralenti évidemment. Pour les spectateurs encore présents dans la salle, suivront une affligeante scène de baseball cadrée par la fille cachée de Jean-Marie Poiré (dont je ne me suis personnellement pas encore remis), et l'apparition du méchant le moins charismatique jamais vu au cinéma, ni plus ni moins. Si on ajoute à cela une direction d'acteur à la ramasse complet (à l'exception notable de l'actrice principale, qui s'en sort plutôt bien) et de SFX tirés des effets les plus ringards d'Adobe Première 1.2, on obtient l'un des nanars les plus tordant vu depuis longtemps.

Twilight Chapitre 1 : Fascination
"Merde, c'est un quoi déjà...?"


Mais Twilight n'est pas seulement drôle. C'est aussi un film qui n'hésite pas à traîner le mythe du vampire dans la boue et à le poncer au papier de verre. Rarement aura-t-on vu sur grand écran un vampire aussi aseptisé : beau gosse, sombre mais pas trop (il se contente de froncer les sourcils), rebelle mais pas trop, assez blindé de thunes pour avoir une grosse voiture qui fait du bruit et une grosse maison avec vue sur la forêt. Et surtout très, très important : gentil. "Rassure-moi, on parle bien d'un homme, là ?", demandait Bill Murray à Andie MacDowell dans Un Jour Sans Fin. On parle même d'un vampire, mon pauvre Bill. Dans Twilight, notre vampire préfère discuter et faire des sudokus avec sa conquête toute la nuit plutôt que de la tringler contre la machine à laver, lui pomper le sang et se barrer le lendemain matin en laissant un faux numéro, comme l'aurait fait n'importe quel démon digne de ce nom (à ce sujet Isabelle, je te conseille de regarder Buffy épisode 14 saison 2).
Le vampire est donc une icône subversive de plus que le XXIème siècle vient de décharger de toute sa subversion. Pour jouer à se faire peur sans n'avoir jamais peur, les mythes les plus contre-culture sont aujourd'hui avalés et redigérés par les réactionnaires et les bien-pensants. Et il ne suffit pas d'aller chercher bien loin pour comprendre pourquoi Twilight est ce qu'il est. Deuxième personnalité mormone la plus populaire aux USA, Stephenie Meyer, l'auteur du livre, n'a jamais vu de films R-rated ni même de films de vampires (elle a seulement tenté de mater Entretien Avec Un Vampire, mais c'était trop hardcore, elle a arrêté). Et elle est fan de Coldplay, le groupe qui fait du rock sans guitares saturées. Autant dire que son oeuvre était condamnée d'avance.
Évidemment, en bonne mormone, l'auteur n'a pas oublié de communiquer au monde sa vision de la femme. C'est ainsi que l'héroïne ne décide strictement rien par elle-même, se contentant de suivre comme un petit chien son mec qui passe son temps à la sauver. Personnage totalement inutile (on l'enlève, le film ne change pas), incapable de choisir son destin ou de se prendre en main, Bella se pose en antithèse absolue de Buffy Summers. Car rappelons que la série de Joss Whedon disait aux filles : "C'est l'an 2000 grosse, n'attend pas pour prendre des décisions par toi-même. Soit indépendante." Dix ans plus tard, dans Twilight on ose dire : "Laisse le mec tout faire à ta place, laisse-le décider quelle sera ta vie. Soit dépendante et soumise."

Où sont les féministes quand un film aussi rétrograde et misogyne est vu par des millions de gamines à travers le monde ? Pourquoi ne les entend-on pas ? Où sont-ils, ceux qui passent leur temps à voir du machisme partout ? Devant ce genre de bouze passéiste, que fait Isabelle Alonzo ? C'est à se demander si fermer les yeux sur l'un des plus gros succès de l'époque véhiculant une telle vision de la femme, pour mieux s'en prendre à longueur de temps aux pornos, à la prostitution et aux films de Paul Verhoeven, ne serait pas révélateur d'une forme de moralisme catho bien-pensant, dont Twilight est clairement l'un des meilleurs représentants cinématographique actuel.

3/10
TWILIGHT

Réalisateur : Catherine Hardwicke
Scénario : Melissa Rosenberg
Production : Wyck Godfrey, Greg Mooradian, Mark Morgan, Karen Rosenfelt
Photo : Elliot Davis
Montage : Nancy Richardson
Bande originale : Carter Burwell
Origine : USA
Durée : 2h02
Sortie française : 7 janvier 2009