Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?

Le septième sot

Affiche Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?Au pays des outsiders artistiques, au royaume des films vilains, aux côtés des perles cinématographiques à la médiocrité géniale, se trouve cette catégorie un peu spéciale, éloignée du nanar cosmique mais révélatrice du même plaisir non-feint.


Un plaisir que les prudes nomment "coupable" ou "honteux", avant de se flageller à coups de Télérama. Ce monde à part, c’est celui de la vraie bonne dumb comedy, de la potacherie qui sans vergogne bousille les zygomatiques d’un public avide de fun altruiste et d’attitude collégiale bienfaitrice. Ce même public qui chaque matin repense avec émotion à ce superbe intitulé à la beauté christique qu’est John Tucker Must Die. A l’intérieur de ce microcosme se confrontent autant de visions tenant de la révélation philosophique ! La dumb comedy nous régale des inventions visuelles chtarbées d’un Little Nicky, des gags audacieusement plus-bas-que-terre-tu-crèves d’un Deuce Bigelow, de l’état d’esprit hallucinant de gugusserie de tel Ricky Bobby ou de tel Ron Burgundy.

Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?


Et quel plus bel exemple que cet insensé Eh Mec ! Elle est où ma caisse ? pour se rendre compte de l’utilité civique du débilos intersidéral comme source inépuisable de création ? Le résumé annonce une œuvre tout de même plus concise et pertinente que Le Miroir de Tarkovski : Deux grands benêts, une pizza froide, un lendemain de soirée à la Todd Philips, et cette interrogation qui tient de l’existentialisme : dude, where’s my car? La réponse, si réponse il y a (et si la bagnole était allégorique ? Et si elle représentait le sens de la vie ou la pierre philosophale ?) s’énoncera au bout du chemin, route sinueuse et vecteur de péripéties rocambolesques, promenade épique et initiatrice vers une certaine idée de l’Absolu. Comprendre : un trip délirant parsemé de puceaux délurés, de bombasses de l’espace, de chiens pisse-partout ou fumeurs de beuh, vers l’infini, les voyageurs extraterrestres teutons et au-delà ! Même Ulysse n’a pas vécu tant de prodigieuses aventures, et il se sentirait bien pataud, l’aède classique, s’il devait résumer ce joyeux bazar, qui tient son essence des parfums revigorants du tube de colle.


FELLOWSHIP OF THE RINGUES

Mais quand vous êtes le réalisateur de Harold Et Kumar Chassent Le Burger ou de Balls Of Fury, synthèses de la grammaire cinématographique traditionnelle à la syntaxe inconsciemment pétée à la schnouf, et quand l’explicite influence de votre bébé se nomme Dumb & Dumber, la leçon de cinoche qui s’en dédit ne peut être que jusqu’au-boutiste dans la machinerie ronge-cerveau. Et tant mieux ! Le rire n’est jamais plus beau que quand il est provoqué par ce destructivisme cérébral en forme de gradation, ces quiproquos répétitifs virant à l’hypnotique (Dude!
Sweet! Dude! Swee ! Dude!), ces farandoles jouissives de connerie, tellement assumées qu’elles imposent l’ensemble comme une ode amoureuse aux goofies de tout poil.

Le film se centre ainsi sur un duo à la Jim Carrey / Jeff Daniels, jamais méprisé ni perçu avec cynisme : le dynamisme de ce couple permet alors d’esquisser une pensée propre aux dumb comedies, une notion indissociable de l’entertainement givré tendance Malcolm. Sans aucune pudeur, autant l’acclamer : ce qui fait le sel d’un Farelly Bros, d’un Rob Schneider, d’un Jack Black ou dudit film, c’est l’affection particulière qui relie le public à son personnage. Le degré de lositude est tellement magnifié (jusqu’à la victoire finale de nos "guignols" !) que ces mêmes personnages prennent matière et deviennent aisément substantifiques, importants. Cette sentimentalité, c’est le petit côté humaniste de ces films de dingues attardés, qui, derrière l’attrait trash ne demandent qu’à dévoiler une conception naïve et finalement positive de l’être.


Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?


Comment ne pas s’attacher à ces deux grands ados quand ceux-ci avouent, lors d’une courte scène, qu’ils ne sont que de "gros nuls" ? La preuve qu’"hénaurmités" et finesse d’écriture peuvent se mélanger : enchaînant les rencontres en affichant constamment leurs sourires d’imbéciles heureux, les dudes de Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ? deviennent alors de véritables potes pour un public fasciné par leur géniale nazitude (au sens de "naze", monsieur Godwin). Puisque au-delà de cela, pourquoi s’intéresser au Sandler de Billy Madison, si ce n’est pour la bonne raison que le héros de la dumb comedy (et ce film-là n’enfreint pas la règle), à la manière d’un character signé Kevin Smith, représente ce qu’il a de plus défendable et attachant ? Tout simplement, il s’agit de simples "mecs" qui transfigurent la marginalité, la lose, la galère, perçus par un public qui ne souhaite que leurs victoires, pardi !


KONTRE-KULTUR'
Mais si Eh Mec ! n’était qu’une fiesta de la régression, l’ouvrage ne fonctionnerait pas autant. L’intégrité de l’engin est en réalité metaphorisée par un excellent climax final, tenant du pur fantasme de gosse peloteur de poitrines. Nos protagonistes, afin de sauver le monde (ni plus, ni moins), alors que toute une galerie de personnages stéréotypées observent le spectacle (musclés décervelés, jumelles sexy, nerds trouillards), doivent mettre à néant… une géante poumonnée à la culotte triple XXL. Fin annoncée quelques bobines plus tôt, puisque le subtil spectateur aura remarqué une rapide citation de Godzilla…

A travers cette imagerie, la comédie devient alors un blason, consacré à une certaine contre-culture, pas respectable pour un sou. Cette culture sale. Cette culture pleine de filles sexy, de monstres gigantissimes, d’ingrédients propres aux teen movies (jusqu’au rock californien), de générosité dans le what da fuck outrancier. Pas seulement un objet référentiel, non !…mais une philosophie de vie, où assumer la régression revient à en faire une légère forme de transcendance.

Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?



Souvenez-vous : dans le genre régressif, Bob L’Eponge Le Film se posait là (c'est-à-dire à une bonne place). Mais qui a oublié son orgie rock’n’roll finale, où notre éponge favorite libérait Bikini Bottom à coups de Twisted Sisters ? Après avoir traversé un océan d’humour absolument fucked up de la tête, ce conte moderne bien ravagé osait rappeler, par la fantasmagorie propre au cartoon, le pouvoir transgressif de la guitare électrique, remède à toutes les lobotomies. Preuve s’il en est du lien unissant parfois régressif et transgressif.
Et Eh Mec ! de brandire en étendard une fierté de la potacherie non-sensique où les autruches sont des lamas, et où L’Attaque De La Femme De 50 Pieds rejoint les documentaires animaliers au stade de patrimoine culturel. Tout pourrait se résumer à ce générique d’ouverture coloré et punchy, où s’active cette petite sphère de déviances contre-culturelles. Seul Jean-Paul Sartre aurait du mal à adhérer au message général, prônant moins la contingence de l’existence que l’idéologie des sexy comedies, de la série B décomplexée, du cinéma populaire décoincé du bulbe et des reportages National Geographic. Dans son ambition à lier les types de plaisirs régressifs, l’œuvre atteint une dimension quasi sociologique de délire pop revendicateur. Oh, tout cela n’est pas très savant, me direz vous. Mais, comme l’affirmait Tristan Tzara, papa du Dada et autre adepte du non-sens : "L’art n’est pas sérieux, je vous assure !".


Eh Mec ! Elle Est Où Ma Caisse ?


Mais si vous préférez stopper la cadence question bières, vous pouvez tout aussi bien ne retenir de ce poème à ciel ouvert que quelques menus éléments : des singes, des seins qui grossissent, des accents rigolos…et beaucoup, beaucoup de pudding.


Vous aussi, engagez-vous sans plus attendre sur la voie de la dumb comedy, vers un ailleurs plus grand que la vie ! Un ailleurs tranquille où la vanne gargantuesque épouse une si belle idée de la culture. Au service de l’universel. Au service du chef-d’œuvre pasolinien.


DUDE, WHERE'S MY CAR?
Réalisateur : Danny Leiner

Scénariste : Philip Stark

Producteurs : Broderick Johnson, Andrew A.Kosove, Gil Netter, Wayne Rice.

Photo : Robert M.Stevens

Montage : Kimberly Ray

Bande Originale : David Kitay

Origine : USA
Durée : 1h24
Sortie française : 18 avril 2001 




   

Commentaires   

+1 #1 Sébastien 04-04-2013 17:00
Merci , merci ,merci !
0 #2 youli 08-05-2014 10:17
Sweet!
Par contre j'ai pas très bien compris ce que Pasolini venait faire dans la conclusion...
0 #3 Vrais savent 09-05-2014 09:29
0 #4 youli 10-05-2014 13:38
Citation en provenance du commentaire précédent de Vrais savent :

Burglekutt !
Merci.

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