Avalon

Oshii's mind-Ville

Affiche Avalon

A la fois exalté comme chef-d'oeuvre incompréhensible ou nullité aux longueurs inutiles, Avalon est un film qualifié d'étrange, compliqué ou d'hermétique et c'est ce dernier qualificatif qui résume assez bien l'oeuvre de Mamoru Oshii.


Avalon
est en fait un film bien plus simple dans son interprétation qu'il n'y paraît et Oshii y a parsemé nombres d'indices parfois ultra explicatifs sur les enjeux narratifs du film. Mais le spectateur, piégé par une dualité virtuel-réalité, voit ses repères complètement chamboulés dans une partie finale à laquelle il ne s'attendait absolument pas mais qui pourtant est bien la prolongation logique de l'histoire.
Dans un premier temps, le thème du film est le jeu vidéo, de nombreux éléments sont plus facilement accessibles aux "hardcore gamers". A contrario d'un pitoyable eXistenZ, on peut dire qu'Avalon est bien un pur film de gamer.

Ash est une une joueuse d'Avalon, sorte de Battlefield 1942 massivement multijoueur dont les règles semble être les mêmes que tout MMORPG classique, c'est-à-dire faire évoluer son avatar en accomplissant des missions qui rapporte de l'expérience et de l'argent. Comme dans tout jeu de ce type, les joueurs peuvent se regrouper en guildes de six personnages mais Ash est devenue une Solo après un incident dans son ancienne guilde "le Wizard". Solitaire jusque là, les évènements vont pousser celle-ci à rejoindre une nouvelle équipe pour aller plus loin dans le jeu.

Voilà pour le postulat de départ du film, l'interprétation qui va suivre tient compte du fait que vous connaissez déjà le film.

Tout d'abord l'univers d'Avalon est composé de trois parties qui semblent bien distinctes mais faisant partie d'un tout qui est le jeu :
- La partie "Housing" : il s'agit de toutes les scènes montrant Ash dans sa vie quotidienne mais qui font bien sûr partie du jeu.
- La partie combat composée de trois classes (A, B et C) : elles ont pour fonctions d'amener les joueurs à combattre et leur permettre de faire progresser leur personnage.
- La partie Classe Spéciale A : il s'agit d'un niveau spécial du jeu recréant le "monde réel".

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Pour beaucoup de spectateurs, la partie montrant Ash dans sa vie quotidienne est le monde réel et d'ailleurs Oshii joue sur l'acquis du spectateur qui bien que regardant une oeuvre de pure fiction est dans son imaginaire "réel", mais des éléments anachroniques viennent troubler notre perception de ce réel.
Tout d'abord, des personnes sont constamment statiques et à la même place comme faisant parties d'un décor figé, les tons colorimétriques sont quasiment les mêmes que dans la classe A, Ash ne se nourrit jamais et affectionne la compagnie de son chien, les pages des livres sont vierges, Bishop utilise la même longue vue dans la classe A et dans la partie "Housing".

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A ce moment, pour un gamer, l'analogie est frappante avec certains jeux vidéo. En fait, cette partie du jeu est une zone de "housing" c'est-à-dire un endroit du jeu où le joueur gère son avatar, ses caractéristiques, son équipement...
Cette zone, qui est la plus basique du jeu, ne s'encombre pas de PNJs  (personnages non joueurs) évolués disposant d'une intelligence artificielle développée ; ceux-ci sont juste des éléments du décor. De plus, le chien est en fait un "Pet", un animal de compagnie que Ash a gagné et qu'elle gère un peu à la manière des Pokémons ou des Tamagotchis, se souciant constamment de son bien être. D'ailleurs cette théorie est bel est bien corroborée lorsque le fameux chien disparaît suite au Reset de Ash dans le jeu. Car il faut savoir que dans de nombreux jeux, le fait de quitter un combat en se déconnectant entraîne la perte de points d'expériences ou d'équipement, et dans le cas de Ash celle-ci perd son "Pet". Affolée, elle le cherche à l'extérieur de son immeuble et un bruit d'hélicoptère vient lui rappeler qu'elle paye la conséquence de sa fuite.

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Ash est une joueuse d'Avalon qui a oubliée son monde d'origine (le monde réel que l'on ne voit pas de tout le film) et on ne s'est jamais quelles en sont les raisons bien que cela semble volontaire. De plus lorsque Ash discute avec le maître du jeu de la légende d'Odin ayant perdu la mémoire après avoir posé sur sa tête "la couronne de l'oubli", Ash pose sur la sienne le casque de connexion au jeu.

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D'ailleurs, tous les stimuli rappellent la réalité sont rejetés par Ash car son esprit lui est guidé par un but unique : aller plus loin dans le jeu.
Lorsque Ash prépare la nourriture pour son chien, les aliments retrouvent leurs couleurs réelles, comme un signal, un souvenir du besoin alimentaire. La fameuse scène du repas de Stunner a d'ailleurs souvent été qualifiée d'inutile. Dans celle-ci, Stunner mange à répétition et en gros plan son repas d'une manière écoeurante. La scène est tellement amplifiée que Ash est subjuguée par celle-ci, lui rappelant la faim, un besoin organique qu'elle a depuis longtemps oublié car dans un jeu vidéo, les besoins organiques n'existent pas. Stunner est différent, il n'a pas encore totalement rejeté le monde réel et ce repas est un moyen pour lui de se souvenir du monde réel.

Bishop est un personnage à part, il s'agit d'un "admin" dont la capacité est de pouvoir se déplacer librement dans n'importe quelle partie du jeu. Celui-ci, voyant les capacités de Ash, décide de l'aider à aller plus loin dans le jeu et en particulier dans la Classe Spéciale A, le niveau secret. Mais les règles de ce niveau sont différentes, si Ash veut achever ce niveau et devenir un "admin" comme Bishop alors sa mission sera d'éliminer Murphy son ancien co-équipier déjà présent dans la Classe Spéciale A.

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La Classe Spéciale A est un niveau particulier destiné à mettre à l'épreuve la volonté des joueurs. Ceux ci se contenteront-ils d'un monde réel recréé afin d'y vivre paisiblement ou poursuivront-ils la logique du jeu ? C'est la deuxième option que choisit Ash, dont l'esprit est définitivement tourné vers le jeu, auquel l'achèvement sera aussi un accomplissement pour elle. Accomplissement souligné par l'image subliminale d'une statue ayant retrouvée sa tête, alors que tout au long du film étaient éparpillées des images de statues sans têtes.

Avalon
 

AVALON
Réalisateur : Mamoru Oshii
Scénario : Kazunori Itô
Production : Atsushi Kubo, Shin Unozawa, Kazumi Kawashiro...
Photo : Grzegorz Kedzierski
Montage : Hiroshi Okuda
Bande originale : Kenji Kawai
Origine : Japon / Pologne
Durée : 1h46
Sortie française : 27 mars 2002

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