Appleseed Ex Machina

Bioroids et autres méchas

Affiche Appleseed Ex Machina

Je vais vous faire un aveu, les mangas de Masamune Shirow m'ont toujours gonflé. Pour être vraiment franc, cela est venu crescendo au fil de la lecture des séries Appleseed et Ghost In The Shell, le sentiment d'être exclu de l'univers de l'auteur au fur et à mesure de l'évolution de son style.


Ne vous méprenez pas, je pense sincèrement que Shirow est un génie du design et du graphisme, un vrai visionnaire des technologies futures, et rares sont les BD apportant un flot de détails aussi précis sur l'achitecture, le mécha design et le style vestimentaire des personnages. Mais deux problèmes me gènent de plus en plus dans ses créations et sont principalement liés à la narration.
Le premier est le découpage de ses mangas qui à toujours été assez chaotique, limite incompréhensible et de plus en plus difficile à suivre, qui se ressent principalement dans les scènes d'action. Cela est surtout dû à une incohérence de la mise en page, en bref, on ne sait jamais où ça commence et où ça finit, le passage d'une case à l'autre est parfois très abrupt et en temps normal, lors de la lecture d'une BD, notre esprit comble le vide entre les cases, mais là, je dois avouer que je suis parfois assez largué. A contrario, un auteur comme Katsuhiro Otomo pense sa mise en page comme un film : c'est bien simple, si nous prenons Akira ou Domu, les BD sont quasiment des storyboard d'une précision diabolique et quand Otomo vous entraîne dans une scène d'action (et Akira est une scène d'action de très longue durée), il vous implique physiquement dans le récit. Ce qui est encore plus fort c'est que pour l'adaptation d'Akira en dessin animé, Otomo ne s'est pas contenté de reprendre son oeuvre papier pour en faire un copier/coller qui aurait pu être très convenable, mais se remet en cause et créé un découpage et une mise en scène complètement différente pour donner le chef-d'oeuvre que l'on connait.

Appleseed Ex Machina
 

Le second problème est un peu plus grave, il relève du scénario et des histoires. L'univers de Shirow est empreint de technologies cyberpunk, robotiques, et génétiques le tout étant d'une très grande cohérence sur fond de terrorisme high tech et de cyber complots. Mais le problème est qu'à trop vouloir en faire, Shirow se déconnecte (volontairement ?) de ses lecteurs en expliquant de moins en moins les nouveaux concepts de ces univers, et je m'en prends ici aux deux derniers albums de Ghost In The Shell, qui, comme toujours, sont visuellement extraordinaires mais scénaristiquement seulement compréhensibles par leur auteur. Certains me diront que tout le charabia technologique débité par Kusanagi est intentionnel, à cela je réponds qu'un minimum d'explications à travers le récit aurait pu s'imposer. Pour l'exemple, je pense que Shirow a emprunté cette technique narrative à William Gibson, qui au début de ses livres nous balançait des situations et concepts qui avaient leurs explications dans les chapitres suivants, ce qui apportait un plaisir supplémentaire à la deuxième lecture. Malheureusement chez Shirow, il faudra se débrouiller tout seul pour les explications, en tout cas moi j'ai lâché l'affaire.

Cependant, d'autres prophètes visionnaires décidèrent d'adapter l'oeuvre de Shirow. Tout d'abord, Mamori Oshii, qui synthétisa dans deux films le manga Ghost In The Shell, tout en y apportant sa sensibilité contemplative, puis Kenji Kamiyama, toujours avec le Studio IG, créa la série animée Ghost In The Shell: Stand Alone Complex (2003). Et là, c'est le choc ! N'attendant rien de spécial de cette série, je commençai son visionnage avec l'arrogance du gars suspicieux, gars suspicieux qui se fit renvoyer à dix mètres par le spectacle qu'il eut sous les yeux.

Appleseed Ex Machina
 

En effet, matinée de SF cyberpunk et surtout d'enjeux politiques, explosant l'univers du manga par un soucis de prendre son spectateur pour un adulte, GITS: SAC est une des plus grande série animée de ces dernières années, apportant une qualité dans l'animation, les scénarios et la cohérence qui manquait au manga. Un véritable coup de maître qui a abouti à une seconde série et un long-métrage en préparation.
Sur ces entrefaits, l'autre univers de Shirow qu'est Appleseed subit une adaptation en images de synthèse par Shinji Aramaki en 2004 avec Appleseed puis cette année avec Appleseed Ex Machinima.

Après la troisième guerre mondiale, les nations décidèrent de créer la cité d'Olympus dans laquelle des humains génétiquement modifiés (les bioroids) et dépourvus de sentiment de haine et de violence vivent en paix et en harmonie. Cela est sans compter sur des groupes terroristes bien décidés à faire basculer le gouvernement de cet Eden artificiel.
Deunan (une humaine) et Briareos (un humain mécanisé suite à un accident) sont deux soldats d'élite rompus au combat et intègrent l'ESWAT, la force sécuritaire de la ville.

Appleseed Ex Machina
 

Le premier Appleseed est un très bon spectacle dont les images de synthèse étaient déjà spectaculaires sauf pour les personnages pas très réussis numériquement. Le deuxième opus, produit par John Woo, essaie de gommer ce défaut, mais on sent bien une limite difficile à franchir pour les animateurs dans la modélisation du visage qui semblent assez figés. Ce qui est dommage car le reste des décors, des véhicules et des méchas est incroyablement précis de modélisation, un régal pour les yeux qui retranscrit parfaitement le design de Shirow.
Appleseed Ex Machina
raconte l'arrivée d'une menace terroriste visant à contrôler l'esprit des habitants par le biais technologique, nos héros devront donc contrer une menace constamment invisible tout en essayant de préserver les habitants d'Olympus, mais quand les forces de sécurité sont débordés, la répression est le dernier recours. Répression assez vite éclipsée, le réalisateur ayant un peu peur d'orienter le film vers un jeu de massacre malsain, il préfère se concentrer vers une relation amoureuse conflictuelle dont on a absolument rien à foutre (d'ailleurs, dans le manga, les relations Deunan-Briareos étaient très claires et explicites). En ce sens le scénario n'a pas les ambitions des GITS et vise un public d'ados, tout est assez simplifié et ce ne sont pas les références (pompages ? ) à Matrix Revolutions et Star Trek qui sauveront le film

Malgré un visuel assez ébouriffant, on regrettera amèrement le fiasco scénaristique du flim car Appleseed méritait bien une adaptation à la hauteur de l'univers du manga et contrairement à Oshii et Kamiyama, Aramaki ne cherche jamais à exploser les limites de cet univers.
6/10
APPLESEED SAGA - EX MACHINA
Réalisateur :
Shinji Aramaki
Scénario :
Kiyoto Takeuchi

Production : Terence Chang, Joseph Chou, John Woo...
Bande originale : Haruomi Hosono
Origine : Japon
Durée : 1h43 min
Sortie DVD française : 18 juin 2008