Le Ruban Blanc

Nazi sa mère !

Affiche Le Ruban Blanc

Arrivé au bout de sa démarche en remakant Funny Games à l'attention du public majoritairement visé par son discours sur la banalisation de la violence drainant voyeurisme et déconnexion émotionnelle, Michael Haneke remonte aux origines du mal et du siècle dernier par l'entremise d'une exploration clinique d'un village prussien à l'aube de la première guerre mondiale.


Eté 1913, le cheval du docteur se prend les sabots dans un câble invisible tendu dans le but de faire choir le cavalier. Une paysanne meurt accidentellement en travaillant pour les récoltes du baron local. Le fils de la première ne supporte pas la passivité de son paternel et se venge ; le fils du second sera enlevé et retrouvé dans un sale état. Une grange brûle. Le temps passe, les forfaits continuent : en plein hiver on ouvre la fenêtre de la chambre du bébé du régisseur du village, on tente de crever les yeux de l'enfant trisomique de la sage-femme… Puis le duc François-Ferdinand est assassiné à Sarajevo, la guerre éclate.

De ces crimes villageois, on n'en connaîtra jamais les auteurs. Mais les soupçons sont grossièrement portés sur les enfants par l'entremise d'une construction et mise en scène dictée par la voix off fatiguée de l'instituteur du village relatant les évènements passés. Si ce n'est qu'à la fin du métrage que celui-ci porte ses accusations envers la marmaille au sein de la diégèse, il nous précise en off dès le premier plan que les évènements relatés ici ne seront que parcellaires et sujets à caution pour cause de souvenirs quelques fois défaillants. Un évidente note de précaution de la part de l'auteur, voulant éviter autant que possible au spectateur de prendre pour argent comptant un agglomérat scénarisé d'anecdotes collectées dans divers bouquins. Or c'est peut-être dans cette prudence, jointe à une fin délibérément ouverte à toute interprétation, laissant le public dans l'expectative, que se trouve le point le plus faible de ce
Ruban Blanc : le cinéaste ne semblait pas vouloir confronter son nouveau projet à sa filmographie (la morale comme terreau potentiel de la violence ?), et de fait enjoint le public à remplir les blancs à sa place (la bonne tactique pour recevoir la Palme ; Quentin prend note).

Le Ruban Blanc
En fait, elles sont sobres, les coulisses de Cannes


Bien sûr, on voit où Haneke veut en venir : d'une part insinuer que la génération qui a vécu la montée du nazisme était imbibée d'ordre moral et de quête de pureté ; d'autre part qu'il est impossible de désigner des coupables lorsque cela oblige une société à accepter les échecs de ses principes (il faut voir la colère du pasteur lorsque l'instituteur lui fait part de ses spéculations). Le ruban blanc reflète alors les espoirs déchus plus que déçus d'une population qui se réfère à la symbolique pour se convaincre de sa philosophie. Dommage que la durée (deux heures vingt) et la répétition des procédés (des tableaux, admirablement mis en scène, procurant la sensation de voir
Les Habitants de Van Warmerdam croiser Les Damnés de Visconti), rendent tout ceci évident puis vain, diluant l'aura de mystère que tente d'étendre Haneke sur son village synecdotique. Et par extension la portée de son message.

5/10
DAS WEIßE BAND
Réalisateur : Michael Haneke
Scénario : Michael Haneke
Production : Michael Katz, Margaret Ménégoz, Stefan Arndt…
Photo : Christian Berger
Montage : Monika Willi
Origine : Autriche / Allemagne / France
Durée : 2h24
Sortie française : 21 octobre 2009